Alors qu’il devait durer dix jours et finir lundi, le dialogue national « inclusif » a été « prolongé » de trois jours. Il s’achèvera donc le jeudi 13 courant. Non que les parties prenantes n’aient réussi à trouver un terrain d’entente sur les modifications à apporter à la Constitution, mais il faut « laisser le temps au temps », tenter d’effacer la pénible impression que les ateliers n’ont été que foires d’empoigne où tout et son contraire (y compris le plus aberrant) ont été dits. Essayer de faire passer, en douce, la proposition de l’UPR visant à modifier certains articles du texte fondamental et qui n’est, en fait, qu’un habillage pour une nouvelle Constitution où la limitation des mandats disparaît, comme par enchantement. Malgré les vociférations de l’opposition de velours, dite dialoguiste, qui refuse, sans trop de conviction, qu’on touche auxdits articles, le fait est bel et bien accompli. Et le forfait en passe d’être commis. Donnant, a posteriori, raison aux boycottistes qui ont refusé d’être pris pour les éternels dindons d’une farce de mauvais goût. Ceux qui ont participé à ce dialogue et cautionné un nouveau coup d’Etat contre la Constitution répondront de leurs actes, un jour ou l’autre, au moins devant l’Histoire. On ne peut pas continuer à passer, indéfiniment, par pertes et profits les forfaits en tous genres commis parce qu’on avait peur de désobéir. Qu’ils se mettent tous en tête que le pays a voté pour une Constitution et le président prêté serment qu’il va la respecter. Un point, un trait, on ne peut transiger là-dessus. Un des pères de ce texte fondamental, le professeur Mohamed Lemine ould Dahi, disait, l’autre jour et à juste titre, qu’un président en fin de mandat n’a plus à se préoccuper d’amendements constitutionnels. Il a, en principe, d’autres chats à fouetter. A moins qu’il n’ait des idées derrière la tête. La suppression du Sénat, du Haut conseil Islamique ou de la Médiature de la République, objet du présent dialogue, n’est, en fait, qu’un prétexte pour déverrouiller des articles empêchant le Président de se présenter à un troisième mandat qui hante, désormais, ses nuits. Mais ce qu’il ne peut (ou ne veut) pas comprendre et que ses conseillers juridiques (s’il en a) devraient lui mettre en tête est que, nouvelle Constitution ou pas, il ne peut pas se présenter à la future élection présidentielle. Déjà au pouvoir, il a la force avec lui et il peut s’asseoir sur le Droit, comme il l’a déjà en 2008. Du coup, le risque est grand de le voir faire le forcing, pour tenter le tout pour le tout et se maintenir au pouvoir, mais plus grand encore d’ouvrir la boîte de Pandore. Se rend-il compte du danger qu’il court et fait courir au pays, en tripatouillant la Constitution ? A-t-il la moindre idée de l’imprévisible dont ce peuple frustré peut devenir capable, si on le titille trop ? Continuera-t-il d’accepter, notre guide aveuglé, que les laudateurs et flagorneurs, qui en ont perdu d’autres, lui masquent indéfiniment la réalité ?
Pourtant et comme le dit si bien l’adage, nul n’est indispensable. A tout vouloir garder, on perd facilement tout, alors qu’une alternance pacifique évite bien des désagréments. Blaise Compaoré du Burkina et Mamadou Tandja du Niger, qui ont tenté tant d’acrobaties, pour rester au pouvoir au-delà de leurs mandats, en savent quelque chose. Un homme averti en vaut combien ?
Ahmed ould Cheikh