Le dialogue en gestation depuis des mois a, enfin, démarré, dans l’après-midi du jeudi 29 Septembre, au Palais des congrès. Telle est la volonté du pouvoir qui, semble-t-il, a fini de patienter et d’attendre une opposition qualifiée de « radicale, hésitante et exigeante ». « Nous avons donné suffisamment de temps aux acteurs politiques pour entrer dans le dialogue », a dit, en substance, le président de la République, dans son discours d’ouverture, avant, cependant, d’ajouter qu’il continuait à « tendre la main » à cette opposition, c'est-à-dire au Forum National pour la Démocratie et l’Unité (FNDU) et au Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD).
Seuls les partis de la CUPAD (APP, Wiam et Sawab), de l’Entente Nationale, de l’AND d’Ould Moine, diverses personnalités dites indépendantes, quelques mauritaniens de l’extérieur, organisations de la Société civile et syndicats, ont décidé de participer à l’évènement, avec, bien évidemment, la coalition de la Majorité présidentielle. Il faut signaler que le président des Forces Progressistes du Changement (FPC), parti non reconnu, y a été convié, en tant qu’« acteur politique et personne-ressource ». Après s’être fait attester que les questions qui le préoccupent étaient bien inscrits à l’ordre du jour et qu’a priori, liberté de parole et de ton serait assurée à tous les participants, Samba Thiam a rejoint le conclave. Idem pour Ne Touche Pas à Ma Nationalité (NTPMN) présidée par le docteur Dia Alassane.
Plusieurs sources, à quelques heures du lancement de l’évènement, émanant de « bien informés », laissaient pourtant croire que le dialogue ne commencerait pas avant la fin du mois d’Octobre. Parce que, tout simplement, le pouvoir venait de relancer les contacts informels avec le FNDU et le RFD. Des émissaires du palais ont, en effet, approché certaines personnalités, comme l’actuel président du Forum et celui du RFD. Au cours de ces rencontres, le pouvoir aurait proposé de mettre en place, à la place du gouvernement d’ouverture exigé, un département ministériel chargé de la gestion exclusive des élections et de nommer un ministre de l’Intérieur consensuel. En cas de refus de cet arrangement, les émissaires du pouvoir annonçaient que le gouvernement parachèverait, de toute manière, son agenda, par un dialogue avec ceux consentant à le suivre. Ce qui fut donc fait, jeudi dernier.
A en croire d’autres confidences, certains partis de l’opposition, favorables au dialogue, avaient cependant émis le souhait, au cours de leur dernière réunion avec la commission centrale de préparation, de voir le pouvoir poursuivre les contacts avec l’opposition dite radicale, afin de parvenir à un dialogue inclusif. Ils excluaient, tout de même, de boycotter les assises. « La main toujours tendue » du président de la République, lors de son discours inaugural des travaux, aura-t-elle suffi à contenter ces aimables contestataires ? Quoiqu’il en soit, le chef de l’Etat n’a pas manqué de rappeler que « tous les problèmes du pays seront passés au crible, sans aucun tabou ». Et de s’engager, dans la foulée, à faire appliquer l’ensemble des résolutions qui seront adoptées par les dialoguistes. Clin d’œil, encore, à ceux des responsables de la CUPAD qui se plaignent de l’inapplication des résolutions du dialogue de 2011…
Les présidents des partis politiques ont pris la parole pour présenter leurs attentes. Presque tous ont regretté l’absence du FNDU et du RFD. Mais voilà qu’à l’occasion du discours de monsieur Balas, président du parti Arc-en-Ciel, le chahut s’élève. Certains ne veulent, manifestement pas, que certains sujets, comme les exactions commises contre la communauté négro-africaine, entre 1986 et 1991, soient évoqués. Sans aucun tabou, donc ? Monsieur Samba Thiam aura beau jeu de paraphraser la recommandation d’Ould Abdel Aziz, en rappelant que le dialogue doit être, justement, l’occasion de débattre des questions qui fâchent et qui ne peuvent demeurer tabous.
Du côté de l’opposition dite « radicale », on se dit surpris par la « précipitation » du gouvernement. Des contacts étaient en cours, le FNDU était en discussion, depuis quelque temps, pour examiner les voies et moyens de participer au dialogue… Refusant de se rendre à un débat préparé, de manière unilatérale, par le seul pouvoir, les deux réfractaires exigeaient – exigent toujours – du gouvernement, d’abord une réponse à leur plateforme et un minimum de garantie et de transparence, ensuite, dans le processus. Boycottés ou boycotteurs, les voilà, en tout cas, hors du coup. De quoi renforcer leur alliance, contre l’«agenda caché » du pouvoir ? D’aucuns le suspectent, en effet, de vouloir user des amendements constitutionnels contenus dans les thématiques du dialogue, pour s’octroyer un troisième mandat ou de faire élire une potiche à sa main. Qui vivra deux ans encore verra si et comment notre actuel Président, au bout de son dernier quinquennat légal, respectera, comme il l’a affirmé publiquement, la Constitution… En attendant, le dialogue 2016 sera donc une rebelote non inclusive. Une espèce de remake de 2011.
Prévu théoriquement pour dix jours, il abordera les thèmes suivants : thématique générale et grand défis nationaux, problématique politique et électorale, réformes constitutionnelles, renforcement de l’Etat de droit et de la justice sociale, gouvernance économique et financière. Avant d’entrer dans le vif des sujets, des commissions de supervision et orientation, d’organisation, de suivi et de synthèse seront mises sur pied. Des ateliers dédiés aux thématiques mèneront les travaux. Et roulez, roulez, petits bolides ! En évitant, cela va sans dire mais cela ira peut-être mieux en le disant, de vous faire rouler… dans la farine.
DL
Encadré
Conférence de presse du FNDU :
« Seul un dialogue dont les règles et les exigences sont consensuelles vaut la peine d’être organisé ».
Le Forum National Pour la Démocratie et l’Unité (FNDU) a organisé, lundi 3 Octobre 2016, une conférence de presse à l’hôtel Khater. Plusieurs centaines de militants des partis du Front ont assisté à cette rencontre médiatique. Comme d’habitude, les responsables du FNDU, notamment son président, Cheikh Sid ‘Ahmed Ould Babemine, ont réitéré leur engagement en faveur d’un véritable dialogue politique inclusif sérieux, capable de sortir le pays de la crise multiforme qu‘il vit depuis plusieurs années. Un dialogue dont les règles et les modalités seraient conjointement préparées, par les différentes parties concernées. En cette quête, ont rappelé les responsables du FNDU, « nous avons exploré toutes les possibilités d’un dialogue qui puisse réunir les conditions du succès. Nous y restons prêts. Nous avons néanmoins été surpris de la convocation, par le pouvoir, d’un dialogue unilatéral que nous avons, naturellement, boycotté. Car l’expérience a démontré que ce genre de dialogue n’aboutit pas à des résultats sérieux. Celui de Septembre 2015, pour lequel tant de moyens de l’Etat et du gouvernement furent mobilisés, dont les résultats ont fait l’objet d’un assourdissant battage médiatique et dont les décisions sont tombées dans l’oubli, malgré l’engagement ferme du pouvoir d’en assurer l’application, est une preuve éloquente que seul un dialogue dont les règles et les exigences sont consensuelles vaut la peine d’être organisé ». Pour participer à une telle rencontre, le FNDU pose trois conditions :
1. que le dialogue, organisé conjointement par les parties, soit précédé d’un accord en définissant les modalités, les objectifs et les participants ;
2. qu’il aboutisse à des résultats et garanties relatifs à la neutralité de l’Etat, pour une rupture définitive avec une époque où l’Etat et ses moyens sont utilisés par un clan politique contre les autres ;
3. que soit mis en place un mécanisme consensuel garantissant l’application des résultats.
A la fin de la conférence, le FNDU a lu un communiqué, dressant la situation politique, sociale et économique « catastrophique » du pays et mettant en garde contre ce qu’il appelle « une politique maladroite du pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz qui risque de mener le pays vers des lendemains incertains ».