Tous les hôpitaux régionaux de la Mauritanie sont devenus autonomes. Une revendication que tous leurs responsables (médecins-chefs et gestionnaires) réclamaient à cor et à cri. Selon eux, cette autonomie allait simplifier les prestations de ces services publics, plus proches des usagers et plus efficaces. Or, depuis la mise en œuvre de cette autonomie, les patients ne savent même plus comment patienter. Plus aucune consultation n’est possible, sans avoir « coupé » un reçu à la porte, pour cinq cents ouguiyas. Après les consultations indispensables, voilà notre impatient de guérir obligé de sortir les billets pour payer, dans les pharmacies généralement situées aux environs immédiats des structures sanitaires, des médicaments nantis d’au moins deux défauts : souvent très chers et de qualité douteuse. Si, par malchance, le malade doit être évacué à Nouakchott, c’est toute une autre histoire qui commence par les formalités d’une ambulance dont les frais sont à la charge du patient ou de son accompagnateur (parent ou toute autre personne). Ces frais, dits de carburant et d’argent de poche du chauffeur, varient selon la wilaya. En 2012, il fallait, par exemple, déposer, rubis sur ongles, cent mille ouguiyas sur le capot de l’ambulance de l’hôpital de Néma, contre quatre-vingt mille sur celui de l’ambulance de l’hôpital régional d’Aïoun, avant de prétendre y faire pénétrer un quelconque malade. Est-ce la fréquence de leur formation en France qui poussent les administrateurs hospitaliers à égalitairement traiter tous les citoyens, sans distinguer les indigents de ceux qui le sont moins ? Certes, il n’y a que l’hôpital pour se moquer de la charité, nous rappelle le vieil adage populaire, mais on s’étonne, tout de même, que personne ne sache où passent et à quoi servent les importantes subventions importantes alloués à nos hôpitaux. Etonnant, de même, le mutisme total des autorités administratives qui ne peuvent pas prétendre ne pas être au courant de ce que font subir les responsables des hôpitaux régionaux, aux pauvres populations. Fini le temps où des consultations gratuites, dans les dispensaires et hôpitaux ! Fini le temps de la gratuité de certains médicaments de premier ordre et de bonne provenance ! Avec cette histoire d’autonomie, d’une part, et de motivation, d’autre part, les choses, surtout la solidarité, se sont démotivées toutes seules. Tout n’est plus qu’une affaire de profits. Les serments d’Hippocrate et autre moralité ne valent plus. Les temps sont durs. Les rentrées des hôpitaux régionaux déterminent le montant des « motivations » versées, mensuellement, aux éléments du personnel médical, suivant leurs grades respectifs. Ainsi plus les retombées sont importantes, plus les gains personnels, en termes d’indemnités, sont intéressants. La parenté, la moralité, la conscience professionnelle, plus rien ne vaut plus rien. Il faut, vaille que vaille, faire en sorte de soutirer, aux usagers, le maximum d’argent, pour qu’à la fin du mois, la motivation des médecins, des IDE (Infirmiers Diplômés d’Etat et des SF (Sages-Femmes) mais, aussi, des IMS (Infirmiers Médico-Sociaux) et autres chauffeurs et manœuvres soit profitable. Si la motivation mensuelle d’un IDE peut atteindre 170 000 UM – quasiment deux fois son traitement officiel – cela explique éloquemment cette sorte d’acharnement des services des hôpitaux régionaux devenus autonomes vis-à-vis des pauvres usagers de plus en plus pauvres et usagés. Finalement, certains, sans en avoir ni les moyens ni l’envie, sont, tout simplement, obligés d’aller directement vers les cliniques privées. Autant payer son argent dans un lieu qui ressemble à quelque chose : un service relativement acceptable et un personnel moins arrogant que celui du public. Le ministre de la Santé reconduit au sein du dernier gouvernement peut continuer à répéter, mécaniquement et à l’envi, ses litanies. La réalité est beaucoup plus poignante. Beaucoup plus dure. Beaucoup plus grave. Les hôpitaux nationaux font souffrir les gens. La situation sanitaire, au sein de ces structures, s’est considérablement dégradée, depuis les cinq à six dernières années. Les rapports que leurs responsables adressent, aux plus hautes autorités, sont truffés d’imprécisions (pour ne pas dire de mensonges) et d’incohérences que n’importe quelle visite sur le terrain permettra de démontrer. Or, la santé et l’éducation sont deux secteurs qui s’accommodent très mal des mensonges et de la diversion. Pas besoin d’être un expert pour voir leurs disfonctionnements. De leur essor dépend le sort de chaque pays. Ce sont les performances éducatives et sanitaires qui ont permis, à des pays comme la Norvège, la Tunisie ou le Japon, de faire référence, sans quasiment aucune ressource naturelle. Et, à des pays comme le Brésil, l’Inde ou l’Indonésie, d’émerger au point de rivaliser, aujourd’hui, avec les puissants de ce monde. En Mauritanie, les pauvres (c'est-à-dire 90% de la population) souffrent. Le président Mohamed Ould Abdel Aziz, qui entame son second et dernier mandat, doit prendre ses responsabilités, loin de toutes considérations clientélistes ou autres, afin d’engager son gouvernement à concevoir les plus appropriées stratégies et politiques, surtout dans les secteurs de la santé et de l’éducation et veiller, via des comités de réel suivi-évaluation, à leur véritable mise en œuvre. L’avenir du pays en dépend. A bon entendeur…
Ben Abdella