La Fédération Mauritanienne des Jeux de Boules (FMJB) vient d’être exclue du Comité National Olympique et Sportif Mauritanien (CNOSM). Sous pression depuis Janvier 2016, la FMJB n’a cessé d’envenimer une situation déjà bien compliquée pour elle. Le couperet est tombé le 2 Novembre 2016. C’est à l’unanimité des neuf membres présents que le comité directeur du CNOSM a décidé d’exclure ladite fédération, pour « faute grave », se fondant sur l’article 16, paragraphe 2, alinéa b des statuts. La FMJB dispose de la possibilité d’interjeter appel, devant l’Assemblée générale du CNOSM, conformément à l’article 17 des mêmes statuts : « Après audition du mis en cause et examen des motifs, l’AG ne pourra revenir sur la décision du CD qu’à la majorité des ¾ des voix des membres présents ».
Rappel des faits
Extrait de la correspondance adressée, par le président du CNOSM, à celui de la FMJB : « Quatre disciplines sportives avaient été sélectionnées, par le CNOSM, en collaboration avec le ministère de la Jeunesse et des Sports, en vue de la participation de la Mauritanie aux derniers Jeux Africains de Brazzaville dont le programme comportait, pour la première fois, les jeux de boules. Au moment où toutes les fédérations avaient répondu et proposé le nombre et les noms des athlètes qui leur ont été demandés, en vue de leur accréditation, la Fédération des Boules n’a pas jugé opportun de répondre à la lettre que le CNOSM lui avait adressée tentant plutôt, de l’avis du comité, mais en vain, de faire accréditer son triplet par le biais du ministère, comptant sur ses relations privilégiées avec le département de la Jeunesse et des Sports ». Face à ces tergiversations, le CNOSM avait adressé par lettre n°003, en date du 14 Janvier 2016, une demande d’explication à la FMJB, « restée, jusqu’à ce jour, sans réponse ».
Par lettre n°0019, en date du 24 Octobre 2016, et conformément à l’article 16, paragraphe 2, alinéa b des statuts approuvés par le CIO, le 22 Janvier 2007, le CNOSM invite le président de la FMJB à une audition auprès du comité directeur, le 27 Octobre 2016. Mais, signale le compte-rendu de l’affaire, « la fédération transmet une lettre sans numéro, en date du 25 Octobre 2016, signée du secrétaire général, prétextant d’un voyage à l’étranger et sollicitant le report de l’audition pour le 3 Novembre 2016 à 18 heures ». Le CNOSM fait remarquer que les lettres adressées au président de la fédération ne sont pas des lettres intuitu personae. « L’un de vos vice-présidents, désignés, statutairement, à vous remplacer, en cas d’absence, aurait pu se présenter, pour dire, au comité directeur, les raisons du refus de votre fédération de répondre au courrier et à la demande d’explication qui lui ont été adressés ; d’autant plus que cette audition se réduisait à un point de l’ordre du jour de la réunion du CD ».
En outre, fait remarquer la correspondance du CNOSM, « le Comité directeur trouve inadmissible qu’un de ses membres, convoqué à une étape ultime du processus disciplinaire pour être sanctionné, non seulement, ne se présente pas mais s’arroge encore le droit – un droit qui revient au président du CNO ou à deux tiers des membres de l’organe directeur – de décider, de son propre chef, d’inviter le CD à une réunion dont il a arrêté le jour, le lieu et l’heure ». Le CNOSM rappelle qu’en 2007, à l’occasion de l’AG élective, « quand il s’était agi de faire, d’une fédération dont le sport ne fait pas partie du programme des JO, l’un de nos vice-présidents, notre choix s’était porté sur la FMJB, pour ses bons résultats sur le plan international, et nous l’avons introduite auprès du ministère dont elle était, à l’époque, peut-être plus maintenant, la parente pauvre ».
« L’absence de la Fédération des Jeux de Boules des derniers Jeux Africains a privé », soutient le CNOSM, « notre pays de la possibilité d’une médaille d’or, parmi une dizaine de fédérations, finalement gagnée par le Sénégal dont le classement mondial est moins bon que le nôtre ». Caracolant, des années durant, dans le top 10 de médailles, la Mauritanie rate le coche. C’était une occasion méritée de récompenser les efforts et les sacrifices, énormes, que les boulistes mauritaniens ont consentis, ces dernières années. Pourtant, parmi les dix pays sur les vingt-trois fédérations affiliées à la convention, les chances de médailles étaient réelles, « à leur portée », disent certains.
Bien avant le retour de la délégation du CNOSM des JO de Rio, une campagne médiatique sans précédent fut ourdie, à son encontre, sur les ondes de la radio gouvernementale et les télévisions privées. Un ancien candidat malheureux à la présidence du CNOSM insinuait que les athlètes mauritaniens étaient les derniers, une allégation du reste fausse, et qu’il fallait suspendre, à défaut dissoudre, le CNOSM. Or, le pourfendeur du CNOSM ignorait qu’aucun gouvernement ne peut suspendre un CNO. En outre, il faut nécessairement, dans une compétition, un gagnant et un perdant. Quant à transposer la participation en termes d’investissement, l’Arabie Saoudite allait glaner des médailles à la pelle. S’il y a impréparation des athlètes, cela est du ressort des fédérations concernées et non le CNOSM, lui ont fait comprendre certains spécialistes. Paradoxalement, des médailles bien faciles à décrocher ont ainsi filé entre les doigts. Dans le milieu des boulistes mauritaniens « qui dament le pion » à ceux de la sous-région, la pilule a du mal à passer. On reproche, à la fédé, de s’occuper plus de politique, notamment de déstabilisation du CNOSM, qu’à consacrer à la participer aux manifestations sportives.
Se présentant en victime, la FMJB tente, maladroitement, de rallier à sa « cause » certaines fédérations, s’en prenant au président du CNOSM en des termes peu courtois. C’est une continuité, laisse-t-on entendre, de la campagne de dénigrement engagée, avant et pendant l’Assemblée générale du CNOSM du 30 Mai 2015 qui consacra la défaite du deuxième vice-président de la FMJB, « un activiste du parti au pouvoir », soutenu, ouvertement, par le département chargé des sports et par l’influent président de la FMJB. Dans un courriel au ton méprisant, personnalisant une décision collégiale, et où les règles protocolaires et de décence sont écornées, attribué au président de la FMJB et envoyé à certains présidents, il est mentionné : « nous vous prions de bien vouloir trouver, en attaché, la lettre que nous avons reçue, ce jour, d’Ould Mah, notifiant sa décision arbitraire de nous exclure de (son) comité olympique ».
C’est grâce au CNOSM que la FMJB a dû être acceptée dans les instances et non à la Charte olympique. D’autant plus que cette fédération ne fait pas partie des fédérations auxquelles se réfère la règle 28 paragraphes 1-2, pour être membre d’un Comité national olympique. Elle fait simplement partie des fédérations qui « peuvent » être membres (règle 28 paragraphe 1-2). La FMJB doit pour « être acceptée par le Comité National Olympique, se conformer, dans tous ses aspects, à la Charte olympique […] » (règle 29). Une fédération des jeux de boules, si elle est acceptée comme membre par un CNO, ne fait pas partie des fédérations dont la majorité votante est requise, pour valider les délibérations de l’Assemblée Générale et de l’organe directeur de ce CNO. Son vote n’est pas pris en considération (règle 28 paragraphe 3). En outre, quand les débats, au sein de l’AG ou du CD concernent les Jeux Olympiques, le vote de ladite fédération n’est pas pris en considération (règle 28 paragraphe 3).
Au final, la FMJB est exclue du bénéfice de l’aide de la Solidarité olympique. Nouvel avatar des hostilités, entre le président du CNOSM et l’Etat ? « Ces vingt dernières années, le docteur Mohamed Mahmoud ould Mah a toujours su résister, victorieusement, aux ministres chargés des sports qui lui ont, tous, sans exception, fait la guerre, à un moment ou un autre », soulignait un chroniqueur sportif de la place. En sera-t-il obligé de batailler, jusqu’au terme de sa vie, pour faire face à une adversité aussi absurde que stérile, alors que la Mauritanie sportive a tant besoin de se serrer les coudes ?
Thiam Mamadou