Les Mauritaniens aiment les ragots. Depuis très longtemps. Cette idylle avec les ragots, ça remonte a aussi loin que vous remontez l’histoire du pays. Tout tourne autour des détails. Dans la vie, rien n’est vraiment essentiel. Ce n’est pas important. Ordinaire. Pas plus grand que ça. Ce n’est pas que le ciel soit tombé sur la terre. Les Mauritaniens aiment les futilités. Genre : On vous a dit quoi ? Ceci et cela. Je savais donc que l’émission « Vissamim » – littéralement en profondeur – n’allait pas faire long feu. Les Mauritaniens n’aiment pas aller au fond des choses. C’est même déconseillé. Celui qui allonge le noctambulisme rencontrera une figure sans nez. Il ne faut pas défaire les affaires des gens en public. Ça, ce n’est pas de la presse. Exemple : aller déclarer que Messoud Ould Boulkheïr a passé quelques longues heures avec Mohamed ould Abdel Aziz. Autant dire qu’ils ont passé la journée ensemble. Parce que quelques longues heures, c’est entre dix à douze. Et ça, c’est une journée. La HAPA a raison de sévir contre certains journalistes aux affaires nombreuses. Autre exemple : parfois, on te raconte les détails de choses réputées accomplies dans la plus stricte intimité. Quand Tekeïber mint Ahmed s’emploie à convaincre son mari de président à renoncer à telle ou telle décision, ce n’est pas dans un meeting qu’elle le fera. Ni même au salon. Moi, ce que je veux savoir, c’est comment nos journalistes s’y prennent pour rapetisser au point de s’introduire sous les draps de son Excellence et l’écouter parler, en privé, avec sa femme. Ou comment ont-ils fait pour savoir que tel administrateur directeur général a perçu telle commission ? Bon. Je reviens. Juste une petite anecdote que je ne veux pas vous faire rater. Hier, je regardais, par hasard, une de nos télévisions privées dont l’invité était un commissaire de police de renom. Evoquant un événement qui s’est passé en 2008, le commissaire a précisé : « c’était juste après le mouvement de la Rectification ». Celui-là, il fera un excellent député, ministre ou sénateur. Mais il a besoin d’être reformaté, puisqu’on ne parle plus, depuis deux ou trois ans, de rectification mais bel et bien de coup d’Etat. Hé, monsieur le commissaire, attention à toi ! Tu vas rentrer dans un « mahdhour » (interdit). Les Mauritaniens, au lieu de demander pourquoi tel responsable est venu, pourquoi est-il parti, ils préfèrent te dire, par exemple, combien de femmes il a ; combien de maisons ; quel est son plat préféré ; qui l’a nommé ; Quels liens entretient-il avec quels généraux… La marque, la couleur et l’immatriculation de sa voiture. Sa tribu. Son ethnie. Ce qu’il a dans la tête. Ce sont, systématiquement, les questions qui tombent, après chaque promotion ou limogeage. Les Mauritaniens sont superficiels. C’est le fond qui leur manque le plus. Ils ne vont jamais au bout des choses. En cela, les exemples ne manquent pas. Commençons par la fin. Affaire Macina. Grand bruit au départ. Rien à la fin. Pauvre SG bouc émissaire déposé à la prison centrale. Rideau. Les grosses affaires de drogue. Grand tapage médiatique, judiciaire, sécuritaire. Puis silence. Rideau. Ghanagate. Mohamed ould Abdel Aziz. Coumba Bâ. Des noms qui sautent partout. Finalement, c’est Ghana-gâteau et fataya. Fuites récurrentes des prisons nationales. Colère présidentielle, selon les journalistes. Quelques jours, petite bougeotte des services de sécurité. Ensuite, rien. Les repris reprennent le bagne. Les pas repris reprennent leurs activités de vol, de viol, de meurtres et de trafic. En attendant de revenir en prison puis de refuir en ville. Le peuple suit les séquences bien orchestrées d’un théâtre : assassinat par ci, fuite de prisonniers par là. Affaire de drogue. Succession ouverte à la Fondation Rahma. Refuite de prisonniers. Petits changements, incolores et inodores, au gouvernement. Nominations et dénominations, au traditionnel Conseil des ministres. Promotion d’officiers. A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Le peuple aboie, les voleurs passent. Salut.
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».