A Akjoujt – cité abritant, pourtant, la société MCM qui (sur)exploite un énorme potentiel minier – la situation de l’unique lycée est dramatique. Quatre classes, construites au début des années 80, ne peuvent plus recevoir d’élèves : leur toiture est partie au vent. Deux laboratoires ont donc été transformés en salles de classe. Cette année, il a fallu délocaliser les trois cents nouveaux élèves reçus au concours d’entrée en sixième. Les voilà logés en dehors du lycée, à l’école 2, faute de places. A quelques kilomètres de là, Bénichab a été doté, lui, d’un collège flambant neuf. Qui n’a pu être ouvert. La faute à qui ? Aux élèves. Il n’y en avait, tout simplement, pas assez. Dans quelques semaines, lorsqu’Ould Abdel Aziz foulera le sol d’Akjoujt, il se trouvera des hommes, leaders, chefs de partis et intellectuels qui prendront la parole pour lui dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Que le lycée n’a aucun problème, que les populations se portent comme des charmes. Que l’eau coule à flots. Que les délestages d’électricité ne sont plus qu’un mauvais souvenir. Que la route est bonne. Que les produits de première nécessité se bradent à vil prix. Que l’hôpital régional offre les meilleurs soins. Et que ceux qui disent le contraire sont des ennemis de la Nation et de la…Rectification. Un discours ouï en plusieurs régions et qui vient de nous être réchauffé au Tagant et en Adrar. Où le conseiller politique du Premier ministre (la voix de son maitre ?), accessoirement professeur d’université, s’est fendu d’une déclaration qui sent la flagornerie à mille lieues, invitant le Président à ne pas « nous abandonner ». Allusion à peine voilée à ce troisième mandat dont on n’a toujours pas fini de parler. Malgré la mise au point qu’Aziz a lui-même établie, lors de la clôture du dernier dialogue, mais à laquelle ses soutiens ne croient apparemment pas beaucoup. A moins qu’ils ne veuillent être des premiers à avoir enfourché ce cheval, si leur guide éclairé se décide à changer d’avis. Seule bonne note, au cours de ces deux visites carnavalesques : une jeune fille d’Atar est allée complètement à contre-courant, démentissant tous ceux qui, avant elle, avaient pris la parole pour brosser un tableau reluisant de la situation. En quelques mots, et devant une assistance médusée par tant de courage, elle a mis le doigt sur non pas une mais plusieurs plaies : l’eau, l’école, la santé, les prix, le chômage… Un discours qui devait être la règle mais qui est devenu l’exception, tant les éloges, les dithyrambes, les envolées si peu lyriques, les mensonges et les bêtises ont fait florès devant ces visitations. En quelques jours, Khdeija mint Kleib, c’est son nom, a fait un tabac sur les réseaux sociaux. Elle est devenue le symbole de cette Mauritanie qui souffre en silence et qu’Ould Abdel Aziz, pourtant élu sous le slogan « président des pauvres » ne veut, désormais, ni voir ni entendre. Que nous disait-il, en 2009, lors de sa première campagne électorale : « En Mauritanie, quand un président est élu, il fait un mandat puis deux. Les flagorneurs lui font alors croire qu’il est devenu indispensable et que le pays ne peut plus se passer de lui. Et le voilà à s’incruster au pouvoir, avec les conséquences que l’on sait ». Sept ans plus tard, « flagorné » ou pas, l’irremplaçable Rectificateur ?
Ahmed Ould Cheikh