Mais qu’est-ce qui fait donc courir Ely Ould Mohamed Vall ? L’ancien président du CMJD est, depuis quelque temps, sur tous les fronts. Radios, chaînes de télévisions et journaux, aussi bien nationaux qu’étrangers, ont eu droit à des déclarations, des interviews, des phrases-chocs. Et le colonel n’y est pas allé de main morte, avec le pouvoir actuel, ni, surtout, avec son cousin-président qui a eu droit à de multiples volées de bois vert. C’est à peine s’il n’affuble pas celui qu’il qualifie de « rebelle », de tous les noms d’oiseaux. Visiblement emporté, il n’hésite pas à prédire les jours les plus sombres à notre pays, si la situation actuelle perdure. Lançant des piques à tout-va, à propos de Kadhafi, de la rupture des relations avec Israël, de la lutte contre la gabegie, de la transformation de l’Armée en milice, avec ses avancements hors normes, Ely a justifié le coup d’Etat de 2005, son silence, en 2008, après le coup d’Etat contre Sidioca et sa participation aux élections de 2009 (dont les résultats lui ont été communiqués trois avant la tenue du scrutin, selon lui). Mieux, l’ancien chef d’Etat ne se contente pas de paroles en l’air. Il met au défi le président actuel, qui l’a accusé d’avoir fait main basse sur 400 millions de dollars, entre 2005 et 2007, de le mettre en prison. Et ce n’est pas tout. Loin de là. Dans ces différents entretiens, rien n’a été épargné au pouvoir actuel. C’est à croire qu’il a subitement regretté d’avoir si longtemps gardé le silence.
Celui qui se vante d’avoir mené, à bon terme, la première transition démocratique n’a, apparemment, jamais digéré le retour des militaires au pouvoir, seize mois, à peine, après l’avoir remis à un président démocratiquement élu. Alors qu’ils avaient pris l’engagement, devant la Communauté internationale, de ne pas interférer dans le processus électoral et de regagner leurs casernes. Pour lui, certains de ses anciens amis ont refusé de jouer le jeu et sont restés aux aguets, en attendant l’occasion de rebondir. Tout ceci n’a rien d’un scoop. Ely nous l’a déjà servi, à petites doses et de loin en loin. Ce qui intrigue, c’est pourquoi le reprend-il, concentré et détaillé, aujourd’hui, à un rythme si trépidant et médiatisé ?
Prémisses de son come-back, en vue d’incarner la solution de rechange en 2019 ? Sent-il que l’opposition réputée radicale est affaiblie et qu’il y a donc une place à prendre, avant qu’un Biram ou autre ne cristallise, autour de lui, trop de mécontents ? Joue-t-il le jeu de pays avec lesquels Ould Abdel Aziz ne s’entend pas ? En tout état de cause, ceux qui connaissent l’homme savent qu’il parle rarement dans le vide. A quoi faut-il donc s’attendre, dans ce duel apparemment fratricide ? Apparemment, dis-je, car on ne peut exclure l’hypothèse d’un arrangement secret, entre les deux cousins « ennemis », histoire d’occuper la scène avec des bisbilles en public, tandis qu’en coulisses, intérêts militaires et tribaux concoctent un après-Aziz le moins perturbant possible de leurs petites (et grandes) affaires… Au nom de la raison d’Etat, cela va sans dire et ça n’ira pas mieux en le disant…
Ahmed Ould Cheikh