A la suite du dernier dialogue, organisé, par le pouvoir, sans l’opposition, le Conseil des ministres a approuvé le projet de loi portant révision de la Constitution, lors de sa réunion hebdomadaire de jeudi dernier. Une réforme qui supprimera le Sénat, fondera des conseils régionaux et introduira des amendements constitutionnels tendant à « accentuer le caractère patriotique » (sic), en modifiant l’hymne national et le drapeau. Notre guide éclairé décide, ainsi, d’interpréter l’article 99 de la Constitution, en faisant fi du Parlement qui n’aura pas son mot à dire dans cette réforme qui le concerne, pourtant, au premier chef. Il faut dire que respecter la procédure à la lettre était risquée. Les sénateurs, qui ne ratent plus une occasion d’exprimer leur mécontentement, n’allaient, en aucun cas, accepter, à une majorité de deux-tiers, une réforme constitutionnelle qui les réduit à néant. Ould Abdel Aziz va donc consulter directement le peuple. Un referendum dont ni lui, ni le pays n’a besoin, dans les circonstances actuelles. La situation est autrement grave, il serait loufoque de s’écharper pour un poème ou la couleur d’un morceau de tissu, fussent-ils hymne ou drapeau nationaux. A l’heure qu’il est, l’urgence est ailleurs. Le pays part en vrille. L’économie est exsangue. Les indicateurs sont au rouge, quoi que dise Ould Djay. La dette atteint des records mondiaux. Le contribuable est pressuré au-delà du raisonnable. Le secteur privé bat de l’aile. Les sociétés publiques sont à l’agonie. Les investisseurs étrangers rechignent à se faire arnaquer. Un cartel a fait main basse sur toutes les opportunités. Les affaires de drogue ne sont plus l’exception mais la règle. Les marchés publics, désormais l’apanage d’une petite minorité. A quoi donc peut bien servir un referendum, dans ces conditions ? Nous permettra-t-il de sortir de l’auberge ? Va-t-il régler la crise politique où nous nous débattons depuis 2008 ?
Imaginez, un instant, que le referendum soit organisé unilatéralement, les réformes approuvées et les élections législatives et municipales organisées, l’année prochaine, en l’absence, encore une fois, de l’opposition… En quoi cela va-t-il changer notre situation actuelle ? Ould Abdel Aziz ne dispose-t-il pas déjà d’une confortable majorité à l’Assemblée nationale ? Nous aurons, au bout du compte, dépensé quelques milliards, pour organiser des consultations qui ne nous avanceront en rien. Des milliards qui auraient pu, en la disette présente, servir à quelque chose de beaucoup plus utile. N’aurait-il pas été plus sage de s’abstenir d’organiser un dialogue sans toute l’opposition, un referendum sans consensus national et des élections sans la participation de tous ? Mais, à tant s’acharner à tout édicter, diriger, commander, comment notre forcené national saurait-il entendre, si près de la fin de son dernier mandat, que « la sagesse, c'est passer de l'affirmation à l’effacement de soi » (P. Bartherotte) ? Et que c’est là, en fin compte, la seule force qui vaille.
Ahmed Ould Cheikh