Depuis quelques mois, le patron des patrons mauritaniens, Ahmed Baba ould Azizi, est dans la ligne de mire du pouvoir. Fervent soutien de la Rectification d’Août 2008 et l’un des contributeurs des campagnes électorales du guide éclairé, Ahmed Baba est entré en disgrâce pour des raisons que même lui n’arrive pas à élucider. Petit à petit, il s’est retrouvé exclu des marchés publics et, s’il lui arrive d’être moins disant, comme pour la centrale électrique duale de Nouakchott ou la route Méderdra-R’kiz, il est systématiquement éliminé, au profit d’une entreprise pourtant beaucoup plus chère ou du Génie militaire (hé oui, ça existe…). Et, comme pour couronner le tout, le pouvoir décide de lui enlever le seul titre qui lui existe, président de l’Union du patronat, après avoir demandé, officiellement, à l’Italie, de lui retirer celui de consul général honoraire en Mauritanie (Il est le seul au monde qui peut se prévaloir de ce titre, ce qui constitue une grande marque de confiance de la part d’un Etat aussi important que l’Italie pour un citoyen mauritanien). Devant sa volonté de ne rien céder, le Premier ministre convoque les présidents des fédérations affilées au patronat et leur intime l’ordre de tenir un congrès pour choisir un nouveau président. Or, il se trouve, en vertu des textes, que le congrès ne peut être convoqué que par le président sortant lorsque toutes les fédérations seront à jour dans leurs cotisations et auront produit leurs rapports d’activité. Une contrainte légale sans laquelle le vote ne pourra pas avoir lieu. En attendant, la résistance s’organise. Syndicats et partis d’opposition ont condamné cette ingérence manifeste du pouvoir dans le renouvellement des instances dirigeantes d’une organisation n’ayant rien à voir avec l’Etat. Une ingérence qui a commencé dès l’année dernière, avec le parachutage d’un colonel à la retraite, à la tête de la fédération des éleveurs et la tentative, avortée, d’imposer un général défroqué, à celle de l’Agriculture. Après l’Association des maires de Mauritanie, dont les postes de président et secrétaire général sont, désormais, occupés par des colonels retraités, la militarisation des corporations s’accentue. Plus rien n’échappe à la boulimie de nos « vaillants » militaires, actifs ou retraités. On ne comprend d’ailleurs pas pourquoi ne cherchent-ils pas à imposer un des leurs à la tête du patronat. Un célèbre chroniqueur a proposé que ce poste revienne au président de la République, devenu premier homme d’affaires du pays. Et qui refuse de voir cette structure dirigée par quelqu’un d’insoumis à sa volonté. C’est que l’homme est d’une haine tenace, voit des ennemis partout et veut tout régenter, jusqu’au plus petit détail. Non content d’avoir ruiné une personne à qui pourtant il ne reproche rien, il veut également la priver des honneurs et des titres symboliques. Ceux qui observent cette situation sans lever le petit doigt devraient bien méditer cette citation du pasteur Martin Niemöller : « Lorsque les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste. Lorsqu’ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate. Lorsqu'ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste. Et, lorsqu’ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester… »
Ahmed ould Cheikh