Lutter contre la baisse du niveau des élèves est une priorité de la Direction Régionale de l’Education Nationale au Tagant. Pour enrayer cette gangrène, elle a initié, l’an dernier, avec ses services déconcentrés, une expérience inédite, quasiment révolutionnaire, dans le milieu scolaire mauritanien si réfractaire à tout changement. A cet égard, on se rappelle, tous, du passage remarqué de Nebghouha mint Mohamed Vall qui tenta, avec un succès hélas trop éphémère, de faire bouger les lignes.
Face, surtout, aux résultats, catastrophiques, du concours d’entrée en première année collège – le taux d’admission de la région n’est que de 30% – le directeur régional, Makhtour ould Ahmed Jiddou, et son équipe se sont attelés à la tâche. En repérant, d’abord, les raisons d’une telle hécatombe ; en situant, ensuite, les responsabilités, avant de tenter, enfin, d’apporter des solutions.
Résultats préoccupants
L’idée retenue fut d’organiser un test, au niveau régional, pour toutes les classes d’examen, sur les matières de base que sont l’arabe, le français et les mathématiques. L’expérience, d’abord lancée au niveau de l’inspection départementale de Tidjikja a été ensuite élargie aux deux autres inspections départementales de la région. L’IDEN de Tidjikja, Khalidou Mamadou – Khalil Sow, pour les intimes – salue, d’ailleurs, l’engagement et la fermeté du directeur régional, pour surmonter tous les obstacles. « Nos objectifs, en réalisant ce travail avec nos équipes de terrain, est de connaître le niveau réel de nos apprenants, voire de nos enseignants ; tenter d’apporter des correctifs nécessaires pour relever leur niveau, en suscitant une émulation au niveau de la région ; et enclencher, nous l’espérons, une dynamique au niveau national », indique le DREN.
Le test a touché les 183 écoles que compte la wilaya. Deux n’ont pas pu y participer, pour des raisons logistiques. Signalons, au passage, que l’effectif total des apprenants du fondamental, au Tagant, est de 19 094 dont 50,47% de filles), répartis en 723 divisions pédagogiques, tenus par 567 enseignants dont 122 contractuels. La région compte 12 établissements secondaires, avec un effectif de 4 161 élèves et 163 professeurs dont 72 contractuels.
Réparti en trois grands groupes ont montré que le niveau des élèves est disparate, extrêmement bas. Le tableau récapitulatif de du test d’évaluation des élèves de 6e AF sur les acquis de 5e AF le montre amplement. Le nombre de points était de 130.
La direction régionale et ses équipes ont ainsi réparti les niveau niveaux comme suit : le niveau 1 correspond à une maitrise relativement acceptable (130 – 60 pts), des acquis, le niveau 2, à celui des élèves faibles (59 – 30 pts), mais « récupérables », à travers des cours d’appui et de soutien, et le niveau 3, celui enfin des élèves qui n’ont pas les acquis de la 5e AF (29 -0pts). Ils n’ont aucune chance de réussir par conséquent réussir au concours d’entrée en 1ere année secondaire. Le résultat montre que certains sont incapables d’écrire. Dans ce cadre, la DREN a décidé de réhabiliter la leçon d’écriture ; elle a, à cet effet, distribué des cahiers d’écritures.
Voici le tableau récapitulatif de l’évaluation sur les acquis de la 5e AF la 6AF.
Moughataa
Nombre candidats
N1
%
N2
%
N3
%
TDJ
857
190
22,17%
424
49,47%
243
28,35
MOUDJ
942
195
20,70%
432
45,85%
315
33,43
TICHIT
47
46
97,8%
1
2,1%
0
0%
TOTAL
1846
431
23,34%
857
46,42%
558
30,22%
Les résultats du test ont fait l’objet d’une présentation aussi bien devant l’administration que devant les parents d’élèves. Les résultats des candidats sont déposés dans toutes les directions des écoles.
Les causes du mal ?
Ces contre-performances sont imputables, en grande partie, aux enseignants dont certains n’ont pas, eux non plus, de niveau, quand d’autres s’occupent plus de leurs affaires personnelles que du travail de classe. L’encadrement de proximité des enseignements, le laxisme de l’administration, le manque de maîtrise de la méthode APC, le manque de moyens didactiques, dans les classes, et logistiques, pour la direction régionale et ses inspections, ainsi que la démission de nombreux parents d’élèves ont aussi étaient épinglés.
Des premières mesures ont été aussitôt prises : organisation de test, pour évaluer le niveau réel des élèves de 6e AF, candidats au concours d’entrée en première année du secondaire. Le travail réalisé a fait l’objet de deux présentations. L’une devant l’administration et les directeurs des écoles, l’autre au profit des parents d’élèves. « Nous avons besoin de convaincre les parents d’élèves, les élèves et l’administration par la transparence du travail réalisé. Un grand défi. Autre challenge à relever, les parents d’élèves comprennent difficilement que leurs rejetons, habitués aux passages automatiques de notre système pousse-pousse, soient recalés, faute de niveau. Une première en Mauritanie. Certains directeurs des écoles ont eu, eux aussi, des difficultés à les convaincre. Ca a été difficile au début », reconnait l’IDEN de Tidjikja, mais, avec un peu de pédagogie, les parents d’élèves ont adhéré à l’idée. Avouons que c’est de l’audace, de la part de la DREN et de ses IDEN.
Aujourd’hui, l’action commence à donner des fruits. Les IDEN notent une évolution au sein des mentalités et des comportements, tant chez les enseignants qui supportent mal certaines sanctions ou observations que chez les parents d’élèves… C’est assez timide, mais ça commence », souligne monsieur Sow.
Mesures de redressement
La DREN a pris des sanctions, contre les directeurs des écoles dont les résultats, au concours d’entrée en 1ère AS 2015, sont jugées contre-performants. Ceux dont les résultats oscillent entre 40% et 50% ont reçu un avertissement verbal, tandis qu’un avertissement écrit a été adressé aux directeurs d’écoles dont les résultats sont compris entre 20 et 40, réservant le blâme à ceux dont les résultats sont compris entre 0 et 20 %. En deçà, c’est-à-dire, en cas de résultats absolument nuls, les directeurs ont perdu leur poste et se sont retrouvés affectés dans des zones éloignées de la région.
A l’inverse, c’est pour avoir obtenu un taux de 100% que l’école d’Oudey Lekchour s’est vu décerner un prix d’excellence, remis, à son heureux directeur, par le wali du Tagant, à l’occasion des festivités du 55e anniversaire de l’Indépendance.
En plus de ces actions et de la distribution de fournitures scolaires et autres équipements, aux écoles, collèges et lycées, la DREN poursuit, en cette année scolaire 2015-2016, son œuvre plus générale de redressement. Elle a ainsi entamé, le 26 Février, en collaboration avec l’UNICEF, des cours d’appui pour les élèves de 6e, 4e et 1e dans les disciplines de base : arabe, français et mathématiques. Durant les quatre semaines précédant les vacances clôturant le second trimestre, les enseignants de ces niveaux travailleront le week-end avec leurs apprenants. L’objectif est d’améliorer le niveau des élèves, particulièrement de ceux en classe d’examen. Ces enseignants bénéficieront de motivations de la part de l’UNICEF. Le DREN espère recevoir du ministère, comme l’an dernier, un appui pour réaliser la même action à l’endroit des classes de Terminale des lycées de la région.
Mais, insistons sur ce point, la DREN a besoin, pour réussir son pari, de l’appui de son premier partenaire, à savoir les parents d’élèves. Des rencontres périodiques sont ainsi organisées avec les associations des parents d’élèves, afin de partager l’information et les décisions à prendre. C’est dans ce cadre que ces organisations bénéficient de bureaux, au sein de la DREN et des IDEN.
La direction régionale s’est également approchée de la station régionale de radio et télévision, pour des émissions de sensibilisation sur, entre autres, le respect de la carte scolaire… et l’importance du sport pour tous : les filles du lycée de Tidjikdja disposent ainsi d’une salle de gymnastique. Cette approche de la DREN du Tagant gagnerait à être capitalisée et vulgarisée dans le pays, par le Département et son nouveau ministre. Elle permet d’obtenir, avec le sérieux requis, une idée exacte du niveau de nos élèves et, partant, d’apporter les correctifs nécessaires.
Grosses contraintes
Mais pour réussir le pari du redressement du niveau des apprenants, il faut des moyens conséquents. La DREN et ses IDEN en manquent, hélas. En premier lieu, le parc automobile qui n’existe que de nom. Le directeur régional ne dispose que d’une vieille bagnole, n’osant pas quitter le goudron. Que dire des inspections départementales, dans les régions difficiles d’accès, comme Tichitt ou la majeure grande partie de l’arrondissement de Boubacar Ben Amer (Ghoudiya) ? C’est dire que l’encadrement, par les inspecteurs, pose réellement problème, dans cette wilaya accidentée. A cela, il faut ajouter la déliquescence de certaines écoles mal construites qu’il faut vite réhabiliter, l’absence de clôtures et de latrines, en certains cas, l’éloignements des établissements les uns des autres, contrariant leur regroupement, l’ensablement d’autres, comme le lycée de Tidjikja ou les locaux de l’IDEN, l’absence de salles spécialisées en informatique et autres moyens audiovisuels.
DL