RFI- Près de 1000 morts selon le dernier bilan : l'épidémie d'Ebola qui touche actuellement quatre pays d'Afrique de l'Ouest est « la plus importante et la plus sévère » en 40 ans, estime la directrice de l'Organisation mondiale de la santé. Une maladie contre laquelle il n'existe pas de traitement efficace, ni de vaccin. Mais cette épidémie pourrait accélérer la recherche. Des essais cliniques pour un nouveau vaccin devraient débuter dès le mois prochain.
Jean-Marie Okwo Bélé est le directeur du département des vaccins et immunisation de l'OMS.
RFI : Où en est-on d’un vaccin contre Ebola ?
Jean-Marie Okwo Bélé : Nous avons marqué quelques avancées dans le sens que nous sommes au courant que le vaccin le plus avancé en termes de développement, c’est un vaccin qui a été mis au point par la firme anglaise GSK [GlaxoSmithKline]. Le vaccin a déjà été testé chez les animaux avec des résultats excellents. Nous pensons que bientôt nous allons former un consortium avec des collègues qui travaillent au National Institute of Health aux Etats-Unis, et peut-être d’autres en Angleterre, d’autres agences qui s’intéressent au développement des vaccins. Et avec GSK, [nous allons] essayer d’entamer la phase d’essais cliniques.
Dans une perspective proche ?
Nous pensons que cela peut se réaliser dans les deux, trois mois. On cible le mois de septembre pour commencer ces essais cliniques, d’abord aux Etats-Unis et certainement dans un pays africain parce que c’est là où nous avons les cas. Il va falloir effectivement déterminer que les vaccins n’entraînent pas d’effets nocifs, que la réponse immunitaire est excellente et il va falloir déterminer les dosages. C’est un peu cela qui constitue la phase 1 des essais cliniques du vaccin.
Quand on parle de vaccin, est-ce qu’on parle d’un traitement préventif ou d’un traitement curatif ?
Là, il s’agit d’un traitement préventif. Il s’agit de prévenir l’infection, d’entraîner la maladie.
Donc les personnes qui pourront en bénéficier sont des personnes qui sont actuellement en bonne santé, mais qui se trouveraient dans des pays où le virus existe…
C’est cela qui est envisagé avec ce vaccin parce que dans les essais cliniques, effectivement, il va falloir démontrer quel est l’effet protecteur, véritablement, de ces vaccins.
La perspective de commercialisation d’un tel vaccin, quelle est-elle ?
Nous pensons que, si on commence au mois de septembre, vers la fin de l’année, on peut avoir déjà des résultats et on peut passer à la phase 2. Et peut-être comme il s’agit d’urgence ici, on peut mettre en place des processus d’urgence […] pour que, dans le courant de l’année 2015, on puisse disposer d’un vaccin qu’on peut utiliser. Encore une fois, tout dépendra de ce qu’on a comme résultats au cours des essais dont je viens de parler.
Vous parliez d’urgence, est-ce que la situation sanitaire que connaissent un certain nombre de pays d’Afrique de l’Ouest a un petit peu précipité les choses concernant la recherche sur un vaccin contre Ebola ?
Bien entendu, les chercheurs ont toujours eu à l’esprit le développement des vaccins contre Ebola, comme les vaccins pour d’autres maladies. Le vaccin contre le virus Ebola de GSK n’est qu’un des candidats dont on est au courant. Il y en a quatre ou cinq autres qui ne sont pas au stade où on peut commencer maintenant les essais cliniques. Mais nous avons maintenant une urgence, il faut donc accélérer le progrès dans le cas de développement de ces vaccins, tout comme le progrès bien entendu sur le terrain pour essayer de limiter la propagation de la maladie. Et c’est donc l’objet de ce qui a été discuté à Genève les deux derniers jours.
Quatre ou cinq vaccins qui seraient à l’étude actuellement, il y a également ce sérum dont ont bénéficié deux ressortissants américains contaminés par Ebola. On le voit, il y a pas mal de traitements à l’étude. Est-ce qu’on peut imaginer que d’autres essais cliniques soient menés in situ, grandeur nature, dans les prochaines semaines, dans les prochains mois ?
Ce n’est pas à exclure effectivement. En tout cas, on va voir qu’il y aura de plus en plus d’innovations dans ce domaine parce que la maladie est effrayante et elle est très dangereuse.
Vous le dites, il y a ce médicament qui a été mis au point aux Etats-Unis, le ZMapp, qui a été utilisé de manière précipitée mais qui semble donner des résultats. Nous sommes au courant qu’il n’y a pas assez de ce produit pour que ça soit utilisé sur le terrain, là où on a l’épidémie malheureusement. Mais encore une fois, ça peut s’accélérer dans les semaines à venir. On pense aussi à utiliser du sérum de convalescence, il y des antiviraux qui sont à l’essai. Donc on voit que le monde se mobilise pour trouver des solutions afin de freiner la propagation de cette épidémie.
Il y a des questions médicales ici, mais il y a également des questions d’éthique. L’OMS réunit, en début de semaine prochaine, un certain nombre de professionnels de l’éthique pour déterminer quel comportement avoir à l’égard de traitements qui sont actuellement à l’essai. Est-ce qu’on peut imaginer qu’un certain nombre de traitements soient étendus avant même qu’on ait une certitude qu’ils sont véritablement efficaces ?
Oui. Encore une fois, c’est dans des cas exceptionnels. On peut sauter quelques étapes dans le développement du produit qu’on utilise pour le traitement des maladies, mais cela ne peut se faire que si on a quelques assurances sur le plan de l’innocuité de ces produits. On ne va pas administrer les produits qui vont par exemple empirer la situation. Mais comme vous l’avez vu aux Etats-Unis, ce qui a été utilisé de manière précipitée a pu donner de bons résultats. Donc l’OMS va continuer à travailler avec les différents chercheurs, mais aussi avec ce comité d’éthique pour nous assurer qu’il y a quand même des garde-fous avant l’utilisation de certains de ces produits.
Quelques cas exceptionnels… Cela veut dire que ce ne seront pas tous les malades ou toutes les personnes qui pourraient être contaminés, loin de là, qui en bénéficieront ? Comment sélectionner les personnes qui peuvent participer à ces essais ?
Pour les vaccins, les essais ne seront pas faits sur les malades.
Non, sur des personnes saines…
Oui. C’est beaucoup plus pour les traitements à visée curative que nous pensons qu’il va falloir de préférence sélectionner les malades dans des endroits où les établissements de soins sont solidement implantés, parce qu’il faut un personnel de santé qui est au courant et qui sache suivre l’administration de ces traitements et les résultats
■ Cet entretien est à retrouver à 18h10, heure de Paris, ce samedi 9 août, sur RFI.