Finalement, le dialogue entre la majorité et une partie de l'opposition durera deux semaines. Les échos en provenance du Palais des congrès rapportent des tensions, épisodiques mais particulièrement fortes, entre les gens de l'Union Pour la République et certains segments de cette opposition participante. Au point de brandir, ici et là, des menaces de retrait. Les Mauritaniens attendent, cependant, les conclusions des débats, pour si et, le cas échéant, en quoi ceux-là pourraient différer des nombreux autres dialogues beaucoup plus inclusifs. On entend, déjà, que plusieurs institutions, comme le Sénat, le Conseil économique et social, la Médiation de la république et autre Haut conseil islamique, seraient, tout simplement, supprimées. De nouvelles réformes constitutionnelles, comme la révision de l'âge-limite à la candidature à la présidence de la République et, éventuellement, le nombre de législatures présidentielles pourraient être introduites. Les emblèmes nationaux, comme le drapeau ou l'hymne national, ne seraient pas épargnés. Certains partis politiques auraient là-dessus des propositions. En tout cas, les négociations semblent très rudes pour concilier les points de vue. L'APP de Messoud ould Boulkheïr, El Wiam de Boïdiel ould Houmeïd et l'Alliance Démocratique de Yacoub ould Moine, entre autres, seraient intraitables sur toute tentative de seulement évoquer l'éventualité d'un troisième mandat. Ni les manœuvres machiavéliques des responsables de la majorité, notamment de l'UPR, ni les sorties, suscitées et consciencieusement guidées, de responsables gouvernementaux, comme celle du porte-parole du gouvernement, ne semblent les faire fléchir.
Des quatre ateliers du dialogue, celui des réformes constitutionnelles a donc ravi la vedette. Ses discussions ont été particulièrement chaudes. Pourtant, normalement, ce n'est pas en cet atelier que les questions de fond qui concernent tous les Mauritaniens devraient être débattues. Les problématiques de la cohabitation entre les communautés, du partage équitable des ressources, de la bonne gouvernance, de la justice, de l'école, de l'accès aux services de base et autres, me semblent autrement plus essentielles que l'évocation d'un troisième mandat, l'attardement sur la forme et la couleur du drapeau, l'âge des candidats à la présidence, questions subsidiaires sur lesquelles un dialogue national inclusif ne devrait pas s'attarder jusqu'à s'y focaliser. Ailleurs, des rencontres nationales de cette envergure nécessitent, au moins un ou deux mois. Deux semaines ne peuvent jamais suffire à débattre correctement de problématiques aussi importantes. Si la Mauritanie s'en contente, c'est qu'il ya anguille(s) sous roche. De deux choses l'une : ou les autorités nationales n'accordent aucune importance, ni à la teneur ni aux conclusions des rencontres ; ou les termes et contours de leur objet ont été prédéfinis. Le cas échéant, elles n'auront servi qu'à amuser la galerie et justifier les desseins inavoués des artisans d'une énième conspiration contre les fondements constitutionnels d'un pays en déliquescence, devenu celui des trois millions d'hypocrites, après avoir été celui du million de poètes. L'acte suivant de ce théâtre de mauvais goût est facile à imaginer. Les protagonistes du dialogue inclusif sortiront un document où toutes les propositions seront consignées. L'astuce consistant à demander l'avis du peuple " souverain ", seul " détenteur et pourvoyeur " de la légalité. C'est l'idée du référendum national annoncé, par Mohamed ould Abdel Aziz, le 3 Mai 2016 à Néma, et réitérée, à l'occasion de l'ouverture du fameux dialogue du 29 Septembre 2016 au Palais des congrès. Comme en 2008, les Mauritaniens risquent d'être, à nouveau, mis devant le fait accompli. Ils n'auront, le moment venu, que leurs yeux pour pleurer un nouveau tripatouillage constitutionnel permettant, à la junte militaire, de continuer à faire marquer le pas à tout le monde. Les conférences de presse, les communiqués, les déclarations radiophoniques ne serviront à rien. Seul un grand sacrifice vaut la peine. Le reste n'est que perte de temps.
El Kory Sneïba