Il va où, ce pays ? Entre une classe politique atomisée qui n’arrive pas à s’entendre sur l’essentiel, un pouvoir qui n’en fait qu’à sa tête et une opposition qui se bat pour une rupture de l’ordre établi, le fossé ne cesse de se creuser. Au risque de plonger le pays vers des lendemains incertains. A qui la faute ? A des militaires qui ont fait main basse sur un pouvoir et ne veulent plus s’en défaire ? A une opposition qui n’a toujours pas compris comment renverser la tendance à son profit ? A une élite corrompue qui n’arrête pas de crier « le roi est mort, vive le roi » ? A un peuple, majoritairement illettré, qui ne cesse d’applaudir, à tout rompre, tant le chef que ses tombeurs ? En tout cas, il y a comme un problème. Depuis quelques années, le pays a dévié du chemin de la normalité vers les sentiers tortueux de la haine et de la division. Et ce ne sont pas quelques timides tentatives de règlement, initiées par le pouvoir actuel, qui effaceront les séquelles d’un passé bien trop présent. D’où l’urgente et absolue nécessité de panser ses plaies.
Dans un environnement instable et un contexte difficile, il est dangereux de surfer sur certaines vagues. L’exemple de la Libye et du Mali voisin incite à ne pas enfourcher les chevaux du ressentiment et des particularismes. Cependant, si la Mauritanie est trop fragile pour supporter de trop brutales secousses, les exaspérations, devant l’immobilisme des inégalités sociales, n’en sont pas moins vives. Avec, notamment, les Haratines, de plus en plus bruyants, qui réclament leur part du gâteau, et les leaders des FLAM qui militent, désormais ouvertement, pour l’autonomie des régions du Sud, sans nous expliquer ni comment ni sous quelles formes ces nouveaux ‘’lander’’ seront gérés. Que faudra-t-il donc pour s’asseoir, enfin, autour d’une table, et discuter, avec, en ligne de mire, non pas l’intérêt de telle ou telle communauté, mais du pays tout entier ? Ne dit-on pas que l’intérêt général est l’ensemble des intérêts privés ? Il est urgent de négocier et cela se soldera, forcément, par un recul notable des privilèges de certains… Notre société de castes va devoir mettre sérieusement de l’eau sans son zrig, avant que celui-ci ne devienne imbuvable. On peut se passer de celles-ci mais pas de celui-là.
Ahmed Ould Cheikh