Lettre ouverte de l’ONG Zakia à monsieur le Ministre de l’Environnement à Nouakchott Objet : grave pollution/Tasiast/Nouadhibou

23 November, 2017 - 09:57

Nouadhibou, le 18 Octobre 2017

 Monsieur le Ministre,

Depuis quasiment les premières années d’indépendance à ce jour, nos citoyens se déploient, avec force, comme prédateurs de notre monde rural, en brûlant les arbres verts, pour en faire du charbon de bois, en décimant toute la faune, par la chasse sauvage. Ils ont réussi à détruire définitivement celle-là et continuent l’abattage des arbres vivants pour alimenter, en charbon, les marchés des villes qui en sont remplis, au vu et au su de tout le monde. Personne ne réagit, surtout pas vos services pourtant chargés d’une mission nationale en ce domaine. Et aujourd’hui, on se trouve confrontés à l’enfer de la dégradation de l’environnement, dans tout le nord de Tasiast, de Nouadhibou-ville et mer où les risques les plus graves sont toujours en progression constante avec même une nette tendance d’aggravation évolutive.

Comme des fauves acharnés, les orpailleurs se sont déployés à Tasiast, d’une façon particulièrement anarchique, entraînant la destruction abusive du sol naturel et la déformation de l’environnement, dans un grand espace de plusieurs kilomètres. Leurs pratiques artisanales ont fortement endommagé la nature et  l’environnement et produisent des dangers permanents, pour la circulation des véhicules et les animaux. En outre, ils creusent des fosses de cinq mètres et plus, de fond et de large, entrelacées et juxtaposées, parfois, sur plusieurs kilomètres et sans laisser d’espace, souvent, pour le passage d’un piéton.

Cette situation a été marquée par plusieurs accidents : renversements de véhicules et de chameaux, entraînant d’importants dégâts sur les véhicules et perte d’animaux gravement blessés. Plus grave, ces chercheurs de fortune  utilisent des réactifs dangereusement  mortels, comme le mercure et autres violents toxiques,  pour traiter leurs trouvailles sans la moindre protection, ni prévention, ni encadrement adéquat qui permettrait, au moins, de limiter les dégâts.

 

Cette pitoyable situation est aggravée par de nombreux décès humains, selon divers témoins et le centre médical Chami. Les orpailleurs ont désertifié toutes les zones où  ils opèrent, en brûlant toute la végétation, y compris les arbres des  oueds environnant, dans les fosses qu’ils creusent pour chauffer les pierres sélectionnées par leurs fouilles. Les preuves sont là et peuvent être vérifiées à tout moment. C’est, malheureusement, un vrai drame environnemental, un crime même, punissable. Or les autorités concernées brillent par leur absence sur les lieux des opérations et leur manque de contrôle, aussi bien à TML-SA que chez les orpailleurs. On peut donner les exemples suivants, chez TML-SA, une société pourtant organisée, nantie de moyens nécessaires pour respecter l’environnement et assurer la sécurité sur les lieux du travail.

Primo, elle stocke les stériles dans de nouveaux endroits,  au lieu de les retourner à leur emplacement initial, un minimum pour respecter l’environnement et éviter ou aggraver de la déformation du  paysage naturel. Le second exemple concerne la sécurité au lieu du travail dans les mines et carrières. La législation du travail  prescrit l’obligation d’arroser les pistes de circulation des engins, au moins une à deux fois par jour, pour stabiliser les nuages de poussière provoqués par les aller et retour des machines. Ces poussières peuvent rendre la visibilité nulle, rendant la circulation dangereuse et provoquant des accidents. Selon nos informations, il y a eu au moins une collision, entraînant un mort et des blessés, faute de visibilité. Plus grave encore, l’inhalation des poussières minérales, dans les mines et carrières, provoque, chez les travailleurs, la silicose cancérogène, par dépôt du silice cristallin dans les alvéoles pulmonaires.

Après Tasiast, glissons, tout doucement, vers Nouadhibou pour avoir un peu de fraîcheur et avaler notre part de sa grave pollution. Cette ville meurtrie, implantée dans la baie jadis appelée « du Lévrier », est saisie d’une forte pollution très  avancée, dangereusement mortelle, que secrètent une quarantaine d’usines de farine de poissons qui la rendent, aujourd’hui, inhabitable. Or elle était, il y a peu encore, connue internationalement en tant que meilleur climat de l’Ouest africain et centre d’estives préférées, avec ses eaux calmes et plages de sable blanc. L’armée française en avait d’ailleurs fait le centre d’estives de toute son armée établie en Afrique de l’Ouest. Ses bâtiments sont actuellement occupés par notre marine. A cette beauté naturelle, la baie est aussi reconnue internationalement comme le plus important réservoir de reproduction du plus grand nombre de toutes les espèces de poissons dans le monde.

Las ! Victime de l’inconscience nationale, Nouadhibou est, aujourd’hui, la ville la plus  polluée de l’Ouest africain. En effet, tous les bateaux de pêche qui opèrent en Mauritanie, de la pirogue au Super-Atlantic Usine, auxquels s’ajoutent une quarantaine d’usines de farine, déversent leurs huiles usées (vidange-moteurs) et rejettent tous leurs déchets infectés dans la baie. Au lieu d’être normalement sacrée et de jouir, même, de la protection internationale, pour son important apport nutritionnel à l’alimentation mondiale, elle est devenue la poubelle de tous les aventuriers nationaux et étrangers de la pêche en Mauritanie. Quant au danger spécifique des usines de farine, en milieu urbain, on soulignera qu’au cours de leur fabrication et stockage de celle-ci, elles produisent pestilences et farinettes, particules microscopiques hautement cancérigènes. Ces particules cancéreuses sont étalées, par le vent, sur  toute la ville et son environnement. Un spécialiste a, récemment, observé l’eau de la baie, à proximité de ces usines, et établi qu’elle a commencé à changer de couleur à cause des déchets de celles-ci. « La pollution est très avancée », a-t-il ajouté, « dans un an, tout au plus deux, Nouadhibou sera au top-mondial de la pollution extrême ».

Paradoxalement, les comportements des pêcheurs, des usiniers de farine de poissons  et des orpailleurs se ressemblent étrangement et prouvent qu’ils sont des prédateurs avérés de la nature. Ils ne sont conscients que de leurs intérêts et n’ont aucun interdit. Encouragés qu’ils sont par le laisser-aller général   et le manque de contrôle de l’application des normes réglementaires, par les tutelles, dans leurs domaines respectifs.

En somme, voilà la 8° région du pays engloutie, sa capitale Nouadhibou, sa mer et son rural, sous les risques mortels infligés aux humains et aux animaux, auxquels s’ajoute une pollution sévère qui infecte et appauvrit sensiblement son environnement  et son économie. Cette pollution  influe fortement sur son agrément aux conditions normales d’habitabilité, totalement détruites par les odeurs nauséabondes et les maladies liées aux effets négatifs des usines de farine de poisson. Un produit qui peut difficilement échapper aux risques sanitaires, durant tout son processus de fabrication, du produit à la finition, à cause du nombre impressionnant d’agents contaminant dont certains sont même apportés par les poissons et le stockage. En plus des risques qui peuvent surgir après consommation. L’ONU a d’ailleurs classé la farine de poisson au rang de matière dangereuse dans les transports. Pour plus d’informations, voir :

 

Voilà comment cette région sur laquelle repose l’essentiel de l’économie du pays est, aujourd’hui, en détresse, sur tous les plans. Importante stratégiquement, capitale économique, par-dessus le marché, appellation sans supports réels d’application, Nouadhibou est-elle encore récupérable? Il appartient, au gouvernement, de lui établir un plan d’urgence, pour la sauver de  tous ces drames qui menacent, simultanément, sa population et son économie.  Cette idée devait normalement provenir de ses tutelles chargées juridiquement des missions nationales. Pourquoi restent-elle muettes ?

Pour nous édifier davantage, prenons le cas du ministère de l’Environnement, absent sur tous les terrains cités, surtout à Nouadhibou où il n’affiche aucun résultat positif, ni impact acceptable, c’est même catastrophique. En réalité, la protection de l’environnement, en Mauritanie, n’existe que dans les conférences internationales mais sans impact ni même semblant d’efficacité, à l’intérieur du pays. C’est le plus grand gâchis, en cette région, comme en d’autres, probablement. A toutes ces questions, seul le gouvernement peut y répondre. En vous souhaitant bonne réception, monsieur le Ministre, permettez-nous de conclure : « Oh, oh, que de bêtises ! ». A demain... 

Brahim ould Boïdaha

Tel : 22O31512/20809960

                               Email : [email protected]                        

Ref : oz/bob/326 du 18/10/2017