Le Rassemblement des Forces Démocratiques d’Ahmed ould Daddah, qu’on disait pourtant très affaibli, a réussi le tour de force d’organiser, il y a quelques semaines, un meeting qui a drainé des milliers de militants et sympathisants. Depuis, le pouvoir ne dort plus sur ses lauriers. Croyant, sans doute, que les dissensions, les sautes d’humeur et l’absence de consensus sur la question du dialogue, qui avaient déjà provoqué le « retrait » du RFD, allaient être fatales à l’opposition, il a été obligé de revoir ses plans dans l’urgence. Non seulement, l’opposition n’est pas morte mais elle est, encore, capable de mobiliser du monde. En grand nombre. Les meetings du FNDU et du RFD ont démontré que les populations en ont assez des promesses sans lendemains et ne manqueront plus une occasion de crier leur ras-le-bol. Et leur rejet d’une situation désormais invivable où le chômage, la hausse des prix, l’injustice, la paupérisation, la mainmise sur les ressources du pays sont le lot quotidien. Pour exprimer un mécontentement, devenu symptomatique d’un malaise général, tous les moyens sont bons : poésie, rap, réseaux sociaux, manifestations de rue, sit-in... Tout y passe pour vilipender un pouvoir que même les laudateurs les plus zélés rechignent à défendre. La faute à qui ? A un chef qui ne manifeste que mépris pour ses soutiens et ne leur concède ni dividendes ni prébendes. Et, pour ajouter au tumulte, l’opposition a décidé de délocaliser ses activités à l’Est, avec trois meetings à Néma, Aïoun et Kiffa. Depuis l’annonce de cette tournée du FNDU, c’est le branlebas de combat dans tous les états-majors. Les réunions de crise se succèdent. Les notables appelés à la rescousse, comme à Tintane il y a quelques semaines, lorsque Tawassoul a fait circuler l’information selon laquelle il allait y organiser un meeting. Deux ministres et plusieurs hauts responsables ont accouru pour contrer la rumeur. Mais, cette fois-ci, ce n’est plus un mais tous les partis du Front qui ont décidé de partir à l’assaut de l’Est. Les autorités locales s’affolent. Les walis en personne appellent les ressortissants des différentes localités pour venir leur donner un coup de main. Alors qu’un meeting de l’opposition devrait être une manifestation normale de la démocratie et les autorités adopter une position de stricte neutralité, puisqu’elles représentent, non pas un parti, mais l’Etat, c’est tout l’inverse qui s’est produit. Le gouvernement a dépêché des ministres, des hauts fonctionnaires et des petits chefaillons pour tenter de diminuer l’impact de ces rassemblements, en organisant carrèment des meetings parallèles. Qui se sont soldés par des flops retentissants, aussi bien à Néma, à Aïoun qu’à Kiffa. Bien qu’on y ait distribué du poisson et de la viande, à tous ceux qui renonçaient à participer aux meetings de l’opposition. Une méthode éculée, déjà expérimentée à Nouakchott et qui n’a donné aucun résultat probant. Même au temps d’Ould Taya, jamais de telles méthodes n’avaient été utilisées. Pourquoi maintenant alors qu’aucune consultation électorale n’est en vue ? Pourquoi vouloir prouver, à tout prix et à quiconque, que l’opposition ne représente plus grand monde ? Qui se cache derrière ces manigances si peu démocratiques ? Pourquoi l’UPR, le parti au pouvoir et censé pendant de ces partis, n’est-il pas descendu sur le terrain pour « se battre » ? A-t-il été volontairement écarté ? Par qui au profit de qui ? S’il s’agissait de mesurer la popularité des ministres envoyés au charbon, et, au-delà, celle du gouvernement, le constat est amer. Le bébé doit être jeté avec l’eau du bain. Jamais une équipe n’a atteint un tel degré d’impopularité. L’Est, jadis bastion imprenable du parti au pouvoir, quel qu’il soit, et terrain de prédilection des chefferies traditionnelles et autres notabilités, est en train de basculer. La raison en est simple : ses citoyens en ont assez d’être pris pour les dindons de la farce à qui l’on ne fait appel qu’à l’approche d’une élection approche. Et qu’on oublie, dès le dernier bulletin balancé dans l’urne. Ils l’ont d’ailleurs fait comprendre aux émissaires du gouvernement. Du vent, du vent, toujours du vent. Que dit le fameux dicton, messieurs les émissaires ? Qui sème le vent….
Ahmed Ould Cheikh