La farce n’a que trop duré. Je parle de notre « démo-gâchis ». Je ne reviendrai pas sur l’Ere Taya parce que celle du président Aziz suffit largement pour illustrer le propos que je tiens. Certains me diront même que ce que nous vivons aujourd’hui n’est que le prolongement de nos déboires d’hier. Et ils ont raison. La « révolution » de 2005 n’a pas été une rupture et la « révolte » d’août 2008 encore moins. Il y a des choses qui refusent de mourir et d’autres qui n’acceptent pas de naître, comme disait l’autre. Le statu quo est le maître mot. Certains lui donnent, à tort, le nom de « crise » oubliant que celle-ci est un état passager. La nôtre est devenue notre normalité. Le dialogue que nous réclamons sera l’exception. Tout comme le redressement d’une économie exsangue, l’apaisement de la scène sociale et la séparation des pouvoirs qui est l’essence même de la démocratie.
Nous devons savoir que le jour où la politique (notre chère « bolletig ») ne peut plus nourrir son homme est proche. Avec ce régime, le cercle des privilégiés se rétrécit comme peau de chagrin. Et celui des mécontents s’élargit de jour en jour. Un système de vases communicants. Aziz est-il conscient que sa politique est en train de créer un nouveau profil : l’opposant dans la majorité qui est un peu le répondant de « l’opposant » (taupe) dans l’opposition ? Le premier peut être un « ministré», un homme d’affaires, un directeur ou chef de projet nostalgique du temps du « tbowdigh » (la bombance), comme dirait un griot de chez moi qui, après plusieurs années passées dans le camp de l’opposition, découvre subitement le faste factice de l’ère Taya.
La majorité d’Aziz a tendance de ne plus le servir parce qu’elle ne peut plus se servir. Au nom d’une soi-disant lutte contre la gabegie, la redistribution des biens usurpés ne profitent plus qu’à un cercle restreint. Les marchés de construction de routes, les nominations aux postes « juteux, l’import-export, les devises, les passe-droits de toutes sortes» sont devenus la « chose » du premier cercle du pouvoir. Il faut être dedans ou dehors.
Ceux du « dedans » se livrent une guerre sans merci pour défendre leurs places. Demandez au ministre de l’Economie et des Finances, devenu une sorte de Premier ministre bis, comment il a fait pour « renverser » Ould Rayess. Regardons les agissements de ceux qui se réclament du ministre secrétaire général de la Présidence, Moulay Ould Mohamed Laghdaf, et les répliques « telluriques » du clan du Premier ministre Yahya Ould Hademine. Les titres de « docteur » et « d’ingénieur » se télescopent souvent dans cette lutte de positionnement dans le cercle du « dedans ».
Ceux du « dehors » ne sont pas en reste. C’est parce qu’il n’y a pas d’amitiés en politique qu’on peine à avoir une opposition. Nos partis politiques se confondent avec leurs chefs. APP, Tawassoul, RFD, UFP, Hatem, PLEJ, Al wiam, AJD/MR, et j’en passe. Résultat : nous avons des oppositions dont la « résistance » au pouvoir se décline en intérêts fluctuants. Quand les uns boycottent les élections, les autres y courent allégrement. Quand la CAP (coalition pour une alternance démocratique) dit oui au dialogue, en 2011, la COD (coordination pour une opposition démocratique) choisit le non. Le même scénario s’est répété il y a trois mois occasionnant un « froid » entre le RFD et le reste du FNDU. Et quand ce dernier a marché pour montrer qu’il a toujours une capacité de mobilisation (et prouver sans doute que la « sortie » du RFD a peu d’incidence sur lui), le parti d’Ahmed Ould Daddah a répliqué en organisant un meeting monstre qui le fait revenir dans les enchères politiques. Les « oppositions » oublient ainsi qu’il y a un pouvoir en face d’elles. Elles font passer le futile avant l’utile. Les querelles du « dehors » amusent le « dedans » et lui donnent du répit. Il peut remettre à plus tard le dialogue, prolonger indéfiniment la vie d’un sénat dont certains élus siègent depuis 2007 ! Il peut créer et recréer des structures sans intérêt pour le peuple mais lui permettant, lui, d’accueillir, les nouveaux « arrivages ». Oui, on est en pleine ère de la médiocrité. Pour assurer le fonctionnement de son train, le président Aziz a le choix entre des pièces usées et celles « made in China ».
Sneiba Mohamed