Projet de sensibilisation nationale au développement durable et à la protection de l’environnement

15 June, 2016 - 02:57

"Ces articles sont publiés dans le cadre d’un projet financé par le Programme de l’Union Européenne pour la Société Civile et la Culture pour la promotion de la protection de l’environnement"

 

Dans le cadre de l’accord signé entre le Gouvernement Mauritanien  et l’Union européenne, le Programme de l’Union Européenne pour la Société Civile et la Culture (PESCC), a attribué une subvention à notre association  Action Environnement pour réaliser le projet intitulé Projet de sensibilisation nationale au développement durable et à la protection de l’environnement

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(Intégration de l’environnement dans les stratégies de développement (SNDD et PANE)

 

De la coupe aux lèvres…

 

Voici presque dix ans (Octobre 2006), la première Stratégie Nationale de Développement Durable (SNDD) était lancée, dans la lancée de la fondation, trois mois plutôt, d’un secrétariat d’Etat chargé, auprès du Premier ministre, de l’Environnement (1).  Cadre conceptuel décennal pour la conduite de plans opérationnels quinquennaux successifs, Plans d’Action Nationaux pour l’Environnement et le développement durable (PANE1 et PANE2), il entendait s’articuler, notamment, avec le Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP), en « parfaite cohérence » avec les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) annoncés, dès 1992, par le premier principe de la Déclaration de Rio de Janeiro proclamant le droit universel de tout homme à vivre dignement dans un environnement sain.

La SNDD se donnait cinq axes fondamentaux : la Mauritanie renforce les moyens institutionnels et politiques et gère efficacement l’environnement et les ressources naturelles ; elle favorise l’accès durable aux services de base comme moyen stratégique de lutter contre la pauvreté ; consciente des enjeux multisectoriels et multi-échelles (du niveau local au niveau global) de la problématique du développement durable,  elle favorise, à tous ces niveaux, une gestion intégrée et participative, en vue d’une utilisation efficiente de ses ressources naturelles ; elle entend gérer son environnement local et global conformément aux engagements  pris au sein des conventions internationales ; et doit élaborer, enfin, des mécanismes de financement pour son PANE.

Une des conditions du succès de celui-ci était que le contexte institutionnel et administratif puisse, à la fois, prendre en compte clairement la démarche du développement durable et faire partager, le plus largement possible, cette exigence à la population. Pour ce faire, on entendait : renforcer le nouveau cadre institutionnel – en repositionnant l’environnement dans l’existant et en mettant en place une structure dédiée aux données environnementales – définir des objectifs précis, en matière de communication, de formation et d’éducation à l’environnement, notamment auprès des jeunes – en particulier dans l’action locale et le partage des expériences – mettre en œuvre des  mécanismes d’incitation économique et réglementaire – en améliorant, par exemple, les études d’impact environnemental et en renforçant les modes et moyens de contrôle pour une mise en œuvre effective du cadre législatif et réglementaire – élaborer, enfin, un processus continu et adaptatif de suivi-évaluation-actualisation de l’application du PANE.

L’articulation avec le CSLP constituait l’œuvre essentielle du second axe stratégique, avec  les priorités d’accès universel et durable à l’énergie, l’eau potable, l’assainissement liquide, à un développement urbain sain et équitable, etc.  Le troisième axe, centré sur les ressources naturelles diversement exploitables et/ou à protéger, insistait sur l’impératif de leur gestion participative locale, en favorisant les liens entre environnement et développement. L’intégration de la lutte contre la désertification, dans l’aménagement du territoire, relevait, quant à elle, d’une démarche administrative plus globale, tout comme l’ambition de voir mieux gérée l’exploitation de ressources commerciales halieutiques, pétrolières et minières.

Nous reviendrons, dans un prochain article spécifique, sur l’axe 4 qui déborde, plus ou moins largement, des frontières de la Mauritanie. Quant au cinquième, il posait, après avoir noté la spécificité du financement du développement durable, où les investissements ne sont pas, a priori productifs, la nécessité d’innover dans leur mobilisation interne et externe, avant de les allier, préférentiellement, à la décentralisation : appui aux initiatives et bonnes pratiques locales, exploration de toutes les opportunités de financement direct et spécifique des collectivités locales par les partenaires, affectation régionale des recettes d’éventuelles taxes et redevances environnementales ou, encore, engagement budgétaire pluriannuel de l’Etat de financer, sur une base régionale, une partie des dépenses environnementales… Il y a dix ans, le document descriptif de la SNDD ne manquait de conclure sur l’ampleur de la tâche, soulignant, notamment : « Il n'est pas sûr que, sans des avancées décisives de la démocratie décentralisée, la Mauritanie puisse faire face aux défis multiples auxquels s’attaque cette Stratégie Nationale de Développement durable »… 

 

Cinq ans plus tard…

En 2012, paraît le document descriptif du tout nouveau PANE 2. Son intérêt principal, pour le présent article, fut de dresser un bilan critique de son prédécesseur.  Aussi sommaire fût-il, il eut cette qualité de ne pas prétendre au panégyrique, pour s’attacher, plutôt, à relever les erreurs et les manquements dans l’utilisation des plus de huit milliards d’ouguiyas absorbées le PANE 1, en espérant en tirer leçons. Après avoir ainsi signalé la  gamme élargie d’instruments de planification et de gestion qui ont été élaborés et « plus ou moins appliqués » – PLCD, PMLCD, PAN-LCD (2), SNDD, PANE 1 et divers autres projets d’appui à la préservation et au développement des ressources naturelles – l’auteur poursuivait en déplorant que « la mise en œuvre de la plupart de ces initiatives n’a généralement pas été à la hauteur des attentes. Les ambitions étaient grandes, mais les capacités de mise en œuvre, de gestion, de suivi et d’évaluation sont restées très limitées, notamment en matière d’efficacité du rôle assigné et du mandat dévolu au MDEDD et de ressources humaines et financières ».

Elaboré sous forme de « matrice opérationnelle », le PANE 1 entendait « ratisser large ». Il s’est retrouvé, du coup, submergé d’axes opérationnels, objectifs, résultats attendus, activités programmées… bref, un « fourre-tout sans priorisation » et d’autant moins praticable qu’il lui manquait un « cadre statutaire et véritablement opérationnel de concertation et d’arbitrage, pour la gestion intégrée de l’environnement ». L’articulation, établie entre le PANE et le CLSP, n’en a pas moins placé le pays au rang de ceux où les questions environnementales figurent en bonne place dans le document-cadre de leur politique économique. C’est un point positif, note le document.

La SNDD, on l’a vu tantôt, envisageait le développement durable dans toute sa globalité et le PANE devait traduire cette vision dans une pluralité d’actions intersectorielles, voire interministérielles. Or, « le cadre de concertations, conçu de manière informelle et non institutionnelle, n’a pas fonctionné » et les dysfonctionnements se sont accumulées, par défaut d’entente entre les acteurs, sur la méthodologie de mise en œuvre, les procédures de suivi, les rôles, les responsabilités, les moyens… Bref, le désordre s’est imposé, et le constat navrant de ce qu’en Mauritanie, « le secteur de l’environnement est dépourvu de vision globale, intégrée et cohérente, fondée sur une approche participative de tous les acteurs concernés ». Autrement dit, la SNDD n’a pas été comprise, parce qu’elle n’a pas été élaborée avec les gens ou, du moins, suffisamment discutée, avant le démarrage du PANE.

Aussi le ministère a-t-il lancé, au niveau national, en 2010, puis régional, l’année suivante, une vaste revue inclusive du secteur, avec mission de baliser nettement le chemin du PANE 2.  Y furent énoncés diverses nécessités : redéfinition de la mission, de l’organisation interne et du positionnement institutionnel du MDEDD, afin de lui permettre d’exercer efficacement son rôle transversal ; resserrement des responsabilités, en limitant le nombre de points focaux ; implantation ferme, au cœur même des mécanismes de concertation, du Conseil National Environnement et Développement (CNED), de son secrétariat permanent, du Conseil Technique Environnement et Développement (CTED) et du Conseil Régional Environnement et Développement (CRED) ; formation accrue des acteurs, notamment de la Société civile, susceptibles d’aider à la mise en œuvre des politiques et des stratégies…

Il s’agissait, également, de faire face à diverses carences débilitantes : absence de système fiable de suivi-évaluation ; manque d’offres de formation ; inadéquation de la répartition des ressources humaines (3) ; qualification et profils inadaptés à la nécessité d’impliquer les populations dans la gestion de leur environnement ; pléthore et éparpillement des textes relatifs au secteur, d’autant plus éprouvants qu’ils se contredisent parfois et ne s’harmonisent que rarement ; et, comme toujours, l’insuffisance des moyens de fonctionnement…

 

Et cinq ans encore plus tard ?

Le PANE 2 a obtenu une enveloppe de plus de vingt-huit milliards d’ouguiyas, pour couvrir ses quatre années d’existence. Son mandat s’est théoriquement achevé, en Avril 2016, tandis que celui de la SNDD devrait l’être en Octobre. On attend, avec une certaine impatience, la publication de leurs résultats concrets, sur le terrain. Ceux du PANE 1 égrenaient un long et désespérant chapelet de dégradations toujours continues, voire accrues : désertification, ressources naturelles, terres arables, faune, flore, terres arables, cadre de vie… Huit milliards pour un tel résultat, c’était, tout de même, cher payé… Si l’on ne s’attend pas à des miracles, avec vingt de plus,  verra-ton, au moins, quelque signe d’inversion de tendances ? Le mot d’ordre, lancé, en 2012, par le MDEDD : « Il faut prendre soin, aimer et protéger l’environnement ! » aura-t-il, au moins, enfin pris racine dans les cœurs mauritaniens ?

Ian Mansour de Grange

Notes

(1) : relooké depuis, en Ministère Délégué (auprès du Premier ministre) chargé de l’Environnement et du Développement Durable (MDEDD).

(2) : PLCD, Projet de Lutte Contre la Désertification ;PMLCD,Projet Multisectoriel de Lutte Contre la Désertification ; PAN-LCD, Programme Alimentaire National – Lutte Contre la Désertification. 

(3) : Le personnel est surconcentré au niveau central : 385 personnes à Nouakchott, pour 95 « théoriquement » affectés en région...