Les discussions, entre le pouvoir et une partie de l’opposition mauritanienne, se poursuivent au Palais des congrès de Nouakchott. Deux semaines se sont écoulées, sans qu’on sache, pour autant, vers quelle issue l’on s’achemine. A en croire certains participants, les débats sont riches et variés. Sont-ils, pour autant, francs et sincères ? La question reste d’autant posée que ce conclave, initialement prévu sur une dizaine de jours, traîne en longueur. Il a connu deux reports et vient d’en connaitre un troisième d’une semaine cette fois encore.
Cependant et à en croire diverses confidences concordantes, l’essentiel a été accompli la première semaine, le reste n’est que conciliabules.
Une chose est certaine, deux ateliers avancent difficilement. Les réformes constitutionnelles et, dans une moindre mesure, les problématiques politiques et électorales. Les débats y sont très houleux, la présence massive. Personne ne veut en rater une miette parce que c’est visiblement là où se joue le véritable enjeu de ce dialogue. D’où les difficultés à avancer. L’UPR et ses acolytes sont, d’ailleurs, suspectés de vouloir introduire la question du troisième mandat pour l’actuel président de la République qui doit, théoriquement, quitter le pouvoir en 2019. La Constitution en vigueur limitant le mandat présidentiel à deux. Même si l’intéressé a dit qu’il respecterait la Constitution, il n’a ni précisé laquelle, ni rappelé à l’ordre, ni sanctionné ceux des membres de son gouvernement qui ont avancé, publiquement, la possibilité de le voir briguer un troisième mandat, en déverrouillant, par referendum, l’article 29 de la Constitution.
Les sorties répétées du ministre porte-parole du gouvernement n’intriguent, visiblement pas, le Palais. Mais elles ont agacé plusieurs formations de l’opposition dite modérée, engagés dans le dialogue, à tel point qu’APP, parti du président Messaoud ould Boulkheïr, a suspendu sa participation. Pour cause, les tentatives de la majorité présidentielle, UPR en tête, d’introduire la question du troisième mandat, absente des thématiques du dialogue. Seul l’article 26, relatif au plafond de l’âge exigé aux candidats à la magistrature suprême, est en effet mentionné, au titre des réformes constitutionnelles à discuter.
On en est là. Les tentatives de faire passer, en douce, ou de faire valider, par le dialogue, un amendement constitutionnel de l’article 29 se poursuivent, au Palais des congrès, où règne, depuis jeudi, une atmosphère de fin de discussions. Il y a plus de va-et-vient, conciliabules et apartés que de débat, dans les ateliers. Vendredi, seuls les ateliers sur les réformes constitutionnelles et la gouvernance économique planchaient encore. Les autres étaient focalisés sur la tente de la collation.
Une synthèse à haut risque ?
Avant son retrait des ateliers et des commissions, l’APP a exigé la remise, par la commission de suivi et d’orientation, des PV des ateliers, pour vérification et validation, par les présidents des partis. A 48 h de la clôture des travaux, initialement prévue le 13 Octobre, aucun groupe n’était pas en possession des fameux PV. Il a fallu que le représentant de l’APP, Ladji Traoré, tape du poing sur la table et menace, pour que la commission de synthèse et d’orientation promette de les remettre le lendemain. Que se passe-t-il au sein de cette fameuse commission ? Pourquoi a-t-elle traîné les pieds ? Rétention délibérée ?
Ce qui est sûr, aujourd’hui, c’est qu’après les ateliers, une autre bataille est attendue : la synthèse. Respectera-t-on, scrupuleusement, les recommandations des ateliers ou tentera-t-on de les dévoyer ? Pour parer à toute éventualité, un représentant du parti Arc-en-ciel informe que les participants seront très vigilants.
Retrait stratégique d’APP
A cet égard, le parti APP a marqué un coup fort, en décidant de suspendre sa participation aux ateliers et aux commissions du dialogue. Même provisoire, cette suspension a marqué les esprits et prouvé que certains partis – du moins celui-là – n’acceptent pas d’avaler les grosses couleuvres de l’UPR que plusieurs ont cru apercevoir, en la modification de l’article 26 de la Constitution relative à l’âge des candidats, geste évident à l’endroit du président Messaoud. Pour eux, l’amendement de cet article constitue l’opportunité de déverrouiller l’article 29. Une brèche, selon eux, où ils veulent, manifestement, s’engouffrer.
Pour les boycottistes et en dépit de leurs critiques à l’APP, suite à sa décision de prendre part à un dialogue dont les objectifs étaient supposés établis d’avance, Messaoud ould Boulkheïr, qui a beaucoup concédé à un pouvoir « ingrat à son égard », disent certains de ses proches, vient d’administrer une bonne raclée à celui-ci. Pour éviter un nouveau goût d’inachevé folklorique aux débats, les partis et les autres groupes dialoguistes mettent les bouchées doubles, pour ramener le leader d’APP qui n’avait, lui, pas manqué de tenter, mais en vain, de faire accepter, par le FNDU et le RFD, le dialogue lancé le 29 Septembre dernier.
Vers l’escalade ?
Pendant que le dialogue se poursuivit, le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU) prépare sa marche du 29 Octobre, pour dénoncer, entre autres, le « simulacre » du palais des Congrès, le détournement des biens publics, la cherté de la vie, le chômage des jeunes… Le Forum s’attend à une forte mobilisation de la rue, pour prouver, à l’opinion nationale et internationale, que la majorité des Mauritaniens n’est pas d’accord avec le pouvoir de Mohamed ould Abdel Aziz. Que fera alors le pouvoir ? Attendre et voir, probablement...
DL