Le Mauritanien est de nature docile, dévoué et obéissant au « Makhzen » (le pouvoir). Il lui est exceptionnel, sinon impossible, de s’opposer à la volonté de l’Etat. Les communautés, les tribus, les campements et les villages rivalisent à conquérir ; à tout le moins, obtenir les faveurs la proximité et les faveurs ; du pouvoir… A l’époque du parti unique pourtant, une petite bourgade – Taguilalet, à vingt kilomètres au Nord-est de Mederdra – eut le courage de condamner, face au président de la République, un acte du pouvoir que beaucoup s’empressaient d’applaudir. Quelques fils des familles maraboutiques locales avaient été envoyés, au temps des Français, à l’école coloniale, contre le consensus maure. Plusieurs de ces jeunes avaient exercé, en suivant, des fonctions au sein de l’administration coloniale, comme interprètes, commis ou enseignants. Le premier diplomate mauritanien : Mohamed Vall ould Bennani ; l’ambassadeur Mohamed Abdallahi ould El Hassen, Sid’Ahmed ould Mohamed qui enseigna le président Moktar et Ahmed ould Ba furent de ce groupe. Taguilalet fut ainsi l’une des premières écoles nomades. La khayma avait été achetée aux frais des autorités coloniales qui prenaient toutes ses dépenses en charge. Notamment celles relatives au chameau, réquisitionné, en permanence, pour la transporter, ainsi que les tables de l’école. Deux personnes au moins étaient payées pour accomplir cette tâche. Chaque fois que le campement déménageait, ladite tente était toujours la première à être déplacée… Cette unité mobile sous la tente fut ouverte en Octobre 1955. Elle passa quelques années scolaires à se mouvoir, entre le puits de Baghass, à trente kilomètres au Nord de Taguilalet, et ledit lieu, avant de se stabiliser finalement en ce dernier, toujours sous la « tente scolaire », au cours du mois d’Octobre 1958. Lorsque les premières maisons furent construites à Taguilalet, l’année suivante, on réquisitionna une ou deux chambres pour abriter les classes. La majorité des élèves qui y poursuivirent leurs études se rendirent aux lycées de Rosso et de Nouakchott, une fois l’indépendance déclarée. Certains, comme le docteur Yahya ould Hacen ou Moustapha ould Sid’Ahmed partirent à l’étranger. Le mouvement Kadihine était alors en effervescence. La contagion contestataire ne tarda pas à atteindre la jeunesse de Taguilalet. Le petit livre rouge de Mao, le Capital de Karl Marx et les ouvrages de Lénine circulaient parmi la jeunesse de la petite bourgade. Pendant les vacances, on entendait sur les dunes environnantes, chaque nuit jusqu’à des heures tardives, des chants progressistes. La fameuse tournée présidentielle de Juin Deux semaines après les événements de la MIFERMA à Zouérate (1969), le défunt président Moktar ould Daddah entama une visite dans la sixième région, l’actuel Trarza. A cette époque, Taguilalet comptait plusieurs haut responsables : le ministre de l’Intérieur, feu Mohamed Salem ould M’Khaitirat, l’ambassadeur en Afrique de l’Ouest basé à Dakar, feu Mohamed Abdallahi ould Hacen. Quant à Ahmed ould Ba, il était gouverneur du Nord du pays. Le 20 Juin, la délégation présidentielle passa la nuit à Hsey El Mahsar. Un accueil grandiose et une superbe soirée de gala lui fut réservé, par l’émir défunt H’bib ould Ahmed Salem et les siens. Après cette inoubliable nuit, la délégation reprit la route du Nord-ouest, vers 9 heures. Il était prévu qu’elle passât la journée à Taguilalet avant de continuer vers R’kiz. La veille, une longue nuit de conciliabules avait failli dramatiquement tourner au village. La jeunesse Kadihine était prête à contribuer à l’accueil mais posait une très difficile condition. Ils exigeaient la rédaction, sans censure, du discours officiel à prononcer devant l’illustre hôte. Certains vieux commis de l’Etat, comme Mohamed Vall ould Bennani y voyaient un grand risque. Mais l’ambassadeur Mohamed Abdallahi ould Hassen était déjà en mauvais termes, avec le président Moctar et supportait discrètement les jeunes kadihines. Les chaudes discussions avaient enflammé tardivement la nuit. Finalement, quelques vieux sages, dont El Bara ould Eymine, étaient intervenus pour convaincre le groupe de se plier à la volonté des jeunes dont les plus extrémistes avaient même menacé de tirer sur le Président, en cas de refus de leur doléance. La grande surprise Au petit matin, l’accueil est fin prêt. Les femmes alignées, en voile blanc, sur le côté gauche de la voie qui mène à la tribune officielle. Les hommes itou, en boubou bleu, sur le côté droit. Tamtams et youyous s’en donnent à cœur-joie. Soudain, on aperçoit le convoi qui vient du Sud. Le président Moctar descend de voiture, tout sourire, en compagnie du ministre de l’Intérieur. Il salue les accueillants, à grands renforts de signes de la main à la nombreuse foule. Lorsqu’il prend la parole à la tribune, il paraît très détendu, remerciant les habitants de Taguilalet pour l’accueil chaleureux qui marque leur attachement aux idéaux du parti-Etat, le PPM. Son discours est vivement applaudi, même par la jeunesse présente qui tient à l’effet de surprise que ne va pas manquer de provoquer la lecture de leur discours. Gardé secret jusqu'à la dernière minute, le texte est enfin remis à Mohameden ould El Kerim pour lecture devant le Président. Manifestement de bonne humeur, celui-ci sourit encore, lorsque Mohameden prend la parole. Le discours est diffusé, en direct, sur Radio-Mauritanie, il commence par un classique souhait de bienvenue, avant de durcir graduellement le ton, critiquant indirectement la politique d’Ould Daddah. Quelques minutes plus tard, c’est le choc, pour le Président, sa délégation et tous ceux à l’écoute de la radio sont éberlués d’entendre l’homme sage, si réputé apolitique, scander : « Nous, habitants de Taguilalet, condamnons fermement le massacre des innocents ouvriers de Zouérate ! » Rouge de colère, Moctar se lève. Et suivi de toute la délégation, rembarque dare-dare, abandonnant le lieu où les attendaient de belles agapes, pour s’installer, plus loin sous les arbres, à déjeuner de quelques conserves, car l’étape de R’kiz n’est prévue que dans la soirée. Quittant Taguilalet, Ould Daddah avait soufflé à l’oreille d’Ould Mkheitirat : « Les habitants de Taguilalet ont-ils perdu quelqu’un à Zouérate ? » Quelques jours plus tard, Ould Mkeitirat fut rétrogradé de l’Intérieur aux Pêches. A la rentrée scolaire d’Octobre 69, c’est en héros « grands militants », comme les qualifièrent leurs camarades, que les élèves de Taguilalet furent portés en triomphe par les élèves kadihines des lycées de Nouakchott et de Rosso, les seuls qui existaient alors. A compter de ce jour mémorable, les meetings tenus par le Président, lors des visites à l’intérieur, ne seront plus jamais diffusés en direct sur les antennes. Salman ould Moctar et Mosy
Soucieux de moderniser Nouakchott et d’en faire une ville un tant soit peu viable, le gouvernement a décidé de débloquer cinquante milliards d’ouguiyas MRO. Plusieurs départements ministériels sont concernés par cette mise à niveau dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle a tardé.