De l’eau, on en parle au Gorgol. Une préoccupation, un enjeu, certes, de survie dont la préservation et la gestion, comme ressource naturelle et élément de souveraineté, requièrent, de la part de l’Etat, des collectivités territoriales et des consommateurs, un temps de réflexion. Un temps pour s’interroger sur le degré d’implication de chacun des acteurs ; principalement, des communes. Des entités sans moyens, au cœur du développement local, avec en prime, des responsabilités transversales plus administratives que techniques. Abondante au Gorgol, grâce au fleuve et à l’alimentation des aquifères par Diama, l’eau reste, cependant, inaccessible, en sa version potable, pour bon nombre de citoyens. Les communes qui veulent assumer la gestion des infrastructures hydrauliques manifestent un besoin de cohérence avec la logique des réformes engagées par l’Etat, depuis 2001, et axées sur le désengagement progressif de celui-ci de toute activité opérationnelle. Dans ce sillage, de nombreuses structures ont émergé, comme l’autorité de régulation, l’ANEPA, reconnue d’utilité publique, en charge des ouvrages dans le rural et le semi-urbain. Succédant à l’ANEPA, avec des prérogatives un peu plus étendues, est née, après l’adoption du Code de l’eau, en 2005, et divers décrets d’application, l’Office national des services de l’eau (ONSER), en charge du suivi, de la gestion et de la maintenance des ouvrages et infrastructures hydrauliques en milieu rural et semi-urbain. Si cette dernière structure s’avère limitée, dans sa capacité à faire séparer gestion du patrimoine et exploitation des systèmes, sa tâche est d’autant moins aboutie que la maîtrise d’ouvrage communale souffre de la faiblesse de l’ancrage institutionnel, en matière de distribution d’eau potable.
Au regard de la capitalisation du Projet Eau Assainissement Gorgol-Guidimakha (PAGG), durant la période 2011-2015, mis en œuvre par le GRDR, en partenariat avec l’Association des Maires et Parlementaires du Gorgol (AMPG), on constate que la mise en délégation des services de l’eau demeure une problématique pour tous les acteurs. Toute une constellation de textes juridiques entremêlent les responsabilités. Interpellés par la décentralisation, les maires ont donc souhaité convier tous les acteurs à réfléchir sur les enjeux liés à la mise en délégation du service de l’eau et la gestion durable des effluents et déchets, en milieu rural et semi-urbain. Un atelier ouvert sous la présidence du wali du Gorgol, Mohamed Yahya ould Mohamed Vall, en présence des hakems des quatre moughataas, du directeur de l’Hydraulique, Mohamed El Moctar Mohamed Taleb, de son homologue de l’ONSER, Athié Abdoul Wahab, et des partenaires financiers et techniques, SCAC et AFD, respectivement représentés par messieurs Patrick et Moussa Beddiyouh. Après le mot de bienvenue du maire de Kaédi, Sow Moussa Demba, les intervenants ont, tour à tour, manifesté leur intérêt pour cette rencontre qui devrait, espèrent-ils, mettre à niveau tous les acteurs et clarifier, par une démarche d’appropriation, la question de la délégation du service de l’eau, tant au niveau de la réglementation que de la disposition des bonnes pratiques, pour les services municipaux. Après les diverses présentations relatives au Code de l’eau, à la décentralisation et aux rôle et responsabilité de l’ONSER, les participants se sont penchés, par groupes de travail, sur le rôle des communes dans les cas de la DSP et de l’ONSER, d’une part, et, d’autre part, sur les bonnes pratiques de gestion de suivi et de contrôle.
A la lumière des débats et contributions qui ont suivis, la question centrale, presque récurrente, reste chevillée à la capacité des communes à se positionner en institution de développement dotée de moyens humains et techniques. Du coup, la problématique d’une décentralisation au goût d’inachevé, avec son corollaire de transfert inexistant de compétences, constitue, selon les élus, l’entrave majeure à toute action efficiente. En trois mots : les moyens manquent. Le constat est d’autant plus inquiétant que les communes rurales souffrent d’un assèchement de leur assiette fiscale et peinent à trouver les ressources additionnelles pour rémunérer les compétences d’un service technique approprié, même si la Direction Régionale de l’Hygiène et de l’Assainissement (DRHA) est censée leur offrir appui et conseil. Limites des communes, dans le long processus du développement ; volonté politique trop timide, pour les booster dans une vision participative : deux contraintes qui interrogent le président de l’AMPG, Sy Adama. Son constat, froid et sans équivoque, a mis dos à dos les collectivités locales et la Direction Générale des collectivités Territoriales (DGCT), en invitant les premières à s’inscrire dans une espèce de révolution, pour répondre aux attentes déjà nombreuses des populations, en matière d’accès à l’eau potable, et la seconde à plus de pragmatisme, dans le transfert des compétences.
A l’issue de ces deux jours de conclave, les 27 et 28 Octobre, les participants ont émis des recommandations sur l’harmonisation des textes (Code de l’eau, ONSER, décentralisation), sur les conditions de la maîtrise d’ouvrage, de la contractualisation, des études au cas par cas du système de tarification, une réelle responsabilisation des maires et un mécanisme de suivi de la qualité de l’eau.
Biry Diagana
CP Gorgol