Dés son intronisation, ce binôme hors-la-loi avait commencé à placer ses pions en vue de s’éterniser au pouvoir, en tribalisant le commandement des forces armées avec la priorité aux amis et parents et aux promotionnaires parmi les officiers béni oui-oui. Depuis lors, les conditions d’avancement sont laissées à l’appréciation du général de brigade commandant du BASEP. Depuis lors, c’est l’injustice qui a été érigée en système de commandement. Tantôt c’est le deuxième mousquetaire qui s’occupe d’un ami ou d’un promotionnaire en détresse pour lui permettre de profiter d’une retraite dorée en attendant des jours meilleurs.
Tantôt, c’est la première dame qui fait le forcing pour venir en aide à un proche. Tantôt, c’est un élu ou un grand notable qui vient demander la nomination d’un général au profit de sa tribu démunie, puisque ce grade est devenu un porte-bonheur pour la communauté. Tantôt, c’est un charlatan, tantôt un poète, tantôt une star, tantôt une voyante. Tantôt, c’est la communauté toucouleur qu’il faut satisfaire, tantôt c’est celle des harratines, tantôt celle des forgerons. Tous les moyens sont bons. Au mépris des lois de la République et de ses valeurs.
Au 31 décembre de cette année, nous aurons atteint le nombre de trente généraux triés sur le volet, répartis ainsi qu’il suit : Hodh El gharbi 06 : Aioun 03, Tintane 02, Tamchekett 01. Trarza 05: Boutilimit 03, Rkiz 01, Mederdra 01. Adrar 04 : Atar 04. Brakna 04 : Aleg 01, Boghé 03. Inchiri 04 : Akjoujt 04. Tagant 03 : Tidjikja 01, Moudjéria 02. Assaba 02 : Boumdeid 01, Kiffa 01. Hodh Echarghi 02 : Néma 01, Bassiknou 01. Ce qui correspond à 24 généraux, dont 3 divisionnaires et 21 brigadiers pour l’armée nationale dont l’effectif ne dépasse pas 25. 000 hommes alors qu’il faut un effectif de 200. 000 hommes en moyenne pour caser cette vingtaine de généraux.
La gendarmerie, qui est légalement une partie intégrante de l’armée nationale au même titre que l’armée de terre, l’armée de l’air et la marine et dont l’effectif ne dépasse pas 4000 hommes, dispose déjà de 5 généraux dont un divisionnaire et quatre brigadiers, ce qui implique un effectif de 70. 000 hommes en moyenne. La Garde nationale, parent pauvre des forces armées, ne dispose que d’un seul général de brigade pour un effectif qui ne dépasse pas 4000 hommes, alors qu’il faut 10. 000 hommes pour qu’elle puisse prétendre à ce grade.
Le tiers de ces généraux sont des réservistes c'est-à-dire qu’à leur recrutement, ils avaient un niveau scolaire Bac- 3 et Bac-5. Certains ont fait toute leur carrière, du grade de lieutenant au grade de général, dans le même bureau. Aucun de ces trente généraux ne s’est particulièrement distingué dans une action quelconque d’envergure, technique, tactique ou stratégique. Très rares sont ceux parmi eux qui peuvent publiquement analyser une situation géopolitique ou géostratégique quelconque ou parler de planification ou de conduite des opérations.
Les plus en vue sont spécialisés dans la stratégie du complot. Celle qui consiste à prendre le pouvoir par la force, lorsque le chef de l’Etat militaire déchu, est absent du territoire national, ou de trahir le chef de l’Etat civil, qu’ils ont pour mission de défendre et de sécuriser, en spoliant son pouvoir, bafouant ainsi la souveraineté du peuple. En Tunisie, où les forces armées et de sécurité sont véritablement républicaines, le nombre des généraux ne dépasse pas 4, pour un effectif de plus 90. 000 hommes.
Des grades dévalués.
En réalité, nos généraux sont dévalorisés de fait, le chef d’état-major de la Garde est en réalité un général de régiment, sur les 24 généraux de l’armée, seuls deux parmi eux peuvent prétendre au grade de général de brigade, les 22 autres sont des généraux de régiment, ou de bataillon, quant aux 5 généraux de la gendarmerie, seul l’un d’eux peut prétendre au grade de général de régiment, les quatre autres sont des généraux de bataillon ou de compagnie. C’est ce qu’on appelle la banalisation pour ne pas dire la politisation du grade de général.
Et pour se ridiculiser un peu plus, on a décidé depuis 2014, chaque fois qu’on avait oublié de promouvoir un colonel, proche parmi les proches, atteint par la limite d’âge, de lui accorder une prolongation de la durée de service de deux ans, à la dernière minute, uniquement pour le nommer au grade de général de brigade. Il n’est pas exclu de distribuer des promotions à titre posthume, car il n’est jamais trop tard.
En 2016, une autre innovation, cette fois-ci pour le grade de général de division, qui était destiné exclusivement au 2ème mousquetaire, les textes ne prévoyant pas de prolongation de la durée des services pour les généraux, on a décidé de nommer les généraux de brigade les plus chanceux, au grade de général de division. Adieu la compétence. Adieu la nécessité de service. Adieu la méritocratie. Adieu la République.
Le 31ème général, le 7ème du Hodh Elgharbi avait été porté sur le tableau d’avancement au titre de l’année 2013 pour être nommé le 1er octobre. Il occupait la fonction de Wali du Tiris Zemour. A une semaine de sa nomination, il avait été rayé d’office du tableau d’avancement, sur instruction verbale du général de brigade commandant du Basep, suite à un coup de colère, consécutivement à la grève des travailleurs de la SNIM à Zouerate, suivant une procédure irrégulière.
En effet, la radiation du tableau d’avancement étant une sanction de second degré, elle ne peut résulter qu’après avis du conseil de discipline, entériné par le ministre de la Défense nationale, conformément à l’article 32 du décret 73 111 portant règlement de discipline générale dans les forces armées. Or, le 1er mousquetaire, qui n’a aucun respect pour les procédures réglementaires, avait agi, comme d’habitude, en dehors des règles du droit. Le 2ème mousquetaire, ne pouvant le contrarier, avait établi un message radiant l’intéressé du tableau d’avancement et l’affaire a été ainsi classée.
Ce colonel, est le seul parmi les douze membres du HCE à être privé de son grade de général, il peut donc toujours espérer être rétabli dans ses droits, et doit nécessairement saisir sans délais, le tribunal administratif en attendant l’avènement de l’Etat de droit. Le Hodh Elgharbi dispose de deux autres généraux, 8ème et 9ème, qui n’appartiennent pas à la grande muette. Le premier est un vieux d’Ehl Taleb Ahmed, que j’ai connu en 1984 à Aioun Elatrouss et qui se faisait appeler Général Moulana.
Le second est un peulh nommé Wane Housseinou qui n’a rien à envier aux autres généraux des forces armées, et qui s’occupe bénévolement et correctement de la circulation routière dans la capitale régionale. Il peut bien prétendre à être nommé un jour, directeur général du GSSR et pourquoi pas à être promu au grade de général de division pour le grand bonheur des aiounois et des toucouleurs. Rien ne l’empêche, il suffit que le général de brigade commandant du Basep le décide.
L’Imposture.
A l’issue de leur limite d’âge fixée à 60 ans pour les brigadiers et à 62 ans pour les divisionnaires, les généraux restent pendant cinq ans en position de réserve, période intermédiaire entre l’activité et la retraite, position pendant laquelle ils gardent la quasi-totalité de leurs avantages matériels, salaire, domestique, véhicule, domicile, sécurité rapprochée, avec possibilité de faire légalement enfin, la politique, une véritable aubaine. Au lieu d’en profiter pour jouer des rôles compatibles avec leur vocation, comme acteurs, observateurs ou conseillers dans des organisations internationales ou régionales dans le cadre du maintien de la paix ou de la lutte contre le terrorisme ou d’autres menaces en rapport avec leurs propres expériences. Ou écrire des livres sur des thèmes géopolitiques ou géostratégiques locaux, régionaux ou internationaux. Ou donner des cours académiques dans les écoles de l’enseignement militaire supérieur ou dans les universités nationales ou régionales sur d’autres thèmes plus généraux.
Nos braves généraux, habitués aux privilèges du pouvoir usurpé et n’ayant assimilé du niveau stratégique, que la stratégie du profit enseignée dans les écoles sécrètes des comités et conseils militaires, ont inventé une nouvelle situation qui leur permettra de garder intacte leur influence dans les domaines politiques, économiques et sociaux et de consolider le pouvoir militaire, en créant des réseaux parallèles de renseignements généraux.
C’est ainsi qu’ils sont en train de s’emparer des postes juteux des présidents des fédérations. Le troisième mousquetaire aurait été destiné pour la présidence de la fédération des boulangers et des pâtissiers, le général « IDI Amin DADA » serait pressenti pour diriger la fédération des agriculteurs à la fin de cette année, un autre se prépare pour présider le patronat. Un autre, la fédération des ONG et des avocats.
Un autre se prépare pour la présidence de la fédération des gynécologues et des sages-femmes, un autre pour la fédération des ports et aéroports. Le premier mousquetaire se réserve sans doute la fédération des transports routiers, maritimes, aériens et de l’espace, un autre celle des bijoutiers et des armuriers, un autre la fédération de tous les syndicats, de la société civile et des droits de l’homme. Un autre celle des artistes et des poètes, un autre celle des femmes et des jeunes. Un autre celle de l’enseignement et de la santé publique. Un autre celle de la culture et des sports, un autre celle de la pêche et de la marine marchande. Un autre celle des mines et des industries, un autre celle des hôteliers et des restaurateurs. Un autre celle des journalistes, des professeurs d’université, et des étudiants. Un autre celle des imams, des charlatans, et des magistrats. Un autre celle des peshmergas et des troubadours, un autre celle des chômeurs, vendeurs de journaux, des cartes de crédit et des cure-dents, un autre celle des vendeurs du méchoui, de beignets, du bissap et du niébé.
Un autre celle des coiffeurs et des blanchisseurs, un autre celle des charretiers et des vendeuses de couscous. Un autre la fédération des bouchers et des courtiers. Un autre celle des mécaniciens, électriciens auto, tôliers et Michelins, un autre celle des maçons, des ferrailleurs et des plombiers. Un autre la fédération des tailleurs et des teinturières. Ainsi de suite jusqu’à ce que tous les généraux soient servis.
Cette imposture est inacceptable et porte un sérieux préjudice au moral des officiers. Elle constitue un véritable hold-up de l’économie nationale. Tous les généraux qui accepteraient de jouer ces rôles incompatibles avec leur vocation, seront considérés comme des généraux de pacotille et en répondront devant l’histoire.
D’autres généraux, plus intelligents auraient préconisé au chef de l’Etat, pour une meilleure conduite du pays, car il ne faut jamais avoir confiance aux civils, de nommer des généraux à la SNIM, à la BCM, à la SNDE, à la SOMELEC, au CSA, à l’agence TADAMOUN, à l’ENER, l’ATTM entre autres, pour mieux verrouiller le pouvoir et le garder à vie.
( A suivre)