En 2014, voulant couper court à une rumeur, persistante, sur sa volonté de tripatouiller la Constitution, pour briguer un troisième mandat, et alors que les braises de la révolution burkinabée, qui avait chassé Compaoré du pouvoir, étaient encore incandescentes, le président béninois, Yayi Boni, trouva une formule choc : « Plus jamais vous ne verrez mon nom sur un bulletin de vote ! ». La tension baissa subitement. La classe politique savait à présent à quoi s’en tenir, les partenaires étrangers étaient désormais rassurés : l’alternance se passerait sans heurts. Et il en fut ainsi. L’ennemi juré du Président sortant, un homme d’affaires qui avait connu les procès et l’exil, remporta l’élection, haut la main. Le Bénin et ses dirigeants donnaient, ainsi, le bon exemple à une Afrique où l’alternance pacifique au pouvoir n’était l’apanage que de quelques vieilles démocraties. Une Afrique sur laquelle déteint encore l’image, désastreuse, d’un Nkurunziza, d’un Sassou N’guesso, d’un Kabila ou d’un Mugabé qui s’accrochent, désespérément, au pouvoir. Une Afrique où les modifications des Constitutions sont devenues monnaie courante.
A quelque trois ans de la fin de son deuxième – et dernier ? – mandat, notre guide éclairé prendra-t-il le chemin de Yayi Boni ou celui de l’un des quatre larrons ? La question ne devrait normalement pas se poser. La Constitution prévoit deux mandats, au plus. Le titulaire de la charge suprême devrait, normalement, passer la main à l’issue du second. Mais notre génie national a le don d’entretenir le suspense. Pour trancher le débat et dans une dernière tentative de ramener l’opposition à de meilleures sentiments, il n’a pas trouvé mieux que de déclarer – à des journaux étrangers, comme si les Mauritaniens, pourtant premiers concernés, comptaient pour du beurre… – qu’il respecterait le serment juré, à deux reprises, de ne pas « modifier » la Constitution… sans dire clairement qu’il ne se représenterait pas à la future présidentielle. Il y a nuance. On peut respecter son serment de ne pas toucher la Constitution ou, au moins, les articles relatifs à la durée des mandats, et proposer au peuple, par voie référendaire, une nouvelle loi fondamentale, toute emballée, prêt-à-porter pour une dix-de-der ! C‘est ce qui explique, peut-être, son empressement à organiser, à tout prix, un dialogue, même avec n’importe qui, pourvu que ça passe. Il reçoit, à tour de bras, des formations politiques qui lui sont acquises, comme El Wiam et APP, pourtant étiquetés opposition, ainsi que des opposants en rupture de ban et autres minuscules partis qui ne représentent pas grand-chose. Vision exagérément fataliste et injustement persuadée du machiavélisme azizien ? Peut-être ; mais en l’attente d’une déclaration aussi nette et claire qu’un « Plus jamais vous ne verrez mon nom sur un bulletin de vote ! », elle tient, malheureusement, toujours la route…
Ahmed Ould Cheikh