Ould Abdel Aziz a finalement (dés)organisé « son » referendum. Après le coup de sabot lancé, aux amendements constitutionnels, par le Sénat, les renvoyant, sans autre forme de procès, à leur expéditeur, notre guide éclairé tenait à cette consultation populaire, pour « laver son honneur » terni par une bande de « corrompus », comme il se plaisait à appeler les honorables de la Chambre haute. Malgré son caractère anticonstitutionnel (l’article 38 qui lui sert de base juridique ne peut être invoqué, s’il s’agit de toucher la loi fondamentale de notre République), son coût (on parle de six milliards) et la levée de boucliers qu’il a suscitée dans la rue, le referendum a été bâclé, samedi dernier 5 Août. Août ? Tiens, tiens… Le choix n’est pas aussi fortuit que cela. Après les coups d’Etat du 6… Août 2008 et 3… Août 2005, contre des présidents, nous avons, désormais, celui du 5… Août 2017, contre le pays, sa Constitution et ses symboles. Jamais deux sans trois. Dans une atmosphère de fraude sans précédent, qui rappelle, étrangement, les premiers balbutiements de notre « démocratie militaire », lorsque le bourrage des urnes était la règle d’une administration juge et partie. Elle a été, cette fois encore, mise à contribution, après avoir été reléguée aux oubliettes, lors des consultations précédentes. Chaque hakem a, en effet, reçu la rondelette somme de 17 millions d’ouguiyas pour « organiser » le scrutin comme il se doit. Et ils ne se sont pas fait prier pour faire du « bon » boulot. C’étaient eux, en fait, les véritables directeurs de campagne. À tourner et retourner, sensibiliser sur la nécessité – que dis-je, l’obligation ! – d’un oui massif, à défaut d’être franc, promettre et menacer, même, ceux qui n’étaient pas « chauds ». L’essentiel était d’obtenir le meilleur score possible. Il faut dire que l’absence des représentants de l’opposition, dans les bureaux de vote, leur a grandement facilité la tâche. On a vu des bureaux voter oui à 100% d’inscrits, des absents et des morts accomplir leur devoir civique, des votes multiples, voire multi-multiples, des enfants voter comme des grands et des votants plus nombreux que les inscrits. Parallèlement, on a vu des villes « mortes » et des bureaux de vote déserts. Un hiatus énorme, entre les agglomérations urbaines – là où y a le plus de votants, où le degré d’éveil est important et dont les habitants ont dit non aux amendements – et certaines localités de l’intérieur où les notabilités ont encore leur mot à dire. Dès les premières heures de la matinée de samedi, on s’est rendu compte que le taux de participation, dans les grandes villes, serait, sinon catastrophique, du moins très bas. Et la tendance ne s’est inversée à aucun moment de la journée. Si bien qu’à Nouakchott, on évoquait un taux qui ne pouvait guère dépasser les 10%. Grosse panique dans les rangs de la majorité. Mais où est donc passée la marée humaine qui accueillit Ould Abdel Aziz, lors de son « super méga-meeting » de clôture de la campagne ? N’étaient-ils là que parce qu’ils étaient obligés ? La ferveur du jeudi soir a rapidement cédé à l’abattement. La fête organisée, à grands frais, au Palais des congrès, pour fêter la victoire, a fini en queue de poisson. Ould Abdel Aziz s’est retiré bien avant la fin du show, énervé, dit-on, par la faible mobilisation des électeurs et le rendement plus que médiocre de certains directeurs de campagne qui l’ont, aurait-il dit, « roulé dans la farine ». L’arroseur arrosé…
La balle était à présent dans le camp de la commission électorale. Allait-elle proclamer les résultats véritables, au risque de fâcher ? Ou prendre ses aises avec les chiffres, pour les rendre plus « présentables » ? Tout au long de la journée de dimanche, on évoquait de profondes divergences, entre ses membres dont plusieurs auraient refusé de tripatouiller les calculs. Il n’en était rien, puisqu’à 22 heures sonnantes, son président annonce un taux de participation de… 53%. Logique, s’il parlait du… Sénégal voisin qui vient d’organiser des élections législatives. Mais, en Mauritanie, au seul vu du déroulement du scrutin et malgré la fraude, il est impossible que ce chiffre atteigne de telles proportions. Ah, vieillesse ennemie, se lamentera donc le plus propre des sept «metteurs en CENI » de cette triste mascarade, que n’ai-je donc vécu que pour cette infamie ? Le vieux peut en effet se lamenter. Entendez-vous glousser les rires, partout dans nos villes ? Hé, m’sieur l’président, vos 53% d’honneur, c’est pour emporter au Palais ou vous consommez sur place ?
Ahmed Ould Cheikh