Le projet du barrage de Baghdade est situé dans l’Oued de Tidjikja, dans une région montagneuse, où le réseau hydrique est caractérisé par des ruissellements plutôt rapides à cause des fortes inclinaisons du lit de l’Oued du Sud au Nord et d’Est en Ouest, ce qui présage d’infiltrations peu suffisantes pour un meilleur rechargement annuel des nappes phréatiques.
La caractéristique pédologique du sol est marquée d’une bande de 2 à 4 mètres de sable et 7 mètres d’argile reposant sur un socle rocheux de grés peu altéré en plusieurs endroits de l’Oued, ce qui limite la capacité d’infiltration et d’emmagasinage de l’eau dans le sol.
Cette situation explique parfaitement bien le rabaissement rapide du niveau de la nappe phréatique de 6 à 55 mètres constaté ces dernières années, où la pluviométrie à été insuffisante et irrégulière.
Dans cette logique, on peut considérer que les réserves d’eau dans la profondeur de 6 à 300 mètres sont plus ou moins assez limitées et ne se constituent que dans les failles moyennes ou grandes. Elles ne peuvent être recherchées cependant que par des campagnes géophysiques, sismiques et par l’interprétation des photos satellites.
Le bien fondé d’un barrage
Pour disponibiliser l’eau pour les besoins de la consommation humaine, et animale et pour les activités agricoles, deux autres alternatives s’offrent et méritent d’être explorées :
La maîtrise des eaux de ruissellement
La recherche des eaux souterraines à une profondeur de 300 à 1000 mètres, dans le ‘’baten’’, le bassin de Taoudenni, le khat et Guebou.
La maîtrise des eaux de ruissellement n’est intéressante que s’il existe des endroits propices pour stocker une quantité d’eau importante entre les entrailles plus ou moins larges des montagnes et dans les lits des oueds protégés contre l’ensablement, et sur la base de la recherche d’une meilleure harmonie du système de mise en valeur en amont et aval des barrages.
C’est dans ce cadre que le projet du barrage de Baghdade trouve parfaitement son bien fondé et sa justification. L’étude de ce projet a été lancée par le ministère de l’Agriculture à l’instar d’autres en Adrar et dans les autres régions sur un financement du FADES. En attendant que l’étude soit achevée, il n’est pas approprié de juger pour le moment de l’opportunité de la faisabilité de cet ouvrage, ni de ses impacts sur l’activité socio-économique et sur l’environnement. Ceux qui s’agitent déjà contre le barrage ne font que de la diversion sur la base de simples préjugés et sur une vision sectaire. Nous devons attendre la restitution des conclusions de l’étude pour pouvoir se prononcer d’une manière objective. Mais en attendant, les quelques remarques suivantes s’imposent pour lever quelques équivoques :
- Le bassin versant de l’oued de Tidjikja est constitué d’affluents qui déversent à Baghdade, et d’autres après Baghdade, jusqu’à Rachid. Les Oueds qui déversent après Baghdade sont : Erchelmoj, Ndakak, Arzak, Evrca Liajoul, Noualig, Bathit lehratine, et les 6 affluents de Lehoueitat et Rachid. Ceux qui alimentent Baghdade sont les Oueds d’Iziv, chermelil, Ntaoudhadh, Varae eguedir et El beyidh.
- C’est dire que le barrage ne stockera qu’une partie des eaux de ruissellement. En année normale, le barrage ne pourra garder qu’une partie des eaux de ruissellement, eu égard à sa capacité de rétention et à l’importance du volume d’eau qu’il reçoit. En temps normal l’Oued draine une grande quantité d’eau, en plusieurs ruissellements d’importance variable en fonction de l’importance des pluies et de leur répartition géographique sur l’ensemble des affluents. Ces eaux finissent leurs courses dans la dépression d’El khat, traditionnellement zone agricole mais occupée aujourd’hui, par les dunes sans intérêt économique significatif pour la population. Il arrive que des crues exceptionnelles de l’Oued font beaucoup de dégâts sur les oasis et leurs habitants. Il ne sert à rien de laisser les eaux ruisseler sur plus de 40 km pour se déverser enfin dans des dunes stériles, alors qu’on en a fortement besoin pour le développement des oasis et pour la consommation humaine et animale. Le barrage doit plutôt privilégier de stocker une grande quantité d’eau pour régulariser les ruissellements par des lâchers à cadences rythmées pour garder une humidité suffisante dans le lit de l’Oued pour mieux recharger la nappe phréatique. Il est hors de question de garder l’eau dans le barrage uniquement pour la laisser s’évaporer. Une autre hypothèse relative à une étude sur la réalisation éventuelle d’une canalisation jusqu'à Rachid, pour évacuer l’eau par tuyaux, et permettre des branchements payables sur la base de la consommation sur compteur peut être intéressante à explorer pour l’irrigation des palmeraies.
- Il est nécessaire aussi de prévoir dans l’étude l’aménagement d’autres ouvrages de Baghdade à Rachid sous forme de barrage sous terrain, de cascades pour rectifier les pentes, des digues de protection des berges contre l’érosion des fortes crues de l’Oued et pour un meilleur épandage des eaux sur les berges. Ce dispositif, une fois réalisé, permettra à coup sur la sécurisation de l’ensemble des oasis de l’oued des effets néfastes du changement climatique et apportera une grande contribution dans la solution définitive des problèmes d’eau qui fragilise l’activité socio- économique des populations.
Les effets négatifs du barrage doivent être identifiés dans l’étude d’impact, avec des propositions de solutions éventuelles pour minimiser leurs dégâts sur les populations et sur l’environnement. A ce titre, il est important par exemple de prévoir l’indemnisation des propriétaires des palmeraies qui seront affectés par le barrage et prévoir un programme de lutte efficace contre la prolifération éventuelle des moustiques, insectes et parasites nuisibles pour la santé des populations et leurs animaux.
Dynamique nouvelle
Le barrage créera certainement une dynamique nouvelle pour l’activité agricole qui a fortement regraissé qu’il s’agisse des cultures pluviales, de décrues ou derrière barrage et particulièrement dans les oasis à cause de l’irrégularité et la faiblesse des pluies, le manque d’investissement et l’exode de la main d’œuvre.
L’oued de Tidjikja a perdu déjà plus de 70% de sa population ces 40 dernières années, ce qui a fait que les principales zones de culture ne sont plus exploitées qu’à hauteur de 40%. Le vieillissement de la main d’œuvre agricole oasienne, et le détournement de la jeunesse vers d’autres secteurs plus porteurs ou moins contraignants physiquement, a constitué un grand handicap pour le développement agricole dans l’oued. Pour redynamiser le secteur agricole, il y’a lieu de s’orienter vers des solutions innovantes pour assurer la disponibilité de l’eau, rationnaliser son utilisation, mécaniser l’agriculture, renforcer l’investissement, et améliorer l’encadrement technique et la formation des paysans. Il est désormais clair que rien n’est plus comme avant. Il faut une nouvelle approche plus globale, plus objective, plus rationnelle et moins figée sur des considérations anciennes dont le fondement socio-économique et environnemental a complètement changé.
Nous devons bien comprendre que le barrage de Baghdade est une initiative du gouvernement, dans le cadre de sa nouvelle approche stratégique pour régler les épineux problèmes dans les régions du centre et du Nord. La réalisation de ces ouvrages apporterait du nouveau et bousculerait très certainement les habitudes, mais sont d’une nécessité absolue pour sauver ce qui peu l’être des oasis et de la vie des populations. C’est une initiative d’intérêt général pour l’ensemble des villages de l’Oued, qui mérite d’être saluée et appuyée à juste dimension.
Sur cette base, nous devons bien mesurer, nos actes, nos propos, être beaucoup plus technique, et moins sentimental et tenir compte de l’intérêt socio-économique de l’ensemble des villages. Si de tels ouvrages ne sont pas réalisés rapidement, et si des nappes profondes ne sont pas identifiées et exploitées, c’est l’ensemble des oasis de l’Oued de Tidjikja qui vont disparaître malheureusement. Nous devons être solidaires et conscients de l’ampleur de la catastrophe, provoquée par les effets du changement climatique, qui ne cessera de s'accroître dans les prochaines années au regret de tous.
Nouakchott, le 18 juillet 2017