Après leur redéploiement en Mauritanie en 2013 après plus de 27 ans d'exil, les Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM) sont en train de s'implanter sur la scène politique mauritanienne. Samba Thiam, président des Flam s’exprime sur les colonnes de Sahara medias. Entretien.
Sahara medias : Quelles sont les actions concrètes menées par les flam depuis leur retour?
Samba Thiam: je me dois d’abord de vous remercier de me donner l’opportunité de m’exprimer, dans votre site. Si vous visitiez le nôtre (Flamnet) dans lequel nous publions, régulièrement, le compte rendu de nos activités, vous vous seriez aperçu que nous nous sommes immédiatement mis au travail, tout de suite après avoir foulé le sol national, sans nous accorder le moindre repos. Mais bon, je suis heureux d’y revenir, ici, et ce d’autant plus que certains, à travers leurs questions et commentaires, donnent l’impression d’être en déphasage complet pour ce qui nous concerne. Pour aller vite, je dirai que nous nous sommes consacrés, à essayer de traduire dans les faits notre feuille de route qui se résumait, essentiellement, à quelques grands axes ; Après avoir réussi à faire de notre retour un évènement politique et médiatique majeur, nous nous sommes appliqués, en priorité, à rétablir la vérité de notre discours, à faire partager nos positions, méconnues ou délibérément déformées, à nous implanter, tant soit peu. Parallèlement, nous avons engagé des rencontres politiques, tous azimuts, allant des hautes autorités de l’Etat, aux responsables d’institutions nationales, jusqu’aux chancelleries de la place pour faire connaitre, nos préoccupations, notre analyse de la situation nationale et les problèmes qui minent notre unité. Nous avons insisté, auprès de ces interlocuteurs, sur l’urgence de la nécessité du changement pour conjurer le danger qui se profile à l’horizon. Nous avons expliqué que nous, au niveau des Flam, voulons le changement, mais que nous ne pouvions le porter tous seuls; nous souhaiterions le porter avec les forces patriotiques dans l’intérêt bien compris de la Mauritanie. Nous avons, par ailleurs, rassuré sur notre intention d’intégrer le jeu démocratique, malgré toutes ses insuffisances du moment, pour pousser cet agenda.
L’autre volet, non moins essentiel, de nos activités a porté sur les tentatives de fédération des forces progressistes qui partagent les mêmes soucis sur l’acuité de la question de cohabitation et sa nécessaire prise en charge, sans délai. Notre base commune le réclame ; notre unité est devenue incontournable si tant est que la cause que nous défendons reste au-dessus de nos fiertés partisanes. A ce sujet, je dois m’empresser de souligner, pour m’en féliciter, la disponibilité dont ont fait montre la plupart des responsables politiques que j’ai approchés. L’espoir est donc permis pour, ensemble, aller de l’avant , le plus loin possible. Voilà, pour l’essentiel, la tâche à laquelle nous nous sommes attelés, depuis que nous sommes rentrés.
Sahara medias : Est-ce que les Flam ont retrouvé leur place sur le terrain, à l'instar de l'Ira et de TPMN, après 30 ans d'exil?
Samba Thiam : je trouve d’abord cette comparaison inappropriée, même surprenante ! Ira et TPMN sont des organisations des droits de l’homme, tout court, alors que les Flam constituent une formation politique. En second lieu, leur champ d’action, plus restrictif, est différent du nôtre, même s’il pouvait y avoir un recoupement, par endroits. Ira et TPMN viennent de naitre alors que les Flam sont une force politique vieille de 30 ans, forgée dans la douleur de la répression et de l’exil, trainant un passé lourd, un parcours singulier. Enfin nous venons juste d’arriver ... Nous avons donc besoin d’un peu temps pour reprendre complètement notre place ici ...mais nous y travaillons, avec patience et acharnement, rassurez-vous.
Sahara medias : Où en êtes-vous avec la création de votre parti annoncée depuis belle lurette?
Samba Thiam: « Parti, annoncé depuis belle lurette »! Ça c’est vous qui le dites !...Nulle part dans nos déclarations vous ne trouverez une affirmation aussi explicite. Il reste que cela demeure une option, forte, entre autres. Un congrès, en perspective, devrait décider de l’issue très prochainement.
Sahara medias : Voulez-vous une soudanisation de la Mauritanie en prônant l'autonomie de certaines régions?
Samba Thiam : Ah, nous y voilà ! C’est la question qui démange, agitée comme un épouvantail, pour justement gêner, voire faire obstacle à notre repositionnement sur le sol national. Mais, croyez –moi, nous n’avons pas peur d’assumer nos choix... nous assumons pleinement celui –là (l’Autonomie)!
Avant de revenir sur le thème à proprement parler de l’Autonomie, je me permets une remarque sur votre comparaison, inopportune: que nous voulons, dites-vous, par la solution de l’autonomie, la soudanisation de la Mauritanie... Je voudrais d’abord souligner que ce sont ces types d’approches ou d’affirmations péremptoires et gratuites qui, justement, participent de la diabolisation de notre mouvement, dénaturant complètement son propos...sans l’avoir visité ! Ensuite, rappeler que la soudanisation, qui fut une partition dans la douleur et le déchirement, a résulté de l’aveuglement et de l’entêtement à mener des politiques, nocives, fondées sur le mépris du voisin ou de l’autre... Des exemples à suivre ? Non, disons-nous! Mais si, par malheur, le divorce devait, malgré tout, advenir- a l’impossible nul n’est tenu -, ne pourrait-il pas être reçu avec toute la hauteur d’esprit de gens civilisés que nous sommes?
Est-il, du reste, trop tard pour se ressaisir ? L’Autonomie - notre solution - puisque c’est d’elle qu’il s’agit, parlons-en ! L’autonomie est, contrairement à ce que vous pensez, la solution qui préviendra ou conjurera justement la soudanisation de la Mauritanie ! En effet notre projet, parce qu’il va associer de larges segments de la société à la gestion directe du pouvoir au travers des terroirs, contribuera à une plus grande cohésion sociale, en réduisant, sensiblement, les sources de tension ethniques, tribales et sociales. Les peuples doivent sentir que l’Etat est le leur, que le gouvernement est à leur service, disait J Nyerere que je paraphrase un peu. C’est justement ce qui nous a manqué jusqu’ici, et c’est cela que l’autonomie corrigera. J’ai comme l’impression que, malgré toutes nos explications et dénégations de bonne foi, certains s’acharnent, par tous les moyens, à nous faire porter la camisole de force ! Il faut absolument nous figer dans une certaine image, même si, en leur âme et conscience, ces critiques et autres objecteurs savent qu’elle ne correspond pas à la réalité ! Cela fait plus scoop ? Peut-être ! Calculs, intérêts en jeu ? Sûrement.
Mais, pour bien nous comprendre, vous devriez remettre la proposition d’autonomie dans son contexte... Nous avons toujours affirmé qu’il fallait considérer notre solution de l’autonomie comme une proposition qui s’inscrit dans une tentative de recherche de solutions à un problème structurel, grave qu’on ne pouvait laisser en l’état, sans dangers. Nous ne faisons pas de cette solution un point de fixation ; nous restons ouverts. Qu’on nous prouve simplement qu’il y a mieux que ce que nous proposons; nous ne demandons qu’a être convaincus. Mais une chose demeure cependant certaine, c’est que le statuquo actuel, qui discrimine et opprime la vaste majorité, ne peut plus continuer.
Il y’a par ailleurs, lieu de rappeler, encore une fois, que l’autonomie n’est pas une solution inédite; elle existe dans plusieurs parties du monde, en Europe, en Afrique, en Amérique, en Asie. Et pourquoi donc, ne pourrait-elle pas, dans des conditions relativement similaires, avoir également cours chez nous,?
Pourquoi les autres et pas nous ? Je termine pour dire que nous allons rendre public, très bientôt, ce projet. Vous serez surpris ! Cette solution est celle qui nous semble la plus à même de remettre la Mauritanie sur les pieds qui, présentement, repose sur la tête !
Propos recueillis par NCO
Sahara medias