Deux semaines après son investiture, le président réélu prend encore tout son temps pour former le premier gouvernement de son nouveau mandat. En attendant le verdict, les Mauritaniens peuvent aller de toute leur fantaisie, en combinant, selon leurs humeurs et désirs, les noms des hommes et des femmes qu’ils voudraient voir, pour des considérations personnelles, à la future équipe gouvernementale. Sites et journaux de la place ont proposé leur propre composition. Une vieille méthode visant à influencer les décideurs qui ne fait plus recette. De fait, la chose apparemment la plus sûre, aujourd’hui, est qu’on peut tout prévoir, sauf ce qui se trame dans la tête du Président. Côté Premier ministre, tout peut arriver. De la reconduction, pour la énième fois, de Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, à la promotion d’un quelconque inconnu, sorti de n’importe où et auquel personne ne s’attendait. Exactement comme lorsque le candidat décida, contre toute attente, de choisir un ancien cadre du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) comme directeur national de sa campagne électorale pour la dernière présidentielle. Côté ministres, seules les évidences valent quelque chose. Ce sera une équipe de femmes et d’hommes mauritaniens, en principe issus des rangs de ce que les « politicards » appellent, pompeusement, la « majorité présidentielle ». A l’instar d’Ould Raïss, certains hommes de confiance seront maintenus. Normalement, les dosages convenus, liés à la communauté, à la région et autres petites considérations anodines et sans grande importance, seront respectés. La technocratie ne comptera pas pour beaucoup dans le choix. En tout cas, beaucoup moins que l’allégeance ou la flagornerie. L’histoire, typiquement africaine, de portefeuilles des jeunes et des femmes prévaudra. Les traditionnels postes de souveraineté (Justice, Intérieur, Défense, Affaires étrangères et Finances) seront confiés aux plus manipulables et corvéables à merci. On verra, peut-être, la promotion de quelques hommes valables mais à des postes sans aucun rapport avec leur formation. Des hommes et des femmes qu’il faut, à la place où il ne faut pas. Pas impossible de voir un chirurgien-dentiste à l’Education nationale ou un professeur de philosophie à la Santé. Plusieurs promotions porteront la griffe de mains invisibles, civiles ou militaires. Certaines seront le reflet, éloquent, de la puissance de l’oligarchie militaro-affairiste qui s’implique dans toutes les activités du pays, depuis pas mal de temps. Le retard, dans la formation du gouvernement, pourrait, même, être un indicateur des manœuvres au sommet, afin de colmater habilement les brèches et faire le minimum de mécontents. Des affaires comme ça sont tellement sensibles qu’il vaut mieux faire attendre le peuple que fâcher les amis des moments difficiles. Evidemment, tout le monde ne sera pas ministre. Mais d’autres hautes fonctions sont là pour rétablir les équilibres et réparer les torts. Séchons les larmes de la juteuse Banque Centrale de Mauritanie. Si sensible et importante qu’elle ne peut être confiée qu’à un fidèle. Voilà, c’est fait. La gestion des devises et des business de la République s’accommodent mal des langues fourchues et des grandes gueules. Le prochain gouvernement n’aura donc rien d’exceptionnel. Beaucoup de ses membres ne seront, peut-être, même pas totalement nouveaux. Certains anciens ministres peuvent revenir. Grand art que de faire du neuf avec du vieux. Peut-être même que d’anciens pensionnaires de la prison de Dar Naim et autres opposants farouches feront leur entrée au gouvernement. Ce n’est pas impossible. L’allégeance absout ce qui la précède. L’essentiel est que la Mauritanie toute nouvelle se dotera, dans quelques jours, d’un nouveau gouvernement. Prendre les mêmes ou promouvoir d’autres ? Le problème n’est pas dans les hommes, mais dans les méthodes. Qui a dit que l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes ?
Sneïba El Kory