Dans son discours d’investiture, le président Mohamed Ould Abdel Aziz est revenu sur son thème favori, à savoir la lutte contre la gabegie. Un thème, qui semblait être rangé au frigo depuis quelques temps, refait surface, avec cette fois-ci plus de promesse de répression. En effet, si ce thème avait suscité un fort élan de sympathie pour l’homme du mouvement de la rectification du 03 août 2008, son impact demeure jusqu’ici d’ordre largement psychologique, donc dissuasif. L’envoi en prison des hommes d’affaires jusqu’ici intouchables, de quelques hauts fonctionnaires de l'Etat et même d’un ancien premier ministre avait fait une forte sensation au niveau de l’opinion publique. La croisade contre la gabegie qui, il faut le reconnaître, reste encore nécessaire, urgente même avait permis certes à l’Etat de retrouver quelques milliards d’Ouguiyas détournés, donc de renflouer les caisses, mais elle a vite fini par s’essouffler, parce que les présumés « moufcidines/ gabegistes » étaient tout simplement sommés de rembourser les montants, ce qui limitait forcément la dissuasion, donc la portée. Pire, les fonctionnaires et agents de l’Etat réussissaient toujours, à travers des marchés de complaisance, à passer entre les mailles des filets. Pour sa part, l’opposition accuse le pouvoir de corruption à travers la création d’une nouvelle « caste d’hommes d’affaires.» Enfin, les milliards recouvrés n’ont que très peu profité aux citoyens mauritaniens. Une injustice qu’il faudrait redresser, car il n’y a pas de raison que des fonctionnaires véreux dilapident impunément des biens de l’Etat, se tapent des maisons et des véhicules d’un luxe insolent, envoient leurs enfants dans les meilleures écoles (française même) de Nouakchott ou d’ailleurs, se fassent soigner à l’étranger, se dotent des milliers de têtes de bétails alors que d’autres peinent à s’octroyer un seul repas par jour. Des disparités criantes et paradoxales dans un pays présidé par celui qui se targue d’être le président des pauvres.
Aujourd’hui, il semble que le président est déterminé, au cours de son second mandat, à changer de fusil d’épaule, donc de stratégie. C’est croient savoir certaines sources, le message qu’il a passé lors du dernier conseil des ministres. Désormais, les auteurs présumés de détournements de biens publics seraient objet de poursuites judiciaires jugés et condamnés s’ils sont reconnus coupables. Espérons que les magistrats seront suffisamment forts et indépendants pour ne pas céder aux pressions qui peuvent venir, parfois de très haut.
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».