"Ces articles sont publiés dans le cadre d’un projet financé par le Programme de l’Union Européenne pour la Société Civile et la Culture pour la promotion de la protection de l’environnement"
Dans le cadre de l’accord signé entre le Gouvernement Mauritanien et l’Union européenne, le Programme de l’Union Européenne pour la Société Civile et la Culture (PESCC), a attribué une subvention à notre association Action Environnement pour réaliser le projet intitulé Projet de sensibilisation nationale au développement durable et à la protection de l’environnement
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Sixième article de la série commandée, au journal « Le Calame », par l’association mauritanienne « Action Environnement ». Suite aux données environnementales récoltées et diffusées à partir du bassin collecteur de l’école, des actions de protection et d’exploitation des ressources naturelles locales s’initient. Au mieux coordonnées dans le temps et l’espace, elles se coltinent à une situation particulièrement chaotique, en ce que l’appât du gain et l’intensité des compétitions sont devenus très pressants. Collectives et résolument centrées sur les réalités locales, les réponses dessinent de nouvelles stratégies territoriales…
La grande mode, dans les années 80, était à la politique des terroirs. Le concept, tout droit importé des zones tempérées et suréquipées de la planète, tablait sur l’universalisation des Appellations d’Origine Contrôlée (AOC), valorisant les produits d’une zone géographique précisément délimitée. Il n’a jamais pu se greffer sur la réalité mauritanienne. Plusieurs facteurs s’y opposaient – s’y opposent toujours – avec, en toute première ligne, les conditions climato-géographiques et, par voie de conséquence, écolo-sociales, de l’espace saharo-sahélien.
La plupart des ressources végétales, par exemple, s’étalent sur des espaces beaucoup plus vastes qu’en zone agricole sédentaire. Une trivialité particulièrement aiguë, alors que le déséquilibre, entre le potentiel fourrager maximal et l’effectif réel du bétail s’est durablement installé. Construit, dans les dernières décennies du temps colonial, sur des données productivistes totalement dégondées des réalités locales, il est devenu un fait de société. Avec la sédentarisation accélérée du cheptel et des populations, la pression, sur le manteau végétal, et les tensions, entre les différents modes d’exploitation du terroir, n’ont cessé de s’accroître.
Tous les villages et campements sont entourés d’une auréole de dénudation dont le rayon est proportionnel au nombre d’habitants. Les graminées pérennes ont cédé la place à des herbacées à cycle beaucoup plus court, comme le Cenchrus biflorus, guère appréciées des ruminants, avant que ces dernières ne disparaissent à leur tour, laissant le sol dénudé, guère plus habité que par l’incomestible Calotropis procera. Se rabattant sur les plantules, fleurs et gousses des acacias et autres Zizyphus, le bétail contribue à appauvrir la biodiversité, tandis que les oiseaux granivores, délestés de leur nourriture traditionnelle, envahissent les champs des agriculteurs, eux-mêmes confrontés au désastre d’une loi foncière acharnée à détruire ce qu’il restait de l’antique adéquation entre les divers exploitants du sol, tout au long de l’an (1).
Nouvelles approches de gestion environnementale
Quoique la prise de conscience soit loin d’être unanime – on voit même apparaître des néo-productivistes, à l’instar de divers pools saoudiens, en poupe d’un agrobusiness biotechnologique encore plus borné et effrayant que ses avatars antérieurs – la résultante des problématiques générées par les approches quantitatives du développement tend à esquisser un renversement de tendances. La rectification des OMD en ODD, où l’on voit apparaître une réelle attention à ce qui ressort et advient, au plus local, signale ce frémissement. Pas de quoi exulter mais, tout de même, les quinze prochaines années devraient voir se développer, sauf catastrophe mondiale majeure, une autrement plus patiente et d’autant plus éclairée approche du bien-être des gens, encouragés à vivre chez eux, au mieux de leur histoire et de leur environnement.
La multiplication de plans communaux de développement, au cours de la présente décennie, s’inscrit dans cette tendance. Généreux en leur conception, variablement bien adaptés cependant, faute d’appuis suffisants sur une Société civile locale souvent embryonnaire, pour ne pas dire inexistante, sans parler du mésusage du potentiel juvénile – défaillance fondamentale, comme on l’a souligné précédemment, de lieux d’éducation jamais pensés en éducation du lieu – ils souffrent d’un évident manque de moyens. Repensés dans un cadre communautaire plus élargi, intégrant toutes les composantes de la population locale, étendant la notion de terroir à celle de promontoire (2), fondé sur une cohérence écolo-économico-sociale spécifique surmontant, sans l’ignorer, le cadre strictement administratif, ils peuvent acquérir cette fluidité de limites si caractéristique des modèles ancestraux de gestion environnementale et si bien adaptée aux fluctuations des moyens. Nous en reparlerons dans le prochain article de la série, incha Allah. (A suivre)
Tawfiq Mansour
Notes
(1) : Voir, notamment, la seconde partie de mon ouvrage, publié sous le nom de Ian Mansour de Grange, : « LE WAQF, outil de développement durable ; LA MAURITANIE, fécondité d’une différence manifeste », Librairie 15/21, Nouakchott, 2012.
(2) : Un concept assez élastique, basé sur « ce que la vue peut embrasser du haut d’un promontoire », suggérant une certaine continuité écolo-géographique où pourrait être mesurés les tenants et aboutissants d’un bilan socio-économique du biotope. Pour entendre l’élasticité du propos, on dire simplement qu’en Mauritanie, la dimension socio-culturelle, notamment en ses aspects tribaux, peut être un élément objectif supplémentaire, dans l’élévation dudit promontoire…