Mais qu’est ce qui vous prend ? Pourquoi vous indigner de la confiscation d’un téléphone portable ? Pourquoi dénoncer la «détention» d’un téléphone dont le détenteur a été libéré depuis plusieurs semaines par ses collègues sénateurs ? Pourquoi tout ce vacarme, juste à cause d’un téléphone qu’on va juste interroger quelques jours et libérer quand il n’aura plus rien à dire ? Pourquoi, pourquoi tout ça ?
Evidemment, je le concède, un téléphone n’est pas rien ; il est toujours bien plus que ce qu’on peut imaginer à première vue. Evidemment, un téléphone est tout, tout ce qu’il y a d’important et de strictement personnel dans la vie d’un homme et de l’ensemble des contacts de cet homme. Un téléphone, c’est d’abord un répertoire, une base de données diverses comprenant l’historique des appels téléphoniques, de tous les appels à travers tous les médias, GSM , Viber, WhatsApp, IMO, Messenger, etc.
Un téléphone, surtout quand il est intelligent, peut révéler un tas d’informations sur la vie de son détenteur, sur ce qu’il fait ou entend faire, sur ses correspondants, ses partenaires, leurs projets communs etc. Il peut être interrogé sur la provenance ou la destination des appels, leurs dates et le contenu des communications qui peuvent être réécoutées à souhait. Des logiciels d’espionnage pouvant permettre tout ça existent et peuvent être facilement acquis à condition toutefois de ne pas tomber sur un spécialiste de l’arnaque qui sait dépouiller allègrement ses cibles de leurs sous sans leur donner de contrepartie !
Mais revenons au téléphone lui-même. Outre les données ci-haut qui peuvent être livrées par cet outil fétiche, le smartphone permet aussi de revisiter les vidéos échangées et même prendre connaissance des données de géo localisation, ce qui n’est pas négligeable pour les officines de renseignement et tous les services qui s’y rapportent.
Mais ce n’est pas tout, le téléphone intelligent donne également accès aux courriels, aux blocs notes personnels, aux différents mots de passe et à toutes les informations et renseignements relevant de la vie privée des individus si ce n’est de leur vie tout court.
Pour ces raisons là, un téléphone n’est donc jamais innocent, même s’il ne peut y avoir quoi que ce soit à lui reprocher. Jamais complètement innocent, surtout s’il appartient à un opposant ou s’il a des choses à dire.
Par les temps qui courent, l’arrestation d’un téléphone de ce genre n’est qu’une promenade de santé. Elle est autorisée, sans coup férir par le juge qui sait bien que sous nos latitudes, les citoyens, et en particulier les opposants parmi eux, n’ont pas de vie privée. Toutes les informations les concernant et celles qui sont en leur possession doivent être accessibles aux services en charge de la sécurité des citoyens. Et ces services pécheraient par excès de négligence ou de laxisme s’ils laissaient un petit téléphone semer le chaos dans le pays et porter atteinte à la sécurité des personnes et de leurs biens.
Le tout pour dire que «l’arrestation» du téléphone du sénateur Ghadda est, somme toute, normale. En tout cas, moi perso, je n’ai pas à redire. Tout simplement parce que le portable du sénateur a beau être un téléphone intelligent, il ne pourrait jamais prétendre à une quelconque immunité ni à la solidarité des sénateurs ou de tous ces segments de l’opinion nationale et internationale qui avaient réprouvé, en son temps, l’arrestation de son détenteur.
Maintenant, le sénateur Ould Ghadda a été élargi et, pour le plus grand nombre, c’est cela l’essentiel ! Que son téléphone soit resté en salle de police, c’est seul un petit nombre d’initiés qui le sait. Et pour la majorité des gens, un téléphone n’est, dans l’absolu, pas si important que ça, surtout que le sénateur Ghadda a sûrement acquis un téléphone à la place et passe, sans aucun doute, le plus clair de son temps à communiquer.
Patientons donc un peu et ce traitre de téléphone sera libéré dès qu’il aura livré tous ses secrets et que le juge, celui dont les sentences sont appel, aura décidé de libérer cet outil auquel on prête des pouvoirs surnaturels dont les vagues auraient, dit-on, fait des victimes parmi la majorité présidentielle. Si ce qui se dit à ce propos s’avère juste, les téléphones de l’opposition seraient vraiment plus dangereux que les opposants eux-mêmes.
A vos téléphones donc, Messieurs de l’opposition ! Avec vos smartphones, vous pourrez débarquer tous ceux qui ne sont pas de votre bord. Salut !
Ely Abdellah