Nous avons suivi, avec effarement et indignation, les derniers événements partis de ce qui est convenu d'appeler l’« Edebbaye ould Bouaamatou », bidonville habité essentiellement par des familles pauvres, issues de la communauté haratine, pour se solder, à la suite d'une grossière manipulation des RG d’Ould Abdel Aziz, par l'enlèvement et la torture de tous les membres du Bureau Exécutif d'IRA, à Nouakchott. Balla Touré, Tijani Diop, Abdellahi Matalla Saleck, Moussa Biram, Jemal Beylil, Hamady Lehbouss, Khattri Rahel, Salem Vall, Ahmed Hamdy ont été arrêtés et conduits vers des destinations inconnues, tandis que plusieurs dizaines de jeunes dudit eddebaye ont été entassés dans les cachots des différents commissariats de Nouakchott.
Prétexte de l’opération, l'expulsion, manu militari, de populations démunies, au profit de commerçants et de propriétaires terriens des quartiers chics de Nouakchott. La brutalité de cette intervention avait provoqué la réaction de ces jeunes, résistant spontanément aux forces de l'ordre venues les jeter à plusieurs kilomètres de tout service, sur des lopins de sable nu, censés constituer un dérisoire dédommagement à ce bannissement caractérisé. C’est alors que, de façon totalement incompréhensible, le gouvernement d’Ould Abdel Aziz décida de profiter de la confusion qui s'en était suivie, pour régler ses comptes avec l'Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA).
Il ne nous semble pas fortuit que l'acharnement contre IRA coïncide avec son extraordinaire réussite, sur le plan de la diplomatie des droits de l'Homme, réussite couronnée par la remise, des mains de John Kerry, secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères des USA, du Prix des Héros de la lutte contre la traite des humains (2016 TIP Heroes Awards), à ses président et vice-président, Biram Dah Abeïd et Brahim Bilal Ramdhane. Il n'est pas non plus anodin que cette campagne d'éradication intervienne alors qu'IRA, suite à l'injuste et inique emprisonnement de ses dirigeants, dix-neuf longs mois durant, ait décidé de coordonner ses actions avec l'Opposition et d'affronter le régime d’Ould Abdel Aziz, pour hâter l'avènement d'un ordre plus démocratique où les grandes questions sociales et nationales pourraient trouver leur solution, au travers d'un consensus national mûrement réfléchi.
IRA n'a eu de cesse et ne s'arrêtera jamais de dénoncer l'esclavage foncier agricole dont souffrent les paysans mauritaniens et, notamment, les plus démunis d'entre eux, les Haratines et les esclaves. C'est d'ailleurs lors d'une caravane formée pour dénoncer cette forme de servitude que les dirigeants d'IRA furent interpelés puis si longtemps incarcérés.
Depuis quelques temps, le foncier urbain fait, à son tour, l'objet d'accaparement de la part de riches hommes d'affaires, souvent fraîchement parvenus. Les villes mauritaniennes agissent comme des lessiveuses géantes dont les forces centrifuges rejettent, vers les périphéries de plus en plus éloignées, les populations les plus vulnérables. Le phénomène prend une urgence toute particulière, en ces temps d'accueil d'hôtes étrangers parmi lesquels on compte les principaux débiteurs du pouvoir d’Ould Abdel Aziz.
Nous comprenons parfaitement, à IRA, le ressenti des populations d'Eddebaye ould Bouaamatou qui rechignent à abandonner leurs modestes cahuttes qui leur assuraient, au moins, la proximité des lieux d'activité et de circulation des biens, même si elles n'en sont pas les bénéficiaires. Pour nous, la question de l'esclavage et des Haratines est une question centrale. Elle structure le combat pour l'avènement d'une Mauritanie démocratique et égalitaire. Elle recouvre et englobe la lutte contre le racisme, l'exclusion et la marginalisation. C'est une question transnationale, au sens où elle concerne toutes les ethnies et nationalités présentes en Mauritanie, même si c'est à des degrés divers.
Pour nous, la question de la cohabitation entre ethnies est tout aussi fondamentale. Son exacerbation a failli coûter, au pays, son existence au pays et même coûté la vie, à des centaines de nos compatriotes, sur ordre de représentants d'un Etat qui a prétendu agir en notre nom, pour tuer, déporter et exproprier nos concitoyens. L'idée que ces crimes soient restés impunis est, tout simplement, insupportable. Un début de solution fut esquissé, sous le régime d’Ould Cheikh Abdallahi – excuses au nom de l'Etat, organisation du retour des déportés – mais il reste encore bien de pas à accomplir, pour cicatriser les plaies et reconstruire sur des bases saines. De notre point de vue une démarche du genre « Vérité et Réconciliation » devrait être initiée, impliquant les victimes et ayants droit.
Mais, à propos de ces deux essentielles questions de l'esclavage et de la cohabitation, nous tenons, en notre qualité de membres du Bureau Exécutif d'IRA, à préciser que les déclarations de notre président Biram Dah Abeïd, sur une télévision sénégalaise, le samedi 11 Juin 2016, où il appelait les chefs d'Etat des pays d'Afrique noire à « venir en aide » aux Noirs de Mauritanie, de Tunisie, du Maroc et de l'Iraq, ne nous engagent pas et ne reflètent pas la position de notre organisation. Les problèmes de cohabitation entre Mauritaniens ne pourront être durablement résolus que par les Mauritaniens eux-mêmes, ceux de l'intérieur et ceux à l'extérieur du pays.
Le 8 Juillet 2016, les signataires :
Brahim Bilal Ramdhane, premier vice-président d'IRA
Ahmed Amou ould Moustapha, membre du Bureau Exécutif d'IRA
Mohamed Baba, membre du Bureau Exécutif d'IRA