Washington, la capitale fédérale américaine, célèbre par son Potomac, la Maison Blanche et bien d’autres édifices tout aussi symboles de la puissance US, décorés avec un goût particulier, donnant, à la cité, l’image d’une des plus soignées du Monde, a accueilli, du 13 au 17 Avril derniers, les assises des Assemblées générales de printemps du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale (BM).
Un gigantesque rendez-vous de la crème financière et économique de la planète, réunissant ministres des Finances, de l’Economie et du Développement, gouverneurs des Banques centrales et autres décideurs, pour discuter de la situation de la planète, dans le cadre d’un grand show. Un exercice dont l’objectif reste, depuis des années, le même : « trouver des solutions globales aux défis globaux ». L’édition 2016 intervenait dans un contexte affichant des perspectives « moroses » de croissance, pour tous les continents, à l’image d’une Afrique où bien peu d’Etats devraient résister à la spirale de difficultés engendrée par la faible hausse, voire la stagnation du Produit Intérieur Brut (PIB).
Les AG des sœurs jumelles de Bretton Woods ont dû se coltiner une invitée-surprise, pas vraiment agréable : l’affaire des « Panama Papers », nébuleuse aux tentacules démesurées, embrassant le « légal » et l’illégal, jusqu’au crime financier le plus crapuleux. Un enchevêtrement inextricable, charriant l’évasion face à l’impôt, la fraude fiscale pure et simple et les modes les plus sophistiqués de blanchiment d’argent, à l’abri des regards « indiscrets ». On a beau dire et répéter que l’argent n’a pas d’odeur, il faut vraiment avoir le cœur solide, pour aller, en ce sordide, sans se boucher le nez…
Essoufflement de l’économie en Afrique
Plombée, « trop longtemps, par une croissance trop lente », l’économie de toutes les régions du monde s’est retrouvée comme essoufflée, obligeant à une révision à la baisse des projections et des perspectives. Une réalité parfaitement illustrée par les chiffres de la région Afrique subsaharienne. Les perspectives de croissance de cette partie du monde passent de « 3,5% à seulement 3% », selon la présentation faite, le vendredi 15 Avril, par madame Antoinette Sayeh, responsable au sein du département chargée de ladite région.
A l’origine de cette déliquescence, significative d’une anémie encore plus prononcée de la croissance, « la chute des cours internationaux du pétrole et des autres matières de base, qui ont eu des répercussions négatives sur les Etats-locomotives des économies africaines, comme le Nigeria et l’Afrique du Sud ». Et de citer, également, le problème de la sécheresse qui touche plusieurs pays d’Afrique australe et de l’Est : Malawi, Zimbabwe, Ethiopie… ; l’instabilité politique dans plusieurs pays et l’insécurité née du terrorisme, dans l’espace sahélo-saharien. « De manière générale », a ajouté madame Sayeh, « tous les pays africains exportateurs de matières premières hors pétrole ressentent les mêmes difficultés ». Echappant à ce terne tableau terne, un petit cercle de pays devrait afficher, au cours de l’année 2016, une croissance robuste, supérieure à 6%. Il s’agit de la Tanzanie, du Rwanda, de la Côte d’Ivoire et du Sénégal, voire du Burkina Faso. Non-exportateurs de pétrole, ces Etats vont essentiellement profiter d’investissements étrangers dans de grands travaux d’infrastructures.
Du fait de la plongée, vertigineuse, du cours du pétrole dont le baril a perdu 65% de son prix, lors des derniers dix-huit mois, les prévisions sont également en baisse, pour la région Moyen-Orient Asie. Classée étrangement dans ce groupe, la Mauritanie devrait cependant atteindre un taux de croissance de PIB estimé à 4%, selon les chiffres du FMI. Une remontée attendue de l’investissement dans les infrastructures et d’une hausse de 4 millions de tonnes de la production de minerai de fer, grâce la mise en service du projet « GUELB II », par la Société Nationale Industrielle et Minière (SNIM).
Pour une action sur trois leviers
Dans le contexte d’une économie mondiale dont tous les signaux marquent un ralentissement, le FMI préconise un certain nombre de mesures. Dès la séance inaugurale, madame Christine Lagarde, qui débutait un nouveau mandat de quatre ans, a balisé le chemin pour éviter « des risques majeurs au niveau financier, géopolitique ou liées à des dissensions d’ordre politique ». Les Etats doivent « combiner mesures budgétaires, monétaires et réformes structurelles » pour relever le défi. Dans cette perspective, l’addition de ressources internes, grâce au fisc, prend une importance particulière. Dans le cas des économies africaines, l’équation reste notamment la transformation et la diversification, pour se donner de nouvelles perspectives et écarter la menace, constante, de la détérioration des termes de l’échange.
Bienvenue au cabinet Fonseca
Quelques jours avant la tenue des assises de printemps, le monde très select de la finance internationale et de la politique a assisté à l’éclatement d’une bulle dont l’ampleur des effets ne devrait livrer tous ses secrets avant plusieurs années. Il s’agit de la fuite de 11,5 millions de documents, du cabinet d’avocats panaméen « Mossack Fonseca ». Une caverne d’Ali Baba réunissant des informations sur 214.000 sociétés offshore, avec les noms des actionnaires. Des hommes et des femmes fortunés, usant de mille et un artifices, pour échapper au fisc, par des actions combinant tous les subterfuges possibles et inimaginables, « légaux » et illégaux, via la fondation et l’administration de sociétés-écrans et autres entreprises-boîtes-postales.
« Au plan juridique, nous voulons que ces pratiques soient traitées au même titre que les Flux Financiers Illicites (FFI). Car, la transparence et la bonne gouvernance sont des exigences liées à l’avenir du Monde et au développement harmonieux pour tous », déclarait le président de la BM, Jim Young Kim. Ce plaidoyer limpide renvoie à la nécessité, absolue, de récupérer les capitaux planqués dans les paradis fiscaux, pour développer un continent africain dont l’indigence en infrastructures sanitaires, scolaires, routières, etc., reste encore, faible adjectif, « préoccupante ». Trouver des ressources internes, pour des financements innovants en Afrique, passe, forcément, par la mise en place de mécanismes fiscaux performants qui ne laissent plus de place à l’évasion.
Amadou Seck,
Envoyé spécial à Washington