Une légende populaire raconte qu’un diable alla, d’Est en Ouest, sur une distance de plusieurs milliers de kilomètres, en suivant, comme nous contaient nos grands-mères, « ses nuits et ses jours », pour aller accomplir un besoin particulièrement pressant. Un vrai besoin de vrai djinn. Imaginez un peu combien ce voyage-là devait être fastidieux. Notre merveilleux diable avait quelque chose de très important à faire, selon son entendement. Un grandissime besoin. Au bout de son long voyage, notre aimable djinn – Il y en a de plus avenant que certains hommes – révéla son impérieux besoin : rendre borgne un âne à l’autre bout du monde. Même les djinns ne voyagent pas pour rien. Ils ont des besoins. Des objectifs. Des ambitions. Qu’un djinn parcoure des milliers de kilomètres pour aller enfoncer son doigt dans l’œil d’un âne, que des humains en trottent autant pour déclarer qu’ils exigent le respect de la Constitution ou que toute une délégation officielle, pleine à craquer de tout, aille jusqu’au bord du Danube ou du Rhin, pour se faire administrer une piqûre ou s’assurer de la normalité d’une hypertension, c’est kif-kif bourricot : en rien différent du besoin de notre mignon petit djinn. Mais, me diriez-vous, ne sommes pas moins que les vaches ? Réponse de fou, quoique je sache pas s’il existe une différence entre un fou et un djinn. Aux environs du début des années 70, il y avait, à Aleg, un fou communément appelé de Gaulle. Un fou normal. C’est très important à préciser. Parce qu’il existe, aussi, des fous pas « normal ». Qui sont, parfois, quelque chose. Beaucoup de choses, même. Les temps ont changé, dé ! De Gaulle, le fou normal d’Aleg du début des années 70, décida, un jour, d’aller abuser des champs environnant la ville. Il ne le fit pas de main morte. Au petit matin, les paysans complètement désemparés surprennent de Gaulle encore sur les lieux du « crime » et le réprimandent : « Comment oses-tu faire de tels dégâts, de Gaulle ? – Qu’est-ce que les vaches ont de plus que moi ? », répond calmement le fou normal. Très belle inspiration d’un fou… normal. Un fou honnête qui reconnaît, au moins, que les vaches n’ont rien de plus que lui. Etre fou et malhonnête, c’est la pire des choses. Les histoires de fou, ça ne finit jamais. Exemple : mani chari gasoil. C’est vraiment très proche d’une histoire de fou. Pourquoi ? Quand le peuple ou une partie du peuple dit : « Mani chari gasoil », le ministre de l’Economie et des finances peut lui répondre : « Ya emlak, c’est ton problème ». Surtout quand ceux qui ont des voitures ne savent pas comment ils les ont acquises. Des histoires de fou. Allah yarham de Gaulle ! Que la Constitution ne prévoit que deux mandats, alors que des passe-partout chevronnés, des violeurs dévergondés, des distributeurs de passe-droits en appellent à trois, quatre, voire cinq ! On n’apprend pas aux fous à jeter des pierres. Le ministre de la Culture, porte-parole du gouvernement – quel mélange ! – peut vous répondre qu’on ne peut rien contre la volonté populaire. Les goudrons. Les projets. Les voyages. Les festivals. Tarhil. L’aéroport international. La vente des écoles. Les performances à fleurets mouchetés des Mourabitounes. Les prix Chinguitt. Les marathons. Les défilés militaires. Machallah et que sais je ? C’est un crime que de s’arrêter en si bon chemin. « Emeyni », comme peut vous le dire, à tout moment, l’inénarrable ministre de la justice. Les illusions de l’opposition, alors que le pays se porte si bien, dixit Ould Hademine. Projet de rajeunissement de la classe politique : vive Ould Maham ! Aujourd’hui, les cheveux grisonnants ne veulent plus rien dire. Tout comme les cheveux noirs. Donc, finalement, jeunes et vieux se confondent. Attention, les filles ! Paroles de fous. Président-fondateur est aux trousses des gens de l’opposition. Pour retrouver l’Est. Consigne : chaque tribu doit mobiliser cinquante notables, afin de déblayer le terrain devant Président-fondateur. Il aurait quelque chose d’important à dire. A la Nation. Moi, Président-fondateur, je vous salue… Devinez la suite. Espérons que ça ne soit pas que des paroles de fou. Salut.
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».