Monsieur le président,
J’ai pris l’habitude de vous écrire des lettres publiques où des thèmes divers, vous interpellant sur des sujets d’actualité et sur des questions d’intérêt national, sont abordés sans la moindre complaisance, si ce n’est celle de rester dans les limites de la politesse envers le président de la République.
L’un des soucis premiers qui ont présidé à l’écriture de ces lettres, avait été de leur donner une tonalité et un style particulièrement atypiques. Deux caractéristiques destinées à vous faire sortir des sentiers battus des correspondances administratives sans âme et autres cacophonies des médias officiels et des froids comptes-rendus du renseignement où l’humour, l’esprit et la dimension littéraire sont sacrifiés sur l’autel de la précision et de la volonté de nuire à vos opposants et aux journalistes.
Cependant, il est fort probable que ces lettres, élaborées dans une docte ignorance de vos goûts en la matière et de vos préoccupations du moment, vous aient été présentées par certains de vos collaborateurs comme autant de missives dont il convient de s’en méfier et d’en connaitre éventuellement les mobiles, les tenants et les aboutissants.
Atmosphère de délation
Ceci est d’autant plus plausible que, dans une atmosphère de suspicion, où, par l’intérêt qu’ils portent à la délation, les informateurs ressemblent à s’y méprendre aux courtisans de Louis XIV et, au mieux, aux agents du KGB, avec le professionnalisme en moins, des baroudeurs de la vingt cinquième heure ou des tontons macoutes en mal de sensations fortes, aient tenté, avec la mauvaise foi qu’on leur connait, d’accréditer cette assertion.
Si tel fut le cas, les arguments en préfabriqué ne doivent pas leur avoir fait défaut, surtout qu’il est désormais de notoriété que tout se vend dans ce pays. De là à ce qu’une plume, sans grand succès sauf peut-être celui d’amuser la galerie de l’UPR ou de consacrer, par sa virulence à l’égard du système, l’impunité de certains de ses barrons, soit soupçonnée de se vendre au plus offrant, il n’y a qu’un pas que les hommes au petit magnétophone de poche n’hésiteront pas à franchir, quitte à vous induire en erreur.
Commercer est d’ailleurs la seule leçon capitaliste que nous avons bien retenu de notre mise sous protectorat par la Banque Mondiale et le FMI et qui a survécu à l’amnésie collective, aux relents d’Alzheimer, qui fait des ravages chez nous, allant jusqu’à faire oublier à nos ministres et à nos juristes, le nombre de mandats présidentiels autorisés par notre constitution.
Un responsable devant qui un ami a évoqué cette probabilité, qui expliquerait, selon toute vraisemblance, la situation de chômage et de précarité dans laquelle je suis enfermé, lui a dit en souriant :<<je doute fort que les écrits d’un peshmerga, pour qui la bouteille d’huile et le Kg de riz quotidien constituent les seules ambitions envisageables, puissent présenter un quelconque intérêt de réflexion aux analystes du renseignement>>.
Par analystes, j’espère que ce ‘’responsable’’, pétri aux obligations du silence lâche et coupable, ne veut pas dire, ces hordes d’espions amateurs qu’on retrouve dans les taxis, au marché et dans les couloirs des administrations et qui s’adonnent au trafic d’influence et émargent gracieusement aux fonds spéciaux, sous le prétexte fallacieux de contenir les effets <<pervers>> de la liberté d’expression et d’étouffer dans l’œuf le <<danger>> que représentent les réseaux sociaux.
De par l’ignorance et l’inculture démocratique de ce personnage, des circonstances atténuantes lui sont reconnues, mais à propos de peshmergas, j’aimerais parapher à l’endroit de tout le monde, le Général George Armstrong Custer, rendant compte d’une expédition en territoires indiens non encore soumis. Il avait dit en substance : ‘’Les seuls indiens bons que j’ai vus étaient des indiens morts’’. A ce ‘’responsable’’, je fais remarquer que les peshmergas sont toujours vivants et que la gestion des affaires publiques continue d’offrir matière à disserter. J’espère m’être bien fait comprendre.
Ces précisions, nécessaires pour introduire le présent sujet étant faites, vous me permettrez, monsieur le président de déroger à cette habitude, ne serait-ce qu’une fois, le temps de vous saisir d’un problème strictement personnel.
J’aimerais, en effet, attirer votre attention sur des injustices dont je suis victime et qui sont les causes directes d’une situation sociale et économique désastreuse que nous vivons, ma famille et moi-même et vous demander, par la même occasion, d’intervenir pour y mettre fin.
Cet appel s’adresse à vous, en tant que premier magistrat du pays et, à travers vous, aux mécanismes incarnant les pouvoirs publics de l’Etat, en charge de faire respecter le droit, à défaut de voler au secours des citoyens en difficulté.
Licencié abusivement
En effet, en 2009 et en 2012, j’ai été abusivement licencié de mon poste de conseiller en communication de la DSPCM (Gardes-Côtes). La première fois par le colonel retraité Cheikh Ould Bayeu et la deuxième, par le colonel retraité Ahmed Ould Amein, avec qui j’étais pourtant parvenu à un accord de reconduction de mon contrat de travail résilié abusivement par son prédécesseur.
Les conditions de ces licenciements, opérés en violation flagrante des dispositions de mon contrat, des stipulations claires de ses clauses, des dispositions en la matière de la Convention Collective Générale du Travail, de la Charte Universelle des Droits de l’Homme et des textes en vigueur en République Islamique de Mauritanie, reflétaient une nette volonté de m’humilier et de m’exposer aux aléas du chômage, dans l’espoir de les voir déborder ma résistance aux difficultés de la vie.
Les dommages causés à ma famille et à moi-même par ces licenciements et ensuite par le refus de la DSPCM d’assumer les responsabilités qui découlent de la rupture de mon contrat, sont multiples et vont de l’endettement, en passant par la compromission irréversible de l’éducation de mes enfants et jusqu’à la vente d’un troupeau d’ovins que nous avions réussi à élever et de nos maigres biens immobiliers, dans le seul souci de survivre.
Une situation imputable à ces deux hommes par le fait de la volonté manifeste de nuire à autrui et, au-delà, à l’Etat mauritanien pour n’avoir pas su me protéger, conformément à ses obligations régaliennes et en vertu de mes droits sociaux et économiques inaliénables.
En citoyen légaliste, soucieux de faire prévaloir, sur toute autre considération, le respect du droit positif, j’avais porté ce contentieux devant l’inspection du travail, puis devant le tribunal du travail où il y est consigné depuis plus de trois ans sous le numéro 111/2014.
Je pense, monsieur le président, qu’au stade où sont les choses et après avoir épuisé les voies de recours prévues à cet effet, votre arbitrage devient indispensable pour que mes enfants et moi-même continuons à croire en l’Etat de droit, en la justice de notre pays et pour nous convaincre que, contrairement à ce qu’en pensent les bénéficiaires de l’impunité sur des faits répréhensibles avérés, nul n’est au-dessus de la loi.
Je vous rappelle, Monsieur le Président, que par le passé, soutenu avec fortes illustrations, que vous serez le président des pauvres. En d’autres termes, le président qui protégera les pauvres contre les riches, ce sur quoi les mauritaniens vous avaient cru sur parole. Alors, l’occasion de le prouver vous est offerte aujourd’hui, saisissez-vous en faute de quoi, nous n’aurons plus à opposer à l’insolence des nouveaux riches, arrivistes pour la plupart, que les larmes et vous en serez responsable pour avoir créés de toutes pièces, cette nouvelle race de prédateurs pour qui l’intérêt national et l’aspiration des mauritaniens à une vie meilleure sont subordonnés à leurs seules ambitions bourgeoises.
Et, comme je vous l’ai déjà dit dans mes lettres précédentes, auxquelles les derniers événements semblent avoir donné raison, n’oubliez pas, monsieur le président, que les nouveaux riches, qui vous doivent fortunes, honneurs et position sociale, seront les premiers à vous lâcher au moindre signe du déplacement du rapport de force par lequel vous tenez le pays. Ensuite, ils émigreront vers d’autres cieux plus cléments où ils auraient déjà préparé des retraites dorées et où leurs enfants seraient préalablement scolarisés, contrairement à ceux du petit peuple logés à un enseignement public qui ressemble à une fabrique en série de petits délinquants et de terroristes en puissance.
Rappelez-vous également du dicton selon lequel : ‘’Men ahabbaka lichey’in, beghadaka lizewalihi’’. Ils vous aiment pour le pouvoir que vous détenez et où une part du gâteau leur est réservée, mais le jour où vous le perdez, ils vous haïront, puisqu’à ce moment là, vous seriez devenu la seule voie par laquelle la traçabilité de leurs fortunes pourra être établie.
M.S.Beheit