Depuis quelques jours, deux affaires défraient la chronique en Mauritanie. Deux affaires diamétralement opposées, sur la forme, mais qui reposent, sur le fond et avec une certaine intensité, la question d’un certain marasme de plus en plus inquiétant. L’histoire de l’école de Nessiba a fait couler beaucoup d’encre. Sans que beaucoup ne sachent réellement de quoi s’agit-il. Nessiba, c’est une école primaire située quelque part dans un quartier populaire d’El Mina dont les élèves devaient assister, après avoir remporté un tournoi national, aux phases finales d’une compétition à Doha, avec les élèves d’autres établissements scolaires venus des autres pays arabes. Finalement, l’équipe de Nessiba n’y est pas allée. Selon la version officielle rapportée par le porte-parole du gouvernement, les état-civils de plusieurs élèves n’étaient « pas conformes aux profils exigés » par les organisateurs de la Coupe. Pire, des vérifications, à l’agence des documents sécurisés, ont permis de découvrir quelques anomalies sur l’identité de certains enfants. Officiellement, c’est la seule raison qui aurait empêché les élèves de faire le déplacement de Doha dont ils rêvaient depuis huit mois. Mais, pour leurs parents, la raison est toute autre. Certains milieux malveillants auraient, tout simplement, décidé de priver ces enfants issus de milieux pauvres, d’une opportunité de voyager qu’ils n’auront jamais plus, probablement, dans leur vie. Pour étayer leur thèse, les parents citent les manœuvres que certains responsables du ministère auraient entreprises, pour essayer de remplacer certains enfants par d’autres, afin de procéder à un certain « rééquilibrage socio-ethnique ». De fait, les enfants de l’équipe de Nessiba étant tous des harratines. Quoiqu’il en soit, si cette affaire a été, effectivement, manipulée à outrance, par les politiques et diverses organisations des droits de l’homme, le gouvernement mauritanien ne l’a pas, lui, correctement traitée. En un, les arguments avancés sont totalement fallacieux. Le gouvernement pouvait fort bien trouver une solution qui eût permis, d’une part, d’éviter une aussi grande déception (qui ne sera, certainement pas, sans conséquences psychologiques) pour ces petits enfants mauritaniens qui attendaient, depuis huit mois, de réaliser un rêve et, d’autre part, de tuer, dans l’œuf, un aussi malsain débat qui ne sert, vraiment pas, une cohésion sociale déjà durement écornée. De deux, le gouvernement devait diligenter une enquête, pour situer les responsabilités de cette malencontreuse déconvenue, afin que ses auteurs répondent de leurs petites bassesses, atteintes graves, si la responsabilité de ceux-ci est avérée, au principe fondateur de l’égalité entre tous les citoyens.
L’autre affaire est l’arrestation de l’inamovible secrétaire général du ministère de l’Intérieur et de la décentralisation, dans une affaire liée aux révélations de « The Independent », selon lesquelles une imprimerie familiale de Londres aurait versé des pots de vin à des responsables africains, notamment kenyans et mauritaniens. Toute la Mauritanie ne parle que, de cela, comme d’un fait inédit. Alors que c’est un secret de polichinelle que la corruption est la chose la mieux partagée par tous les Mauritaniens ; sauf ceux que bénit Allah et Allah sait qu’ils sont rares. En Afrique, la corruption constitue un véritable fléau qui va du plus petit agent jusqu’à, parfois, le président de la République. Tous les indicateurs de la transparence, les rapports des organisations, les enquêtes diligentées par les organismes spécialisées prouvent que cette gangrène fait des ravages dans les économies de quasiment tous les pays d’Afrique. Un petit tour en quelques quartiers de Nouakchott ou de Nouadhibou suffirait à vous édifier sur l’ampleur du phénomène. Des fonctionnaires, dont les salaires ne devraient pas même leur permettre de vivre moyennement, nagent dans un faste insolent, via villas cossues, voitures luxuriantes, « sorties usine » très chèrement payées, troupeaux de plusieurs milliers de têtes de chameaux ou de vaches, va-et-vient incessants entre divers pays du Monde, en voyages de noces ou de tourisme, et autres choses superflues où des milliards d’ouguiyas sont claquées, au vu et au su de tous. L’affaire Macina doit servir de déclic, pour enquêter sur toutes les fortunes et entreprendre un audit des comptes nationaux et internationaux de toutes les personnalités. Surtout, les plus haut placées : Président, ministres, directeurs généraux des grandes sociétés et responsables ayant en charge la gestion des secteurs miniers et de pêche, fiefs mondialement réputés des plus grandes indélicatesses financières. L’affaire Macina n’est que l’arbre qui cache l’immense forêt des véritables prédateurs et des corrompus « poids lourds » qui se gargarisent, impunément, des grosses commissions que leur versent, contre l’intérêt national, des multinationales et des opérateurs internationaux, via des comptes de blanchiment d’argent ouverts ici et là dans le Monde. Grâce à ces investigations, des Etats tout aussi africains que le nôtre ont réussi à assainir leur situation et à réduire, considérablement, les ravages de la corruption. Au Sénégal voisin, les services de la police économique suivent, avec attention, les mouvements de tout argent suspect et ont droit de regard sur tout compte à crédit douteux. En cela, personne n’est au-dessus de la loi. L’affaire Jacob Zuma et, dans une moindre mesure, celle de Karim Wade sont éloquentes, en termes de gestion de l’argent public et de corruption. Il est évident que, dans celle de Macina, le secrétaire général du MID n’est pas seul en cause. D’autres fonctionnaires y sont certainement impliqués. Le vote est un processus où interviennent plusieurs structures, notamment l’Agence nationale des documents sécurisés et la Commission électorale nationale indépendante. Si les enquêtes se poursuivent, d’autres têtes tomberont. Forcément. Remonter la filière pourrait même mener très loin. Sans cela, le secrétaire général du MID restera un bouc émissaire, une sorte de fusible, que le gouvernement aura sacrifié sur l’autel de l’impunité et de l’injustice, pour laisser courir de plus dangereux bandits que l’Histoire rattrapera, un jour. Inévitablement. Et, avec eux, ceux qui les ont protégés...
Sneïba El Kory