En politique, le changement, c’est souvent maquiller les choses pour que tout redevienne comme avant. Ces fautes de jugement sont imputables à certains archaïsmes et déficits qui sont caractéristiques du monde politique mauritanien. Il n’y a plus de liens entre les deux versants de la classe politique. Rien que des discours parallèles. L’environnement des activités politiques n’est pas stimulant. Le débat politique ne rencontre que peu d’écho dans des secteurs dont l’intérêt aurait donné plus de consistance au discours des dirigeants de partis. L’économie, la santé, l’éduction sont des chemins peu empruntés par les polémiques entre adversaire politiques. Hommes d’affaires, experts et autres universitaires suivent les faits politiques comme des sujets de discussions ordinaires à l’instar de tous les citoyens ordinaires. Il fut un temps où ils se sentaient plus impliqués. La presse adopte le plus souvent une posture de médias de compte-rendus, relayant déclarations et conférences. L’information n’est presque jamais mise en perspective. L’horizon de son traitement s’arrête à ce que disent de façons plus au moins spontanée les acteurs politiques sollicités pour donner un avis. Pas d’enquêtes, peu de reportages. L’écume des choses semble suffire. Les pouvoirs religieux et traditionnels deviennent de plus en plus ouvertement politiciens. De ce fait, ils usent de moins en moins de leur autorité morale pour interpeller et rappeler à l’ordre lorsque les acteurs politiques se livrent à des dérapages. L’ordre religieux s’intègre de plus en plus dans le mouvement politicien et partisan. Il devient de ce fait un élément de complication des situations politiques. Il perd ainsi ses fonctions de lieu et auteur de solution lorsque l’adversité politique se trouve dans l’impasse. Les initiatives de la société civile sont suspectées et rejetées parfois avec véhémence par des acteurs politiques qui défendent leur territoire contre les intrusions de toutes sortes. Au total, ceux des citoyens qui aspirent aux plus hautes fonctions politiques sont paradoxalement ceux sur qu’il ne s’exerce ni contrôle ni surveillance. Pas même un code d’éthique pour servir d’engagement moral auprès de leurs compatriotes qu’ils dirigent ou aspirent à diriger. Rien qui ressemble à un code de déontologie. L’absence de règlement transforme la scène politique en champ de bataille. Les lois sont votées ou abrogées en fonction des intérêts de la majorité parce que cette conception de la politique est très largement admise. L’opposition s’inscrit souvent dans les mêmes urgences, mais orientées vers le souci de raccourcir le mandat de l’équipe au pouvoir. Les politiciens nous mènent souvent au bord du gouffre parce que les différents secteurs qui doivent encadrer l’activité et les débats des polémistes du pouvoir sont de moins en moins enclins à jouer leurs rôles respectifs. La notion de contre-pouvoir trouverait une définition plus féconde et active si les citoyens s’imprégnaient davantage de ce que Saint-Simon appelait « la science de la liberté ».
AHMED BAZEID OULD BEYROUCK