Le nouveau ministre de l’Education, Isselmou ould Moctar, vient d’effectuer sa première sortie dans les Hodh et l’Assaba. L’homme accompagnait la délégation dépêchée sur les lieux pour « contrer les meetings du FNDU ». Au cours de ce déplacement éminemment politique, il s’est entretenu avec les services déconcentrés de son département. Ainsi à Aïoun, il a eu à encourager la direction régionale de l’Education pour la conception et la mise en œuvre d’un plan d’action mettant l’accent sur l’innovation pédagogique et la ponctualité des enseignants. Selon notre correspondant sur place, l’homme de Ghoudiya a promis d’accompagner cet effort et de le vulgariser.
Une première sortie qui lève un coin du voile recouvrant les ambitions du ministre. Mais que peut-il réellement faire à la tête de ce département fort décrié ? Disons tout de suite et sans trop verser dans le pessimisme : presque rien. Dans notre pays et comme le croient certains, l’éducation est vraiment par terre. La ramasser en espérant la voir se redresser relève de la foi au miracle. Isselmou ould Ahmed Vall a besoin d’un véritable soutien des Maghari de chez lui (de célèbres tradi-praticines)
Baisse du niveau
Le problème N° 1 de l’école publique mauritanienne, c’est la dégringolade du niveau. Les élèves sont nuls. Les enseignants le chantent à longueur de journée, oubliant que la faute leur incombe. Ils sont, eux aussi, nuls, tant sur le plan académique que sur le plan pédagogique. En choisissant de recruter, à tour de bras, des contractuels, pour combler le déficit en enseignants diplômés ; d’accorder la prime de bilinguisme à ceux qui y prétendent, souvent sans la moindre capacité ; le ministère a accentué l’effondrement du niveau, même s’il a multiplié, par ailleurs, les sessions de formation continue. Sur ce point, le manque de maîtrise, par nos équipes d’encadrement des enseignants, de l’Approche Par les Compétences (APC), a tué le dernier espoir de redresser le niveau des apprenants. Les séminaires de formations ne sont, hélas, que des occasions de se retrouver et de parler de tout, sauf du contenu de la formation et des modules à étudier. Les participants se préoccupent plus des perdiem et autres frais de transport que de renforcer leurs capacités. Les recyclages linguistiques des années 2000, financés, à coups de millions, par le projet Education, sont là pour l’attester.
Autre aberration, la carte scolaire que Nebqhouha mint Mohamed Vall avait contribué à dépoussiérer. Les regroupements des écoles, la fermeture de certaines sans aucune raison d’être butent sur les manœuvres de politiques qui tiennent à conserver, coûte que coûte, telle école, collège, voire lycée, pour leur « base » électorale. « Tant qu’on n’aura pas réussi à découpler l’école du champ politique, rien ne changera », se lamentent nombre de responsables de l’éducation. Et, certes, le politique est un des maux dont souffre notre école. La multiplication des établissements, tant au Primaire qu’au Secondaire, a entraîné une utilisation incohérente du personnel. Des professeurs peuvent se retrouver avec seulement quelque trois heures de cours par semaine, quand d’autres sont surchargés et nombre d’établissements, privés d’enseignants. Cette gestion déplorable des ressources humaines affecte également le département central dont les bureaux sont encombrés d’un personnel pléthorique, payé à ne rien faire.
Toutes ces aberrations perdurent d’autant plus que les dirigeants, responsables du pays, hommes d’affaires et petite classe moyenne n’envoient plus leurs enfants à l’école publique, réservée, désormais, au bas peuple et aux miséreux incapables de s’offrir deux repas par jour et de payer les frais de scolarité de leurs enfants. Les hauts responsables du pays qui prêchent l’arabisation de l’administration envoient, pourtant, leurs propres enfants dans les écoles privées à programme français. L’école à deux vitesses se développe… à grande vitesse ! Quel paradoxe ! Comment ce Président, ces ministres, ces directeurs, ces chefs de corps habillés osent-ils encore prétendre « se préoccuper de l’avenir de l’école publique » ?
Les contractuels, un autre étranglement
Le nouveau ministre hérite particulièrement du problème des contractuels. En sus des insuffisances académiques, énormes, que la majorité d’entre eux traîne, ils ont à digérer un retard de bientôt cinq mois de salaire. Imaginez le calvaire que vivent ces jeunes, hommes et femmes, et ces vieux, dans nos brousses les plus reculées. Diverses sources laissent entendre que certains d’entre eux ont fini par démissionner.
Contrairement aux années précédentes, le département n’aurait pas mis de côté le trimestre convenu de salaires des contractuels. Le président de la République n’en continue pas moins à claironner que les caisses de l’Etat sont pleines, qu’il n’y aucun problème. Certes et à en croire une source du département, les salaires des contractuels auraient été envoyés au Trésor, début Mars. Est-ce à dire que leur calvaire prendra fin ce mois-ci ? P’têtre bien qu’oui, p’têtre bien qu’non. Mais dans ces incertitudes, que peut faire, concrètement, notre nouveau ministre ? Quoiqu’il en soit, une chose est tout de même sûre : si le président Aziz cherche véritablement à changer la situation déliquescente de l’école mauritanienne, il aurait tout intérêt à s’inspirer de la démarche de l’ancienne ministre de Sidoca…
Ben Abdalla