La nomination des généraux dans l’Armée : Une bizarrerie mauritanienne (Quatrième et dernière partie) /Par le colonel (E/R) Oumar Ould Beibacar

2 June, 2016 - 00:22

Le premier mousquetaire

 

Depuis 1986, le chef de l’Etat actuel ne porte pas le corps de la Garde nationale dans son cœur. Cette année-là, il avait côtoyé trois officiers de la Garde parmi les plus brillants, pendant le stage du cours de capitaine à l’Emia d’Atar, qui s’étaient particulièrement distingués au cours de cette formation. Leur succès lui avait infligé un extraordinaire complexe, au point qu’il n’hésitait pas à les traiter publiquement d’officiers des forces supplétives, allusion au statut des gardes cercles, auxiliaires des autorités administratives, ce qui constitue une fierté pour notre corps.

 

Pour lui, les officiers de la Garde ne doivent pas participer au cours de capitaine puisqu’ils ne sont pas des militaires. Lui qui n’aurait pu réussir son brevet de capitaine sans la bienveillance du président du CMSN dont il était l’aide de camp, un métier domestique qu’il avait très bien assimilé. Et quand il avait usurpé le pouvoir, il avait placé deux officiers de l’armée à la tête de cette institution,  privant ainsi les officiers de la Garde plus compétents, du commandement de leur corps.

 

Après avoir mis cette institution républicaine en position de subordination, sous l’autorité de l’armée nationale, il avait refusé d’apprécier à sa juste valeur le sacrifice et le courage de son personnel au cours des opérations de combat. C’est ainsi que l’officier de la Garde, qui avait particulièrement  brillé pendant le raid franco-mauritanien mené le 22 juillet 2010, pour tenter de libérer l’otage français Michel Germaneau, en plein territoire malien  au cours duquel sept membres d'Aqmi ont été tués, et le garde chauffeur, qui aurait sauvé le commandant d’unité à Hassi Sidi en septembre 2010, entre autres, n’ont pas été décorés, alors que tous les autres militaires et gendarmes, sans exception aucune, y compris les déserteurs à l’ennemi, ont  tous été décorés ce 28 novembre 2010.

 

Il s’est toujours opposé à toute promotion des officiers de la Garde nationale pour lesquels il n’a aucun respect. Au moment où il les privait du commandement de leur propre corps, il distribuait les promotions à leurs frères de la Gendarmerie, ayant les même cursus et moins anciens, comme attachés militaires, inspecteur général des forces armées, directeur du BED entres autres. Nos frères de la police nationale subissent le même acharnement de la part du général de brigade commandant le Basep, qui leur interdit aussi la direction de leur institution tout en les privant de toutes promotions externes.

 

Pourtant, les commissaires de police sont les mieux indiqués pour diriger leur propre institution ainsi que pour la direction du  bureau d’études et de documentation, la direction des ports et des aéroports. Les commissaires de police et les officiers supérieurs de la Garde, compte tenu de leurs aptitudes professionnelles et de leur expérience, pourraient rendre de grands services à la République en occupant des fonctions de Walis et hakems des moughataa  dans les régions frontalières exposées aux menaces terroristes et aux trafics transfrontaliers de tous ordres comme les deux  Hodhs et Dakhlet Nouadhibou entre autres. 

 

 

 

Reflexes hors-la-loi

 

La folie des grandeurs avait conduit le chef de l’Etat à détester son grade, son statut

de militaire, ses décorations et son propre nom de famille. En effet, au lendemain du putsch du 6 août 2008 au moment de la confection de sa photo officielle, il avait fait deux objections, la première concerne son grade. Au lieu d’écrire son grade au complet : général de brigade au bas de la photo. Il avait ordonné au protocole d’écrire seulement  Général Mohamed O. Abdelaziz, (voir photo 1).  Parce qu’il considère qu’il n’y a qu’un seul vrai général en Mauritanie et il est bien connu. Comme en France lorsqu’on dit le général, on sait qu’il s’agit du général de Gaulle.

La deuxième objection concerne la photo elle-même, il avait exigé l’utilisation de son portrait en tenue civile, parce qu’il considère qu’il n’est plus militaire, et qu’il est devenu non seulement le chef de tous les militaires, mais aussi le de chef de tous les civils. Le HCE, pour lui, c’était une étape qui sera vite dépassée.  Habituellement la photo officielle du chef du comité militaire est prise dans sa tenue militaire.

 

Le général de bataillon déteste aussi le port de ses propres décorations (photo 2) quand il était chef d’état-major particulier du président de la république, bien qu’étant commandeur dans l’ordre du mérite national, il refusait de porter ses décorations, parce qu’ils existent sur terre des citoyens mauritaniens promus à la dignité de grand officier ou de grand cordon, donc plus gradés que lui. Même quand il était président du HCE, (voir photo N°3) il évitait de porter ses distinctions pour ne pas apparaitre comme un général parmi tant d’autres.

Le premier mousquetaire ne porte pas non plus dans son cœur, son propre nom de famille pour sa ressemblance, parait-il,  avec un nom de famille de griots, communauté qu’il déteste profondément. Son prénom est Mohamed, le prénom de son père est Abdelaziz, son nom de famille est ELEYA. Il doit donc porter sur sa carte d’identité comme tous les citoyens, un nom composé de son prénom, du prénom de son père et de son nom de famille. Ce qui doit correspondre à Mohamed Abdelaziz ELEYA. Sur son passeport il doit s’appeler : ELEYA Mohamed. Soit couramment Mohamed ELEYA, ce qui n’est pas loin du fameux nom de Mohamed Alioune dont avait parlé le site taqadoumy.com.

 

Son père porte sur sa carte d’identité le nom de : Abdelaziz Ahmed ELEYA. Alors que lui il porte sur sa carte d’identité le nom de Mohamed Abdelaziz OULD ABDELAZIZ. Il suffit de consulter la dernière liste électorale bureau N°25 direction des domaines, le 67ème  sur la liste, portant le numéro 12636 pour s’en convaincre. Sur son passeport, il porte le nom de OULD ABDELAZIZ Mohamed soit couramment Mohamed OULD ABDELAZIZ. Il s’est ainsi approprié exclusivement, l’identifiant OULD, dénominateur commun à tous les maures blancs et noirs.

 

Privant ainsi tous les maures de Mauritanie de cet identifiant qui était le seul paramètre qui faisait la différence entre les bidhane et les autres arabo-berbères, créant beaucoup de difficultés à nos ressortissants à l’étranger qui ne pouvaient pas du jour au lendemain changer leur identité aussi facilement. Il est donc le seul bidhani enrôlé qui porte l’identifiant OULD, allez savoir pourquoi.

 

Ainsi il viole les termes de la loi sur l’état-civil qu’il avait lui-même créé on ne sait pour quelles raisons. En termes juridiques cela s’appelle : faux et usage du faux, délit prévu et puni par l’article 150 de l’ordonnance N°83-162 du 9 juillet 1983 portant institution d’un code pénal.

 

Usurpation de décorations.

 

En distribuant les distinctions et les médailles gracieusement, comme des écussons individuels, en violation flagrante de la loi 61182 du 2 novembre 1961, les conspirateurs ont dévalorisé la récompense et le mérite national. En effet, quand Ils avaient  constaté que certains généraux de brigade nouvellement promus, n’avaient obtenu aucune distinction, pendant plus de 30 ans de bons et loyaux services - ce qui démontre qu’ils n’étaient pas les plus méritants - et pour sauver les apparences, les surdoués du HCE ont décidé de donner à tout général de brigade, le droit d’arborer d’office dés sa nomination, la majeure partie des médailles de la République.  A savoir  trois distinctions sur cinq dans l’ordre du mérite national, soit les grades de : Chevalier, Officier et  Commandeur, ainsi que l’ordre de la médaille de la reconnaissance nationale, en plus de la série de médailles d’honneur attribuées normalement au personnel subalterne, pour donner à ces généraux l’image de véritables héros nationaux.

 

Ils n’ont même pas pris la peine d’abroger la loi, puisque le HCE n’avait pas de pouvoir législatif. Si le HCE avait procédé à cette sournoiserie par décret présidentiel, celui-ci est nul et non avenu, puisque contraire à  la loi. S’il avait exécuté cette fourberie par ordre verbal, c’est une offense à la République et au peuple.  La loi 61 182 du 2-11-61 stipule dans son article 2 :   « Le mérite national est la distinction honorifique la plus élevée de l’Etat. Il est destiné à récompenser les services éminents rendus à la nation. ».

 

Elle stipule dans son article 11 : « Pour être admis dans l’ordre, il faut avoir exercé pendant 15 ans avec distinction des fonctions publiques, civiles ou militaires, ou bien justifier de 15 ans de pratique professionnelle dans le secteur privé, être âgé de 35 ans au moins au 1er janvier de l’année de proposition. ». Elle stipule dans son article 12 : « Nul ne peut être admis dans l’ordre du mérite national qu’avec le premier grade de chevalier. Nul ne peut être promu au grade d’officier s’il n’a passé au moins 5 ans dans le grade de chevalier. Nul ne peut être admis dans le grade de commandeur s’il n’a été 4 ans officier, à la dignité de grand officier s’il n’a été 3 ans commandeur, à la dignité de grand cordon s’il n’a été 3 ans grand officier… »

 

La durée minimale de 9 ans, prévue par la loi entre le grade de chevalier et celui de commandeur a été réduite à quelques minutes par décision du HCE au mépris des textes en vigueur. Cette loi stipule enfin dans son article 13 : « Il peut être dérogé aux conditions fixées par les articles précédents pour l’admission ou l’avancement, pour récompenser des actes d’héroïsme, des actes d’éclats et des blessures graves, des services extraordinaires rendus au pays. Les propositions sont formulées par les ministres qui doivent préciser dans un rapport spécial les titres ou faits exceptionnels justifiant l’octroi de la décoration. Ces nominations ou promotions ne pourront être prononcées qu’après l’agrément du conseil de l’ordre. ». Lequel n’aurait jamais été mis en œuvre depuis l’avènement des militaires.

 

L’administration de l’ordre est fixée par l’article 30 qui stipule : « Pour l’administration de l’ordre, le président de la République dispose de la chancellerie, et il est assisté du conseil de l’ordre. Le conseil de l’ordre est présidé par le président de la République. Il est composé de trois membres titulaires et de trois membres suppléants nommés pour quatre années par décret. Tout membre titulaire absent ou empêché est remplacé, dans l’ordre des nominations, par un membre suppléant. Les fonctions de membre du conseil de l’ordre sont incompatibles avec celle de membre du gouvernement ou celle de député à l’assemblée nationale.» La nomination au grade de général de brigade n’est pas un acte d’héroïsme ni un coup d’éclat ni un service extraordinaire rendu au pays, jusqu’à preuve du contraire. Même si on la considère comme telle, elle ne peut donner lieu qu’à la promotion à un seul grade de l’ordre.

 

Il ressort de ce qui précède que le port par ces généraux de ces distinctions est illégal, ce qui est prévu et puni par l’article 29 de cette même loi qui stipule : « Le port illégal des insignes de l’ordre national, et l’usurpation de la qualité de membre de l’ordre sont punis d’un emprisonnement de six mois à deux ans, et d’une amende de 36 000 à 500 000 francs »  

 

Port anarchique des distinctions      

                 

Par ailleurs, ces généraux, ne savent même pas comment arborer leurs médailles non méritées. Certains les portent souvent à l’envers comme le chef d’état-major de la garde nationale, (photo N°4). On voit sur sa poche gauche  sept médailles, au sommet de la pyramide, la médaille d’honneur de 3ème classe est la première décoration attribuée aux subalternes, puis une série de trois médailles composée d’une médaille d’honneur de 2ème classe, d’une médaille d’honneur de 1ère classe et de la médaille de reconnaissance nationale, puis au bas de la pyramide une dernière série composée des médailles de chevalier, d’officier et de commandeur de l’ordre du mérite national. Normalement ce général ne doit porter que deux distinctions, puisqu’il avait été nommé par décret aux grades de chevalier et  d’officier de l’ordre du mérite national.

 

Son prédécesseur, le troisième mousquetaire (photo N°5) prise le 25 novembre 2007 le jour de la fête des forces armées, lorsqu’il était adjoint au chef d’état-major national. Il sera décoré pour la première fois, trois jours plus tard le 28 novembre 2007 du grade de chevalier de l’ordre du mérite national, avant d’être nommé chef d’état-major national le 25 décembre 2007. Une année plus tard (photo N°6) nommé chef d’état-major de la Garde, il arborait déjà 7 médailles comme son successeur cité plus haut, alors qu’il ne pouvait légalement prétendre au grade d’officier qu’en novembre 2012 et au grade de commandeur qu’en novembre 2016. Ainsi, six médailles sur sept sont usurpées et portées illégalement, juste pour le décor.

 

Le grand timonier, deuxième mousquetaire porte le plus grand nombre de médailles, puisqu’il s’est emparé des 6 médailles des deux ordres de la République, l’ordre du mérite national 5, et l’ordre de la reconnaissance nationale 1, en plus des 3 médailles d’honneur habituellement réservées au personnel subalterne sous-officiers et hommes de troupe. Comme si l’habit faisait le moine…

 

D’autres les portent n’importe comment, rares sont ceux qui se conforment à l’instruction ministérielle qui précise clairement la hiérarchie de ces distinctions. Et qui stipule que  « les décorations, à l’exception de celles qui se portent régulièrement en sautoir, sont fixées sur le côté gauche de la poitrine, dans l’ordre suivant allant du milieu de corps vers l’extérieur : Mérite National, Médaille de la Reconnaissance Nationale, Citations, Médaille d’honneur, Décorations étrangères (portées à la suite et à gauche des décorations mauritaniennes et sans ordre imposé) ».

 

Il suffit de voir les sites de l’Armée ou de la Gendarmerie ou de jeter un coup sur la tenue d’un officier flic arborant ses médailles bien méritées, un 28 novembre, pour constater le niveau de l’anarchie dans le port de ces valeureuses distinctions.

 

Complaisance et improvisation dans le choix des récipiendaires

 

En 1994, en mission  avec le chef d’état-major de la Garde nationale, invité par la coopération française à Paris, au cours d’une visite de l’école d’état-major, j’ai été interpellé en aparté par un capitaine français, mon promotionnaire au cours d’état-major, qui faisait partie du staff du général directeur de l’école, qui m’a dit : « Mon capitaine, ton chef doit être une vraie nullité ! »

 

Je lui ai demandé pourquoi ? Il m’a répondu : « Parce qu’il est lieutenant-colonel chef d’état-major et qu’il n’a jamais été décoré alors que toi tu es un petit capitaine et tu es déjà chevalier de l’ordre du mérite national, à ta place j’aurais gardé ma médaille dans ma poche. » J’étais véritablement indisposé par les propos de ce promotionnaire.

 

En effet, nos chefs par pudeur ou par timidité, ne portent jamais leurs noms dans le mémoire de proposition, laissant toujours l’initiative au président de la République de faire le nécessaire, c’est pourquoi ils sont rarement décorés. On voit souvent des officiers mieux décorés que leur chef de corps, une véritable absurdité. Quant aux propositions que font les chefs de corps, pour les décorations du personnel  le jour de l’indépendance, elles répondent rarement aux critères objectifs d’usage et sont le plus souvent improvisées.

 

Le vendredi 27 novembre 1992, j’avais déjeuné avec le chef de corps à son domicile, nous étions seuls dans son salon quand le téléphone fixe sonna, au bout du fil il y avait le colonel Diallo Mohamed, directeur du cabinet militaire, il demanda au commandant de la Garde, sur instructions du chef de l’Etat, de lui proposer les noms de deux officiers qui seront promus au grade de chevalier de l’ordre du mérite national et décorés le lendemain pendant la cérémonie de la levée des couleurs à la présidence.

 

Dés qu’il avait déposé le téléphone, et sous le signe de l’urgence, le chef d’état-major s’adressa à moi pour me dire : « Je te désigne pour être décoré demain au grade de chevalier de l’ordre du mérite national et je te demande de me proposer rapidement l’un de tes promotionnaires pour être décoré avec toi. » Sans hésitations je lui avais proposé celui qui me suivait directement, le capitaine Mesgharou O. Sidi, l’un des meilleurs officiers de la Garde nationale. Il reprit aussitôt le téléphone et annonça nos deux noms au directeur de cabinet.

 

Je me suis alors trouvé dans l’obligation d’aller immédiatement à l’état-major pour préparer les tenues indispensables pour cette cérémonie, et informer par radio mon binôme qui commandait le groupement d’Aleg. Vers 22h, ce dernier rentra à Nouakchott et le lendemain, après la levée des couleurs, nous étions tous les deux décorés publiquement à la présidence, par le chef de l’Etat.

 

En 2014,  après avoir consulté la loi  61 182 du 2-11-61 citée plus haut,  j’avais constaté qu’en novembre 1992, on ne remplissait pas les conditions d’âge et d’ancienneté requises pour prétendre au grade de chevalier de l’ordre du mérite national. Quinze ans après, le 28 novembre 2007  nous avons été promus tous les deux, au grade d’officier de l’ordre du mérite national.  Jusqu’à la fin de  ma carrière, je n’ai jamais compris quels sont les services éminents que j’ai rendus à la nation pour prétendre à ces deux distinctions.