Le dialogue national « inclusif » a pris fin, il y a, déjà, plus de deux semaines. Un accord a été paraphé, entre le pouvoir et une partie de l’opposition. L’autre a choisi de l’ignorer. Et semble s’y obstiner, malgré le discours du président de la République indiquant, clairement, qu’il ne briguera pas un troisième mandat. Il rendra le tablier en Juillet 2019… si, d’ici là, tout se passe comme prévu par la Constitution. En attendant l’échéance, on n’en revient pas de sa surprise, au sein de la « majorité » qui soutient le pouvoir. La décision de Mohamed Ould Abdel Aziz déroute ses partisans qui avaient voulu vendre, aux dialoguistes, cette histoire de troisième mandat, malgré les instructions que le Rais avait, semble-t-il, données à certains de ses fidèles. Cette « majorité » a échoué, comme toujours, dans son initiative de soutien. On se souvient du dialogue de 2011 et des tentatives de 2013. On peut également rappeler les nombreuses couleuvres avalées, par ce pauvre UPR, notamment lors de la dernière présidentielle. La plupart des membres du directoire de campagne du candidat Mohamed Ould Abdel Aziz furent choisis hors de l’appareil de ce parti. Glissons, mortels, n’appuyons pas…
Aujourd’hui, bien malin qui saura nous lire les cauris de l’UPR. Continuera-t-elle à soutenir, vaille que vaille, le Président qui l’abandonnera au milieu du gué ? Ou osera-t-elle s’émanciper de son mentor qui pourrait administrer un coup fatal à ce PRDS-bis, en cooptant ou soutenant un candidat hors de ses rangs ? La question mérite d’être posée. En tous les cas, le président Aziz aura tout fait pour faire, du mammouth, un grand parti, un parti des pauvres, un parti des jeunes, avec l’objectif affiché, au lendemain de sa prise de pouvoir, en Août 2008, de « renouveler la classe politique ». Il a cependant recyclé, en cours de route, divers caciques d’Ould Taya et de Sidioca. L’objectif est, en tout cas, loin d’être atteint, à quelques deux ans de la fin de son mandat. L’émergence des partis de jeunes n’a pas permis, à ce jour, de renvoyer la « vieille garde à la retraite ».
D’ici 2019 donc, date de son départ annoncé, Mohamed Ould Abdel Aziz doit se battre, pour tenter de perpétuer et capitaliser son héritage, en faisant maintenir, par son successeur, ses « réalisations », « poursuivre et parachever ses grands chantiers ». Car les Mauritaniens et leurs politiciens, notoirement ingrats – le PRDS d’Ould Taya et consorts sont encore frais dans les mémoires – pourraient facilement sortir de leur tête le président des pauvres au profit d’un autre président…des riches, pourquoi pas cette fois, qui sait ? Leur opposer, donc, une stratégie poutinienne dont le soupçonnent l’opposition et certains segments de la classe politique au pouvoir ? Tous les scénarios avancés autour de la succession d’Ould Abdel Aziz se fondent sur cette hypothèse. C’est dire qu’en coupant l’herbe sous les pieds de certains qui se la coulent douce, le Président a bien ouvert une boîte de Pandore dangereuse pour son régime. Fin de règne à haut risque, comme l’annonce un observateur averti de la scène politique mauritanienne.
Turbulences en vue
Si Ould Abdel Aziz doit mener un combat de titans, pour sortir par la grande porte – en tous cas, pas par la plus petite – l’opposition mauritanienne pourrait, elle aussi, entrer dans une zone de turbulences, si elle ne prend garde. Ses discussions byzantines et les différences d’agenda, entre les partis membres du FNDU et le RFD pourraient la perdre. Elle doit, pour ne pas rater l’alternance, changer de stratégie, en rompant avec le boycott tous azimuts. Oser prendre des risques. Peut-elle faire bouger la rue, pour obliger le Président à s’auto-neutraliser, c’est-à-dire à ne pas soutenir, comme en 2007, un candidat « marionnette » ? Prendra-t-elle le risque de plonger le pays dans la violence, par des manifestations outrancières, ce qui pourrait faire perdurer l’armée dans l’arène politique ? Un risque qu’elle n’ignore certainement pas, plusieurs de ses partis l’ont appris à leurs dépens, en soutenant le putsch contre Sidi ould Cheikh Abdallahi, oubliant qu’en 2007, Sidioca avait été extirpé du Niger, comme David Dako, en Centrafrique, pour se présenter à la présidentielle de 2007.
L’opposition mauritanienne doit, elle, se battre pour sa survie. Elle doit se battre pour imposer, au pouvoir, une alternance pacifique et éviter, surtout, de devenir ou de rester, définitivement, le dindon de la farce. Comment ? En acceptant de se remettre en cause et en faisant bouger ses lignes. Le discours du président de la République semble ouvrir la voie à des compétitions électorales ouvertes. L'opposition dite radicale ne doit pas rater l’occasion. Comme le dit le député Abderrahmane Marrakchy, dans une récente interview au Calame, le peuple mauritanien ne comprendrait pas qu'une importante frange de l'opposition choisisse de se mettre en marge des représentations démocratiques.
Pour cette opposition incapable, jusqu'ici, d'imposer son tempo au pouvoir, le moment serait donc venu de faire contre mauvaise fortune bon cœur, en acceptant de s’impliquer, fortement, dans cette alternance en passe de s’ouvrir. Certes, « chat échaudé craint l'eau froide » mais elle doit tirer les leçons du scrutin de 2013 qui vit Tawassoul, El Wiam et autres « partillons » inconnus jusqu’ici conquérir des mairies et des députations à l'Assemblée nationale. Il n’est pas facile, pour cette opposition dite radicale, de franchir le Rubicon mais, après avoir salué les propos du Président Aziz relatifs à la modification de la Constitution, elle doit aller de l'avant Au pouvoir de l'encourager et, surtout, la rassurer. N’est-ce pas cela qu’elle demande, tout le temps ?
DL