Le gouvernement mauritanien a décidé de changer le placement du week-end. A compter du 1er octobre prochain, les travailleurs se reposeront le samedi et le dimanche. Comme dans la grande majorité des pays de notre planète bleue. Une question d’adaptation, argue-t-on, la Mauritanie ne peut tourner le dos au Monde dont elle tire plus de 90% de ses besoins et qui bosse, lui, pendant que nous dormons, leurs jours ouvrables. Les arguments sont donc économiquement objectifs. Certains contestent la décision, fondant leur critique sur la Prière du vendredi, très importante, il faut le leur concéder, mais si nous sommes, effectivement, des musulmans, nous ne le sommes pas plus que les autres de la Oumma.
Cela dit, ce changement ne change, en rien, la pratique de la prière. Pour deux raisons essentielles. D’abord, le vendredi, les travailleurs débauchent à 12 heures, soit 2 heures avant la prière, un temps de battement qui permet, du moins à ceux qui sont véhiculés, de rentrer chez eux et de se préparer pour la prière. Seuls des banlieusards ne disposant pas de moyens de transports peuvent se retrouver en peine vis-à-vis de cette obligation religieuse.
Ensuite, nombre de nos établissements publics et privés se sont dotés de mosquées où leurs employés peuvent prier. Mais on remarque, lorsqu’il nous arrive d’y accomplir quelque office, que rares sont les employés, du premier responsable au dernier, qui nous y accompagnent. Ils pourraient fort bien mettre à profit le vendredi pour s’y rendre, avec un certain nombre de conditions. Il se trouve encore que le centre-ville, qui dispose, de surcroît, de nombreuses autres mosquées, concentre l’essentiel des établissements publics et privés. Personne ne peut arguer de ce que la mosquée est trop loin de son lieu de travail : qu’il prie donc et rentre tranquillement chez lui ! L’enjeu, à notre avis, n’est pas le temps réputé nécessaire à la préparation de la prière du vendredi. Peut-être au nombre de mosquées habilitées à l’organiser, peut-être, mais cela ne devrait pas constituer un obstacle insurmontable, au gouvernement, d’en augmenter sensiblement l’effectif.
En réalité, le problème, ce n’est pas de placer le week-end dans la semaine mais comment faire pour que les Mauritaniens accomplissent leurs neuf heures effectives de travail quotidien. Les instructions du Président visant au respect des heures d’entrée et de sortie n’ont jamais changé le comportement, fort peu consciencieux, de ses concitoyens. Un petit tour dans les services publics permet de constater le nombre effarant d’employés qui se pointent au travail deux heures encore après l’heure officielle de son ouverture. Et pour cause : leur retard n’est quasiment jamais défalqué de leur salaire, aucune autre sanction ne leur sera infligée. Même les visites dites « inopinées » du président de la République ne dissuadent pas les récalcitrants. Rares sont les fonctionnaires mauritaniens qui travaillent effectivement le temps officiellement requis et la situation est à peine meilleure dans le secteur privé.
Le problème, c’est que les Mauritaniens se foutent du civisme ou du patriotisme. Un bon mauritanien travaille d’abord pour lui, pour sa famille, sa tribu, sa région. Sinon, comment comprendre qu’un pays de moins de quatre millions, nanti d’immenses ressources minières, agricoles, halieutiques, pastorales, continue à traîner autant de pans de pauvreté ? Jusqu’à, même, en entretenir un Triangle, tandis que notre Président se vante, lui-même, d’être le président des pauvres !
Arrivé au bureau, un bon fonctionnaire commence sa journée par les trois verts de thé, jette un coup d’œil sur son ordinateur, pour consulter sa boite mail, répondre à son courrier personnel, regarde sa page Facebook, échange avec des amis et « s’intéresse », enfin, au courrier officiel, du moins si celui-ci est « productif », sinon, il peut attendre. Normal pour qui ne se préoccupe que du profit personnel qu’il peut tirer de son travail, et non pas de ce qu’il peut être utile à son pays. Arrivent des amis et autres collaborateurs ; classiques salamalecs et « chtary », à moins qu’il ne faille donner dans la courbette, si le visiteur s’avère secrétaire général, ministre, ADG ou DG. On n’oubliera pas, avant de rentrer à la maison, de se montrer au siège du parti, pour prendre des nouvelles ou prouver sa fidélité de façade. On ne tue pas l’arbre qui vous nourrit. Que reste-t-il, alors, pour la citoyenneté, pour la Mauritanie ? Très peu. Et demain, ça recommence...