En cette canicule, la ville de Nouakchott et ses environs vivent un climat d’insécurité sans précédent. Chaque quartier reçoit son lot, quotidien, de victimes de la délinquance. Dans certaines zones, personne n’ose mettre le nez dehors, dès la tombée de la nuit.La semaine passée, dans la partie sud de la ville, considérée comme une zone à hauts risques, deux meurtres sadiques en vingt-quatre heures ! Partout, cambriolages, braquages, agressions et viols, malgré les efforts sécuritaires des autorités.
Une bande de jeunes récidivistes, encadrée par un dealer-charlatan, a sévi plus de deux mois, jour et nuit, sans inquiétude. La police connaissait leur planque et était au courant de tous leurs actes. Saad Bouh « Wimax », Bilal, Papa ould Sleïman, Sidi ould Tsselmou, Mennahi ould Hassen et Dahid, alias « Toubah » constituaient un « joli » gang qui passait la journée terré dans son repère, pour commencer à opérer à partir de vingt-trois heures. Avant chaque descente, le faux-marabout-vrai-dealer leur procurait un peu de poudre blanche pour les doper. Efficace moyen pour tenir sa troupe déjà convaincue que ses gris-gris les protègeraient de tout. Chaque nuit, cambriolages en série, vols à main armée et braquages, partout à Sebkha et El-Mina. Tout le butin ratissé lui était remis, immédiatement, pour qu’il en fasse ce qu’il voulait. L’essentiel pour ces bandits, était que leur maître leur assurât gîte, repas et… quelque chose à « consommer ».
Un commerce florissant
Taghi Thiam, vingt-sept ans, plusieurs fois déféré et écroué pour délinquance et trafic de stupéfiants, s’est donc transformé, tout dernièrement, en marabout-guérisseur. Un excellent moyen d’attirer les crédules et autre superstitieux, avant d’en tirer quelques fidèles dévoués. Ses « disciples » s’occupaient de la revente du butin amassé par sa bande, en divers coins de la ville. Ils évitaient le marché « Tieb-tieb », pour éviter de trop se faire remarquer. Tout dernièrement, Taghi ouvrit une boutique « second hand » ou « arrivage ». Des centaines d’articles volés y ont été écoulés.
Notre malin marabout avait un programme chargé, la journée, entre ses maisons et ses boutiques. A la tombée de la nuit, il se rendait à la chambre qu’il avait louée pour ses hommes de main, non loin du carrefour Yero Sarr d’El-mina. Il dînait avec les six lascars, leur donnait sa blanche « bénédiction », avant de les envoyer en chasse. Leur relativement longue impunité leur a bien fait croire que le pseudo-marabout les protégeait vraiment. Cependant, des mauvaises langues d’El-mina attribuent plutôt cette transparence aux relations qu’aurait entretenues Taghi avec certains flics. Va-t’en savoir…
La fameuse nuit noire:
En tout cas, la baraka a manifestement volé en éclats, le vendredi 30 mai. Ce soir-là, après sa classique distribution de « friandises », le maître ordonne à ses hommes de dévaliser un magasin à Sebkha et une épicerie à Neteg. Vers trois heures du matin, le groupe passe et repasse dans la rue sise avant le Terminus. Mais les gardiens sont toujours en faction devant le magasin et ce n’est que vers cinq heures qu’ils constatent l’absence d’un des deux, tandis que l’autre paraît endormi. C’est l’occasion ! Paf ! Un grand coup sur la tête, avec un démonte-pneu ! Et de s’asseoir sur le pauvre El-Jilani, pour le ligoter. Mais le pauvre gardien est déjà mort. Ils s’excitent à forcer la porte du magasin. Mais voici le second gardien qui, alerté par le bruit, intervient ! Il leur lance toute la ferraille qui lui tombe sous la main, en hurlant au secours. Les bandits s’enfuient dans l’obscurité.
Les voici à Neteg, un peu plus tard. Ils surprennent le gardien de l’épicerie, endormi dans un bus. Ils le lardent de coups de couteau, l’abandonnant pour mort et dévalisent l’épicerie. Par chance, le gardien, secouru, pourra être conduit aux urgences où il se trouve encore. Un peu plus loin, la bande croise un imam qui se rend à sa mosquée. Un des lascars lui lance dessus une hache qui se plante dans son bras, le blessant légèrement.
Mais la découverte du cadavre du gardien au Terminus a déjà lancé l’enquête du commissariat de police de Sebkha 1. Seuls indices, les portraits-robots dressés avec le second gardien. Une équipe du CSPJ est envoyée en renfort. Une autre équipe, d’El-mina 2, dirigée par le fameux Ahmed Kori, les rejoint.Quelques dizaines de minutes vont suffire pour dénicher un bon début de piste. Vers sept heures du matin, on rafle, par hasard, un quidam, avec du sang sur les habits, alors qu’il ne saigne pas. C’est Papa Ould Sleïman. Il a quitté ses complices, pour aller dormir, espérant échapper à une éventuelle descente de police. Des éléments du commissariat 2 l’ont aperçu, l’imbécile a pris ses jambes à son cou ! Poursuivi, il sera arrêté et avouera tout.
Vers midi, les six suspects seront cueillis et embarqués au commissariat, pour une première audition. Ils reconnaissent le meurtre, ainsi que divers autres délits. La reconstitution du crime s’est déroulée, le même jour, sur ses lieux. Le chef et marabout de la bande sera arrêté, après d’intenses recherches, le lendemain. Apres deux jours de garde-à-vue, le groupe a été déféré au Parquet qui l’a renvoyé au commissariat, pour complément d’information. Et le dimanche 8 juin, voilà ces criminels – les revoilà, pour certains d’entre eux – en route pour les geôles de Dar Naïm.
MOSY