Le rejet inattendu, le 17 Mars, des amendements constitutionnels, par trente-trois sénateurs contre vingt, a constitué un véritable choc, pour le président Mohamed ould Abdel Aziz. La rébellion, au sein de la majorité, conduite par un groupe de sénateurs a complètement remis en cause tous les calculs et obligé le Raïs à penser de nouvelles stratégies aptes à lui assurer une fin sereine de mandat et à lui à permettre de quitter, sans grands accros, le pouvoir… si telle est réellement sa volonté. Réaction sur le vif, le Président, très outragé, annonce, unilatéralement, qu’il organisera un referendum, pour faire passer « ses » amendements recalés, par « ses » sénateurs. Puis convocation d’un conseil du parti au pouvoir, pour s’essayer à de nouveaux redéploiements réorganisant les troupes, afin d’éviter de nouvelles déroutes lors des prochaines consultations. La débâcle du Sénat inquiète la majorité qui soutient le Président et revigore l’action des leaders de l’opposition et des cercles diplomatiques, hommes d‘affaires et autres en confrontation contre le régime, depuis quelques années. La refondation de la majorité présidentielle paraît un des choix possibles, via remaniement(s) ministériel(s). Une éventualité que le Président peut cependant faire attendre, jusqu’au passage des amendements via la consultation populaire programmée. Fera-t-il alors appel à des symboles de cette majorité que les « langues de certains compères » ont fait éloigner du sérail, ces dernières années, ou dont les nombreuses contraintes du pouvoir ont fait rompre les amarres, avec le Président, malgré leur rôle, très important, à faire avaler de grosses couleuvres au peuple, lors de la fameuse Rectification redevenue « coup d’Etat de 2008 » et les deux présidentielles de 2009 et 2014 ? Entretemps, les secousses économiques, la désillusion des slogans prometteurs et la réalité du terrain ont imposé une « élite » de flagorneurs, rompus au mensonge et à l’affabulation qui ont fini par consumer, à petit feu, à coup de médisances et de colportages, le peu de crédibilité qui restait à leurs adversaires. Une situation qui a secrété une « élite » vulnérable, bien perchée au sommet de l’appareil exécutif, qui a rendu la majorité incapable de contenir ses crises internes et de prévenir les conséquences des nombreuses divergences qui infectent dangereusement le système. Parmi les personnalités dont s’est débarrassé le Président, sur conseil de certains de ses proches : Sid’ Ahmed ould Raïss, qui fut directeur de sa campagne, en 2009, gouverneur de la Banque centrale puis ministre de l’Economie et des finances. Il y a, aussi, la ministre secrétaire générale de la Présidence, Messouda mint Baham ; l’ancien ministre des Affaires étrangères, l’éminent académicien Mohamed Mahmoud ould Mouhamedou ; l’ancien ministre de l’Intérieur puis ambassadeur Mohamed ould Maouiya ; Cisse mint Boyda, ancienne ministre de la Jeunesse et des sports ; Sidi ould Mayouf, ancien directeur général de l’Agence de l’Accès Universel ou Mohamed Mahmoud ould Brahim Khlil, ambassadeur en Allemagne, qui fut chargé de la communication au sein de l’équipe de campagne de 2009. Toutes les informations émanant des cercles proches du pouvoir indiquent la possibilité d’un vaste chambardement, juste après le referendum, et l’octroi de vastes prérogatives, au parti au pouvoir, afin de redessiner les contours d’une nouvelle majorité présidentielle, plus « au pas ». Normalement, diverses personnalités créditées d’une certaine popularité devraient reprendre rapidement du service, en vue d’assurer le passage des amendements constitutionnels. La récente nomination de l’ancien commissaire à la sécurité alimentaire, Sid’Ahmed Babe, au poste de secrétaire général du ministère de l’Education, et de beaucoup d’autres avant lui, comme l’ancien commissaire des droits de l’homme, Mohamed Lemine ould Dadde, au poste de conseiller à la Présidence ; l’ancien directeur de l’Ecole Normale Supérieure, Ali ould Alada, au poste de directeur général de l’Ecole Nationale d’Administration, ou l’ancien directeur général de Radio Mauritanie, au poste de conseiller à la Présidence est une preuve éloquente qu’en Mauritanie nouvelle, les cadres ne meurent pas mais s’évanouissent, un peu (dans la nature), avant de revenir encore plus forts et reprendre, avec le président des « pauvres », la lutte contre la gabegie et le programme d’extinction des symboles de la déprédation.
El Kory Sneiba