Depuis ma démission, en Juin 2009, près d’un an après le coup d’état qui m’a mis dans l’impossibilité d’exercer mes fonctions constitutionnelles, j’ai tenu à me limiter à suivre l’évolution de la situation du pays, en m’abstenant de faire toute déclaration publique, et en souhaitant plein succès à tous les protagonistes du spectre politique national dans leur action au service du pays.
J’avais alors décidé, de manière consciente, de garder le silence tant que le pays n’est pas l’objet de dangers qui menacent la paix sociale ou compromettent l’avenir de la patrie. Je suis au regret de constater que la concordance des prémisses de dérapage et la montée des indices de la détérioration de la situation ont - à mon avis – atteint aujourd’hui le degré que je craignais, du fait de la déclaration du Chef de l’Etat dans laquelle il a exprimé sa volonté de recourir à l’article 38 pour amender la constitution après l’échec des tentatives menées pour faire passer ces amendements à travers le Parlement conformément aux prescriptions du Titre dédié à cet effet dans la constitution.
Notre constitution, qui est l’expression de la volonté de notre peuple, accorde – concurremment – au Président de la République (pouvoir exécutif) et au Parlement (pouvoir législatif) l’initiative de proposer la révision de la constitution et définit les modalités de cette révision. Elle accorde à ces deux pouvoirs, du fait de leur élection de la part du peuple et de ses représentants, des degrés équivalents de légitimité. Elle définit pour chacun des prérogatives claires et lui interdit d’empiéter sur celles de l’autre. Partant de cela, toute révision constitutionnelle sur la base de l’article 38 est de nature à ouvrir largement la porte devant des amendements ultérieurs qui peuvent mettre en cause les fondamentaux de la Nation et ses acquis démocratiques (la forme républicaine des institutions, l’alternance démocratique du pouvoir, l’intégrité territoriale, etc.).
Tout en pressentant les dangers qui menacent l’avenir de la démocratie dans le pays, j’appelle le Chef de l’Etat à faire prévaloir l’intérêt supérieur de la patrie, et à renoncer à sa décision d’ignorer les résultats de la discussion des amendements constitutionnels au niveau des deux chambres du parlement conformément aux articles 99, 100 et 101 qui régissent exclusivement la procédure de la révision de la constitution.
Dans le cas où le Chef de l’Etat persiste dans la violation de la constitution, j’estime qu’il est du devoir de tous les patriotes, attachés aux valeurs démocratiques et soucieux de l’avenir de leur pays, quelle que soit leur position sur l’échiquier politique – et j’en fais partie –, de déployer tout ce qui est en leur pouvoir pour résister à ce coup d’état constitutionnel et le faire échouer.
Qu’ALLAH guide nos pas sur le droit chemin.
Nouakchott, le 26 Mars 2017
Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi