L’idée du dialogue politique, qui a tant occupé les esprits et que certains analystes considéraient comme la clef de voûte d’un ordre institutionnel pacifié en Mauritanie, est en train de montrer ses limites en même temps que l’absurdité de son argumentaire.
Pour ceux qui en faisaient un préalable à toute acceptation par l’opposition de la main <<tendue>> du pouvoir, depuis l’appel présidentiel de Chinguetti, il est devenu clair qu’il n’y a jamais eu matière à dialoguer, sauf si la classe politique est prête à accorder un troisième mandat au président Aziz ou à admettre l’idée de la prolongation de son règne par président fantoche interposé, qui dirigerait un gouvernement de figurants et obéirait au doigt et à l’œil à son prédécesseur.
Or, au vu de la mobilisation sans précédent du FNDU et de l’audience dont il semble jouir dans les wilayas les plus populeuses, il devient absurde de penser une seule seconde que l’opposition veuille encore dialoguer ou qu’un quelconque accord, sans motif stratégique ou vital, puisse aujourd’hui constituer à ses yeux un objectif à atteindre ou l’opportunité d’une conduite justifiant des concessions qui lui seraient sans doutes fatales.
Le dialogue étant donc écarté, il serait intéressant de constater que pour ceux qui le prônaient, dans les deux camps, il n’a visiblement jamais constitué une conviction et encore moins une priorité.
Chacune des deux parties le mettait donc en avant pour faire amende honorable, prouver sa <<bonne foi>> et gagner du temps, car, pour chacune d’entre elles, la mort politique de l’autre n’est qu’une question de temps et bien sûr de… moyens que l’on s’empressait de lever sans beaucoup de scrupules sur les origines ni sur la manière dont ils sont utilisés.
On s’employait cependant, de part et d’autre, à confiner le président Aziz dans le rôle suicidaire de maître de cérémonie, obligé de donner sa bénédiction aux manœuvres perverses dirigées aussi bien par ses ennemis que par ses amis, contre son autorité et au-delà desquelles, le peuple lui demandera des comptes sur des griefs imputables à ses <<amis>> et dont il n’a probablement jamais eu connaissance.
A l’origine de ce dialogue, par où tous les malheurs viendront, il semblerait qu’en quittant la primature, Moulaye Ould Mohamed Lagdhaf fut parmi ceux qui auraient convaincu le président Aziz de rentrer dans une logique d’entente avec son opposition, sans précisions connues sur les effets escomptés pour la stabilité du régime.
Mais à chaque fois qu’il s’est agit des concessions, qu’il conviendrait de faire comme mesures d’accompagnement, les tenants de l’idée du dialogue dans le camp du pouvoir faisaient preuve de réticences, redoutant vraisemblablement de voir le chef de l’Etat s’entendre avec son opposition, d’où des manœuvres en catimini et des blocages en vue de rendre impossible l’aboutissement de la démarche ou, au moins, en retarder autant que cela est nécessaire, l’échéance.
Les soubresauts du parti de l’ancien ministre Cheikh Ould Horma et les dissidences au sein du RFD, prouveraient d’ailleurs que certaines sphères du pouvoir de Aziz entretiennent, pour leur propre compte, d’étroites relations avec l’opposition, mais la montée en puissance du FNDU prouve, pour sa part, que ces relations, arrachées aux prix fort, n’ont jamais été sur le compte de celui-ci.
Aujourd’hui, il est clair que l’échec de la stratégie d’infiltration de l’opposition est désormais consacré par le fait que les dernières dissensions au sein du RFD n’ont pas pu inhiber la volonté de cette dernière de reprendre pied et de crever le seuil de rupture du statu quo antes, dont on commençait à apprécier les vertus au niveau de la majorité.
Un signal fort qui fera sans doute ressurgir la vigilance du président Aziz, longtemps endormie par les professions de foi sans lendemains de thuriféraires, mus par le seul entretien de leurs intérêts mercantiles et dont l’enrichissement démesuré et sans traçabilité, fait partie des griefs retenus contre le régime tant qu’il ne s’en est pas démarqué.
Si le développement de cette situation aura pour conséquences prévisibles d’amener l’IGE à s’intéresser à certaines fortunes douteuses à l’aune des engagements électoraux du président de la république, il pourra aussi obliger certains responsables à fournir à ce dernier des explications sur la nécessité d’un dialogue d’autant plus controversé, qu’il tranche nettement avec la légitimité du mandat présidentiel.
En effet, la suggestion du <<dialogue>> pour garder la main au sein du système, dont certains pontes de la nomenklatura semblent s’être rendus coupables, équivaut en fait à une mise en cause du droit, pourtant constitutionnel, du président Aziz de s’isoler avec l’exercice du pouvoir ou d’y associer des courants de son choix, fussent-il de son opposition la plus infréquentable sur l’échelle de Richter…pardon, de l’UPR.
Pour schématiser, on peut dire sans risque de se tromper, que la tournée nationale du FNDU, dont l’immobilisme commençait à intriguer les observateurs, correspond à un acte de décès du dialogue dont le certificat d’inhumation pourrait être signé de la main d’un médecin légiste évoluant, cette fois-ci, hors de la dangereuse ambivalence Moulaye Ould Mohamed Lagdhaf-Yahya Ould Haddemine.
M.S.Beheite