La Mauritanie a célébré, le 1er Avril dernier, la Journée nationale du sport. Avec tambours et trompettes. Le président de la République, le Premier ministre et une palette de ministres, tous en tenue de sport (une fois n’est pas coutume) ont fait le déplacement du Stade olympique pour le coup d’envoi du marathon de Nouakchott. Ils ont également visité les stands des différentes fédérations sportives. Cinq jours plus tard, c’est le monde entier qui fêtait cette fois la Journée Internationale du Sport pour la paix et le développement. Une décision prise par les Nations Unies en août 2013. La longue liste des destinataires de la lettre du secrétaire général des NU, invités à fêter cette journée, commence d’abord par les gouvernements, donc le nôtre. Qui fête chaque semaine une journée internationale de quelque chose, du plus important au plus farfelu. Pourquoi pas celle du sport, surtout quand il est pour la paix et le développement ?
Les deux fêtes auraient pu coïncider. Mais non ! La Mauritanie veut sa propre fête à elle. Où le Comité national olympique, dirigé, depuis nombre d’années, par un « rebelle », n’aura pas son mot à dire, contrairement à ce qui se passe dans les pays « normalement » constitués. Où le Président ne politise pas tout et ne fait pas, de la devise « qui n’est pas avec moi est contre moi », son immuable credo.
L’ancien bâtonnier de l’Ordre national des avocats et le précédent président de la Communauté urbaine de Nouakchott, qui avaient le malheur d’être du « mauvais » côté, firent, en leur temps, eux aussi les frais de cet ostracisme présidentiel. Le premier organisa la Conférence internationale des barreaux de tradition juridique commune (CIB) avec la présence des plus grands avocats francophones qui foulent notre sol national pour la première fois. Le second, une grande réunion des maires francophones. Aucun officiel mauritanien n’a assisté aux cérémonies d’ouverture ou de clôture. Les délégations étrangères, malgré leur importance, ne reçurent aucun accueil officiel et les ministres de la Justice ou de l’Intérieur, qui assurent la tutelle, n’ont pas daigné leur accorder une visite de courtoisie. Quitte à écorner un peu plus l’image du pays dont la réputation n’était déjà pas des plus flatteuses. Et, pas plus tard que la semaine dernière, le président de 54 Comités nationaux olympiques d’Afrique, le général ivoirien Lassana Palenfo, s’est déplacé à Nouakchott. Il n’a pas eu plus de chance que les avocats ou les maires francophones. Le ministre des Sports, qui recevait pourtant il n’y a pas longtemps le président de la fédération de football de Madagascar, l’a superbement ignoré. Malgré une demande d’audience adressée par le CNO. Notre guide éclairé est têtu. Il n’en fait qu’à sa tête. Il n’est pas possible dans ce pays, qui se veut démocratique, d’occuper un poste même électif (président de comité olympique, bâtonnier des avocats ou maire d’une grande ville) et travailler normalement si on ne gravite pas le giron présidentiel.
Il y va du sport comme de la politique. Le bannissement y est la règle. Les opposants qui refusent de courber l’échine sont pris pour cible. Les journalistes qui essayent d’être un tantinet objectifs, exclus de tout. Les hommes d’affaires qui n’appartiennent pas au clan et veulent faire preuve d’un peu d’indépendance subissent les foudres du fisc et de la douane. Les notables qui n’entrent pas dans les rangs ne reçoivent plus rien de l’Etat. Qu’il est loin le discours de 2008-2009 ! Lorsqu’on nous bassinait avec cette Mauritanie nouvelle où la justice régnerait en maître, où personne ne serait exclu pour ses positions politiques, où les pauvres auraient « leur » Président qui s’occuperait de leurs problèmes à temps plein, où la gabegie et la déprédation appartiendraient au passé… On voit, huit ans plus tard, ce qu’il en est. La situation parle d’elle-même. S’il est très peu probable qu’un seul de nos ministres se soit fatigué à courir, le 1er Avril, seulement cent mètres du marathon, il est, par contre, très certain que le peuple mauritanien n’ait aucunement besoin d’une telle manifestation pour se sentir épuisé : son quotidien y pourvoit largement.
Ahmed Ould Cheikh