L’argent, vieille histoire ! Apparue, chez nous, vers la fin de la première guerre mondiale. Vers 1918, donc. Une année mémorable, berceau de nombre d’importantes personnalités de ce pays, dont le premier président Moktar ould Daddah (officiellement né en 1924). Je parle du billet de banque, l’argent version papier. C’est pourquoi 1918 s’appelle, chez nous, « Am el keït » : année du papier. Ce n’est pas un cours de monétique, mais c’est juste pour enseigner, aux grands amoureux de l’argent, un peu de son histoire. C’est vrai que l’argent n’est pas « nourrisson de la haine ». Qui n’aime pas l’argent ? Personne ne peut lever le doigt. A l’adage qui disait que l’argent ne fait pas le bonheur, un inspiré répondit : « Donne-le moi, je veux être triste ». C’est tout le monde qui aime l’argent, dé ! Sans argent, rien ne va. Pas de goudrons. Pas de commissions. Pas de voyages. Pas de frais. Pas de salaires. Pas d’indemnités. Si ce n’était l’argent, personne n’aimerait devenir « pas rien ». Pour faire quoi, sans argent ? Imaginez un général sans argent. Sans caisse noire. Sans budget. Finalement, c’est l’argent qui est à l’origine de tous nos maux. Depuis le coup d’Etat de Juillet 1978 à la rectification/coup d’Etat d’Août 2008. L’argent est le chéri de tout le monde. Les journalistes et les instituteurs en sont les champions. Les chauffeurs aiment l’argent. Les parlementaires aiment l’argent. Les ministres aiment l’argent. Les généraux aiment l’argent. Même le Président aime l’argent. Sa majorité aime l’argent. Ses oppositions aiment l’argent. La preuve : les opposants sont incapables d’oublier ces vieux cinquante millions de dollars qui datent de 2008. Mais cet argent est prescrit ! Mangé. Digéré. Oublié. Il ne faut pas réveiller les morts. Qu’Allah ait leurs âmes ! Même l’Arabie Saoudite qui l’a donné l’a oublié. Il ne sert à rien de parler des cadavres ni de les secouer. D’ailleurs, il paraît que c’est parti en fumée, consumé par les engins de l’armée, mazout, gasoil, essence, fuel…A dix millions de dollars par jour, faites le compte : dix millions de dollars fois cinq jours égalent cinquante millions. Ça tombe juste. Pile poil. Ya même pas de retenues. Sacré ministre de la Culture ! On n’est pas à la Culture pour rien. Je savais qu’en mathématiques, on utilise la démonstration par l’absurde. Mais je ne savais pas qu’il existait une démonstration par le ridicule. Ni la Tempête du désert ni l’opération Serval ne consommèrent autant de carburant. Ni l’armée américaine, ni l’armée française, ni, même, l’armée chinoise ne peuvent en consumer autant en un jour. Je ne sais même pas si, de l’Indépendance à aujourd’hui, la nôtre en a consommé autant. Mais, attention : que signifie « carburant de l’armée » ? C’est encore la même histoire des propos présidentiels à Néma, si vilainement « dénaturés »par l’opposition. Carburant peut signifier : tout ce que l’armée de terre, de l’air et de mer utilise, pour faire vrombir (inutilement) ses machines. Les frais de voyage pour soins ou tourisme des enfants, femmes et autres proches des gens de l’armée, ça peut être du carburant. Les frais d’écolage, ici et à l’extérieur, c’est du carburant. Les entretiens des troupeaux et de leurs bergers, c’est du carburant. La construction de maisons cossues et leurs matériaux de finition made in Spain ou Hong Kong, c’est du carburant. Les équipements en voitures de luxe et voyages à Dubaï des premier, deuxième, troisième et, même, quatrième bureaux, c’est du carburant. Tout ce qui fait marcher ce qui doit marcher, c’est du carburant. Or on ne marche pas sans argent. Un chantier qui s’arrête, faute d’argent, pour que ça redémarre, il faut de l’argent. Sans carburant, une voiture ne démarre pas. Exactement comme un chantier. Ça ne peut pas démarrer sans argent. Donc, carburant, ça englobe beaucoup de choses. Il ne faut pas voir juste le bout de son nez. Carburant, argent, sergent, adjudant, lieutenant, commandant : en avant ! Salut.
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».