Occultée quelques temps, la question du troisième mandat revient au-devant de la scène. Et pas n’importe où : à l’Assemblée nationale, s’il vous plaît ! Un député, spécialiste du retournement de boubou, a demandé, ouvertement, au président de la République de violer la Constitution, en se présentant à la prochaine présidentielle. L’élu, qui a bénéficié, il y a quelques mois, d’un quota de poulpes (cédé à un opérateur, contre monnaie sonnante et trébuchante), veut, sans doute, rendre la monnaie de la pièce à son bienfaiteur. Bien qu’Ould Abdel Aziz a dit et redit qu’il n’y consentirait pas. Même si ce n’est pas l’envie qui lui manque. « Le pouvoir a un de ses goûts ! », disait feu Mokhtar ould Daddah. Et, en effet : entre notre guide éclairé et le pouvoir, c’est une longue histoire d’amour. Principal auteur du coup d’Etat de 2005, Il y resta d’abord dans l’ombre, tirant les ficelles. En 2007, il propulse un civil à la tête de l’Etat et se propulse général chef d’état-major à la Présidence. Y prenant tant d’aises que ledit civil dut s’enhardir à le limoger, avant de se voir à son tour limogé, illico presto, par l’étoilé furibard de tant d’audace sans armes. Bizarre, ce pays où des généraux démis ne se trouvent pas mieux, pour justifier leur coup, que d’accuser le Président d’avoir « décapité » l’armée. Enfin, bref, voilà le pays désormais à la botte du général… qui s’empresse de changer de chaussure et profil, histoire de paraître civilisé. En 2019, il aura totalisé onze ans de pouvoir. Ce qui, comparé à certains dinosaures arabes et africains, n’est pas grand-chose, vous en conviendrez. Mais notre pays a cette particularité d’avoir verrouillé la Constitution, pour éviter que, débotté ou non, nul ne puisse se prétendre indispensable. L’opposition affûte déjà ses armes et la rue, qui commence à en avoir assez de ces années de disette, acceptera difficilement qu’on la trompe de nouveau. Après les slogans tapageurs de 2009, « lutte contre la gabegie », « fin des inégalités » ou « justice sociale », qui se sont révélés vaines et creuses promesses, elle aspire désormais à un mieux-être, une éducation de qualité, un système sanitaire fiable, de vraies infrastructures, plus d’emplois et justice effectivement équitable. Autre donnée incontournable : les partenaires au développement veillent au grain. Ce n’est, en effet, pas un hasard si le représentant de l’Union européenne et, en suivant, l’ambassadeur de France, ont, tous deux, insisté, dans des interviews au Calame et à Al Akhbar, sur la promesse solennelle d’Ould Abdel Aziz à ne pas requérir un troisième mandat, et l’en ont félicité. Des propos qui n’ont apparemment pas plu au porte-parole du gouvernement dont l’ire était perceptible, lors de sa rencontre hebdomadaire avec la presse. Le ministre ne voulait peut-être pas que des étrangers évoquent un sujet « tabou ». La question n’aurait, pourtant, jamais dû jamais se poser, dans un Etat se réclamant de Droit, respectueux de ses institutions et de sa loi fondamentale. Il existe une Constitution, elle est en vigueur et prévoit deux mandats, point final. Appeler à la violer doit valoir, à son auteur, de lourdes peines, amende et inéligibilité. De quoi fermer le clapet à ces oiseaux de mauvais augure qui, pour des intérêts bassement mercantiles, ne veulent pas que le pays avance. Ou vive une alternance pacifique.
Le pays en a assez d’être pris en otage par une junte. Au Mali, Niger et Burkina, pays sur la même ligne de front que nous, dans la lutte contre le terrorisme, des régimes militaires, parfois beaucoup plus ancien que le nôtre, ont cédé la place à des civils. Et la terre a continué à tourner. Certains, il est vrai, s’entêtent à la croire plate et seraient tout-à-fait enclins à jouer les inquisiteurs. Mais, pourtant, elle tourne, notre bonne vieille Terre… et la roue du temps, aussi !
Ahmed Ould Cheikh