Les pensionnaires de M’berra souffrent
Le camp de M’berra, à quinze kilomètres de Bassiknou, ne connaît plus la même frénésie d’il y a deux ans. Dans ce vaste camp des réfugiés maliens d’origine arabe ou touarègue, c’est presque la désolation. Les dizaines de milliers de familles ne savent plus quoi faire, pour survivre dans un environnement aussi délabré qui ne reçoit plus d’aide, depuis plusieurs mois. Les habitations, essentiellement des tentes et des bâches, aux emblèmes d’organismes des Nations Unies, notamment du Haut Commissariat pour les Réfugiés (HCR) sont quasiment en lambeaux. Des milliers d’hommes, femmes et enfants s’y entassent, sans savoir ce qu’ils attendent. L’infirmerie du camp peine à contenir ses centaines de visiteurs journaliers à qui elle est incapable d’offrir grand-chose. Les temps où les denrées et les médicaments coulaient à flot semblent aujourd’hui révolus. Selon Idoumou, un ressortissant de Bassiknou activiste des droits de l’Homme : « Les organisations qui intervenaient au profit du camp ont diminué considérablement leur intervention, à cause des rapports suspicieux et contradictoires qui leur ont été envoyés. Tantôt ces rapports parlent de cent mille réfugiés, tantôt de cinquante mille et tantôt d’un nombre beaucoup moins important, selon les situations qui se présentent. La fondation du camp a donné lieu à toutes sortes de malversations. Des détournements de camions entiers, pleins de toutes sortes d’aides, ont été organisés par des réseaux où tout le monde trempait, des plus hautes autorités administratives de l’époque aux responsables militaires et sécuritaires. Les dénonciations et les protestations des Touaregs n’ont rien donné. Il est sûr que les bailleurs ne sont pas aussi dépassés pour ne pas avoir eu écho de ces vols orchestrés. C’est certainement une autre raison qui a motivé leur décision de réduire leurs aides, jusqu’à voir plus clair dans cette affaire. De simples fonctionnaires civils et militaires qui travaillaient dans la zone se sont considérablement et rapidement enrichis. C’est vous dire combien les détournements étaient conséquents. Mais, aujourd’hui, ce sont les pensionnaires des camps qui souffrent : les aides qu’ils reçoivent leur permettent juste à survivre. Trente à quarante pour cent de ces populations sont des Mauritaniens que les autorités ont encouragés, on ne sait pas trop pourquoi, à aller s’y installer, en réfugiés touaregs fuyant les hostilités du Nord-Mali ». Certes, les distributions gratuites continuent. Mais plus comme avant. On est passé de sept kilos/personne de toutes les denrées, chaque vingt-cinq jours, à seulement trois kilos. Des quantités qui ne permettent plus à certaines familles particulièrement nombreuses de se nourrir convenablement.
Mauvais hivernage
A l’exception des départements de Djiguenni et Timbedra, les zones de la wilaya du Hodh Chargui attendent encore l’hivernage. C’est à peine si une centaine de millimètres de pluie s’est abattu, depuis juin, sur Néma et ses environs. Plusieurs éleveurs ont déjà choisi l’option de conduire leurs troupeaux vers des cieux plus cléments, avec ce que cette disposition suppose de contraintes. Mais, comme le dit Maaloum Ould Mahmoud : « Nous n’avons pas le choix. Entre voir mourir nos bêtes entre nos mains et aller les mener paître du côté de Nara ou Nioro, nous choisissons d’aller même plus loin. Parfois, à nos risques et périls, nous partons jusqu’aux confins des forêts de Wagadou ». Effets collatéraux, les animaux d’abattage coûtent relativement chers et le lait de chamelle, habituellement à bon prix, atteint cinq cents ouguiyas le litre. La petite quantité vendue dans la bat’ha de Néma fait l’objet de tant d’intenses sollicitations que pour espérer en obtenir, il faut se présenter dès dix-neuf heures. Côté administratif, les éleveurs se plaignent de ne pas avoir bénéficié de programme pour les aider à affronter cette dure situation. Ceux qui sont restés au pays payent le sac d’aliments de bétail (rakel) à six mille cinq cents et celui du blé à six mille. Selon un ancien maire de Néma : « Le vrai rakel coûte onze à douze mille ouguiyas et le blé, jusqu’à sept mille, parfois ».
Encore trente-cinq kilomètres de calvaire
Le calvaire des usagers du tronçon Kiffa/Néma n’est pas encore fini. Depuis 2007, les deux cent dix kilomètres qui séparent Kiffa d’Aïoun constituaient un véritable casse-tête, aux chauffeurs et aux passagers. C’était, habituellement, cinq à six heures de nids de poule, coups de coude, de gueule et de reins, bagarres occasionnées par une mauvaise humeur que les hauts et les bas d’une route complètement délabrée accentuaient fortement. Et ce n’est pas fini ! Aujourd’hui encore, les usagers doivent encore passer au moins une heure pour traverser, avec difficulté et grosses manœuvres, les trente-cinq kilomètres qui restent quasiment impraticables. Quelque part, une trentaine de bennes et une dizaine de tracteurs restent là, stationnés. Des hommes en combinaison s’affairent autour. C’est, disent les passagers avec dédain et forts commentaires, la base de l’ATTM. Six ans que celle-ci, dirigée, alors, par l’actuel PM, travaille, avec d’autres, sur la réparation de cet axe routier, incontournable pour tous les habitants des deux Hodhs. Personne ne comprend ce retard. Tout comme personne ne comprend le mutisme, presque complice, des autorités publiques.
Nbeïket Lahwach, l’oubliée
Nbeïket Lahwach, la sixième moughataa du Hodh Chargui, ne fait plus parler d’elle. Fini le temps où elle était, vraiment, sous les feux de la rampe. Au moins par deux fois, le président s’y est rendu, en grandes pompes. L’occasion était alors belle, pour tous les cadres du Hodh Chargui, d’y aller et, même, de prétendre en être ressortissants. Aujourd’hui, l’avant-dernière-née des moughataas du pays est totalement désertée. Les chefs de service qui y sont affectés (dont le hakem) n’y séjournent que très occasionnellement, « tirés par les sourcils de leurs yeux ». Les bureaux administratifs, construits dans la précipitation, restent hermétiquement fermés, après la petite « éclaircie » de la dernière campagne électorale. Les populations du Dhar, qui constituent l’essentiel de ses habitants, sont revenues à leurs vieilles amours qui consistent à poursuivre leur bétail, sur les interminables hauteurs qui les emmènent parfois si loin, aux confins de Nkhaïla, à quelque cent à deux cents kilomètres de la frontière algérienne.