Le calame : Votre parti, le RFD, vient de publier un pamphlet contre le pouvoir en place. Cette sortie intervient au moment où le pouvoir cherche à nouer un dialogue politique avec son opposition, un dialogue auquel le RFD ne prendra part. Pourquoi un tel document, en ce moment précis?  Qu’en attendez-vous ?

 

Limam Ahmed Ould Mohamedou : Il faut replacer ce document dans son contexte. La Mauritanie est au bord du gouffre, du fait de la gestion catastrophique du régime en place. En dépit de la rareté de l’information et de l’opacité ambiante qui entoure l’utilisation des ressources de l’Etat, le RFD a pu obtenir suffisamment d’éléments fiables pour réaliser ce document, en vue d’éclairer l’opinion nationale et attirer l’attention des partenaires au développement sur l’immensité des dégâts causés par cette gouvernance désastreuse…

 

Nous attendons de ce document qu’il contribue à la prise de conscience nationale quant aux niveaux, jamais égalés, de gabegie atteints par le pouvoir en place. Nous espérons qu’il puisse renforcer la détermination du citoyen et des forces vives de la Nation à mettre à nu et dénoncer cette inacceptable situation. Le régime comprendra alors, clairement, qu’il aura, un jour, à répondre de ses actes.

 

En tant que plaidoyer pour le rétablissement de la bonne gouvernance en Mauritanie, ce document s’adresse aussi à nos partenaires au développement, pour veiller, désormais, à ce que les ressources qu’ils octroient au pays soient effectivement utilisées pour le bien-être des mauritaniens et n’empruntent plus de chemins tortueux…

 

Vous accusez le pouvoir de gabegie, de corruption. Pourtant le pouvoir peut vous opposer ses réalisations, notamment en infrastructures (voirie de Nouakchott, construction de routes, d’un aéroport international….). Tout est noir dans le tableau d’Aziz ?

 

La Mauritanie a engrangé durant la faste période de 2010 à 2014 des ressources exceptionnelles, comme explicité dans le document du Parti. Peut-on imaginer, un instant, que quelques trois ou quatre «projets», somme toute dérisoires, aux coûts improbables, mal conçus et inachevés, ne répondant à aucune logique cohérente de développement et, de surcroit, réalisées dans les conditions les plus opaques, justifient, à eux seuls, l’utilisation de ces importantes ressources financières ?

 

Lorsqu’un régime maintient son peuple dans une pauvreté endémique malgré une conjoncture économique plus que favorable, lorsqu’il est prêt à brader son pays pour des commissions, lorsqu’il refuse de coopérer avec des institutions internationales pour couvrir les siens ou lorsqu’il transgresse, chaque jour, sans gêne aucune, les lois et règlements dont il est censé être le gardien, lorsqu’on a atteint ce niveau-là, oui, je pense, hélas, que le tableau est bien noir…

 

Pourquoi le RFD refuse-t-il tout dialogue avec le pouvoir qui réitère toujours ses bonnes dispositions à traiter de la crise multiforme que connaît le pays?

Notre position est claire à ce sujet : oui pour un dialogue sérieux et inclusif dont l’objectif est de résoudre les problèmes – Ô combien multiples – de la Mauritanie ; non aux mascarades par lesquelles on cherche à trouver des solutions aux problèmes d’un régime ou ceux d’un homme.

Propos recueillis par Dalay Lam