Depuis quelques semaines, tout le pays est pris d’une fièvre subite. La cause : quelques pépites d’or découvertes dans la vaste région désertique environnant Tasiast. Depuis, c’est la folie. Les machines détectrices de métaux, dont personne ne voulait, s’arrachent à prix… d’or. Les voitures se louent à des prix tout aussi impossibles et leur cote, sur le marché de l’automobile, atteint des records. Tentes, fûts, jerrycans, pelles ; bref, le moindre matériel logistique ; se monnayent au prix fort. Des centaines de 4x4, bourrés de bagages, font cap vers le Nord. Un peu comme les diligences à la conquête du Far-West américain, lors de la célèbre ruée vers l’or, au 19ème siècle ; «Peaux rouges », saloons et shérifs en moins. Abandonnant familles, boutiques, champs, emplois, des milliers de gens investissent tout ce qu’ils ont (et, très souvent, ce qu’ils n’ont pas, en contractant des dettes), achètent détecteurs, louent voitures, les équipent et se lancent à l'aventure. La frénésie a atteint un tel degré que l’Etat, dont les fins de mois sont de plus en plus difficiles, a décidé de profiter, à son tour, de la manne. Pour obtenir l’autorisation du ministère des Mines à explorer la zone, il faut désormais débourser pas moins de 100.000 UM, auxquelles il en faudra ajouter 300 000, pour dédouaner le fameux détecteur. Plus de six milliards d’ouguiyas ont ainsi pris le chemin du Trésor public. Un pactole qui tombe à pic. Il n’y a pas de petit profit, dit-on. Mais comment vont réagir les sociétés exploitantes qui n’ont pas payé, à prix… de plume, leur droit de piller les richesses de notre sous-sol ? A cet égard, un peu d’ordre ne serait pas vain. Par exemple, en instaurant, dans notre cadre légal minier, un régime de « mine artisanale» et en délimitant précisément des zones à tel exercice. Avec l'objectif d'intégrer, ainsi que s’y emploient d’autres pays africains, l'exploitation artisanale minière dans la panoplie des politiques publiques de développement et de lutte contre la pauvreté, avec outils d'appui conséquents : matériel technique, formations, financements, etc.
Dans la zone, c’est le branle-bas, a contrario, du plus anarchique combat possible. Sous une chaleur d’enfer, le jour, et un vent chaud soufflant sans répit, la nuit, les apprentis orpailleurs fouillent, tête enfouie sous le turban, le moindre espace, guettant le moindre bruit annonciateur du précieux métal. Dans un spectacle surréaliste, les voilà à bêcher, creuser, déterrer, ne laissant « nulle place où la main ne passe et repasse », comme dans la célèbre fable de La Fontaine. Le terrain, jadis inviolé, n’est plus que ravins, trous et monticules. Pour quel résultat ? Quelques pépites, ramassées, ça et là, par quelques «veinards »et qui ne leur permettront même pas de « rentrer dans leurs fonds ». Les autres, la grande majorité, retourneront at home, au bout de deux à trois semaines, abattus et ruinés. Convaincus d’avoir été bel et bien floués, aussi bien par ceux qui leur ont vendu du rêve que par l’Etat qui s’est fait de l’argent, sur leur dos, à moindre frais, ils n’auront plus que leurs yeux pour pleurer. Le retour sur terre (sans or, celle-là) ne sera pas de tout repos. Tant pour eux que pour le pouvoir qui a surfé sur la vague. Que deviendront-ils, ces déçus de l’or ? Se laisseront-ils gagner par le découragement ? Ou requinqués par quelque nouveau mirage? Des diamants, du cobalt ou du manganèse, ici ou là, sinon, plus loin, ailleurs, quelque part ? Un troisième mandat présidentiel en guise de Providence ? Ah, les lendemains qui chantent… mais tout ce qui brille n’est pas d’or. Ce n’est pas de détecteur de métaux dont tous ces gens devraient s’équiper mais, bien plutôt et avec plus de fièvre encore, de détecteurs de mensonges…
Ahmed Ould cheikh