Le militaire qui a conduit le changement de régime, en 2005, dans les conditions que tout le monde connaît, celui qui a dirigé une transition de deux ans, avant de remettre le pouvoir, de son plein gré, à un président civil, l’homme qui se battait, depuis 2008, seul ou avec l’opposition, contre le dévoiement d’une démocratie qu’il avait mise sur les rails en 2007, a subitement disparu, un vendredi 5 Mai. Laissant un vide immense. On dit souvent, à juste titre, qu’on ne se rend compte de la valeur des hommes qu’après leur disparition. Et Ely ne déroge pas à la règle. Il était un opposant véritable, craint et respecté. Il avait un nom et une aura. Il avait surtout un courage à ce point hors pair que le pouvoir actuel le craignait par-dessus tout. Il assistait aux meetings et marches de l’opposition, n’hésitant pas à prendre la parole et à porter, haut, les espoirs de tout un pays. Que ce soit dans la presse nationale ou internationale, Ely n’a cessé de dévoiler, au grand jour, les malheurs d’un peuple pris en otage par une junte militaro-affairiste.
A présent qu’il est disparu, sur qui fonder espoir ? Ahmed ould Daddah, l’opposant historique, blanchi sous le harnais, n’a plus la possibilité de briguer les suffrages des électeurs… Sur qui miser ? Ould Abdel Aziz n’est plus candidat, le système va, obligatoirement, générer un dauphin issu de ses rangs, pour éviter que le pays ne leur échappe. Une tentative désespérée, si l’opposition réussit à s’entendre et à ressouder les rangs. La Gambie vient d’en donner un exemple éclatant, il y a quelques mois. Les leaders de l’opposition en prison, le trésorier du principal parti anti-Jammeh a été investi et a battu le dictateur, à plate couture et surprise générale. Pourquoi ce qui s’est passé en Gambie ne serait pas applicable à la Mauritanie ? Ne sommes-nous pas capables de prendre notre destin en main ? Jusqu’à quand resterons-nous conditionnés par un système, ses généraux, notables et autres chefs de tribus ? Certes, on s’habitue à tout et Dieu sait combien les habitudes sont tenaces ! Mais la leçon, en fin de compte, des morts subites est qu’elles nous révèlent suffisamment de vide, de sentiment de manque, pour nous pousser à resserrer les rangs. Ce n’est pas seulement à Dieu qu’Ely a rendu son souffle, il nous l’a transmis, à tous, pour nous donner l’inspiration de gonfler, ensemble, nos poumons.
Ahmed Ould Cheikh